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Banque mondiale et FMI contre la révolution tunisienne
Tunisie : FMI et Banque Mondiale, la gueule du loup
François CHARLES

"Une constitution, il en fallait bien une..."

Il faudrait avoir l’esprit vraiment chagrin pour ne pas partager le soulagement de nombre de tunisiens de voir enfin se clore les travaux de l’ANC (Assemblée Nationale Constituante). "Une constitution, il en fallait bien une..." c’est ce qu’on peut entendre, le plus souvent répété, dans les rues tunisiennes, depuis son approbation par l’assemblée. Fruit évident d’un compromis mais conçue comme une étape, elle apparaît clairement comme marquant le terme d’un transition de trop longue durée. Sans compter que, bon an mal an, il fallait bien que le pays soit doté d’une constitution.

Nous n’entrerons pas ici dans l’analyse du texte si ce n’est pour souligner que, compte tenu de la composition de l’ANC, largement dominée par Ennahda et ses alliés islamistes radicaux, il s’agit d’un compromis somme toute globalement favorable aux libertés publiques.

Précisant les garanties obtenues dans le texte concernant indépendance de la justice, liberté de croyance et de conscience, suppression du recours à la Charia comme source du droit, égalité hommes-femmes...Nadia Chaabane, élue de Al-Massar à l’ANC, rappelle : "On revient de loin, mai vu notre nombre, nous avons réussi à imposer un texte globalement positif." (1)

On trouvera, bien sûr, encore des références à la religion au sacré, concernant notamment, et ce n’est pas une mince affaire, l’enseignement qui "doit consacrer l’enracinement de la jeunesse dans son identité arabo-islamique". Il fallait bien s’attendre à ce que le parti Ennahda ne lâche pas toute l’affaire d’un coup et, forcément, cette constitution n’est pas parfaite mais en tout état de cause, force est de constater qu’elle en rien liberticide. Pas davantage, en tout cas, que nombre de constitutions de pays occidentaux. (2)

Et, à l’issue de cet épisode, il y a fort à parier que la confiance des tunisiens dans leur capacité à poursuivre la révolution sortira encore renforcée. En effet, si les islamistes, bien que largement surreprésentés dans l’ANC ne sont pas parvenus à imposer la Charia pour arc-bouter cette constitution, c’est qu’ils sont d’une part, très affaiblis par la faillite de leur gestion à la tête de l’état, et se trouvent d’autre part, puissamment contestés par la rue : "C’est l’action unie des forces progressistes et de la société civile durant l’été qui a contraint Ennahda à faire des concessions" (Nadia Chaabane)

Sa tâche accomplie, cette Assemblée Nationale Constituante, après avoir défini le processus électoral, doit disparaître disent, avec bon sens, un grand nombre d’élus, alors que ceux d’Ennahda et leurs "amis", ultra majoritaires, considèrent évidemment qu’elle doit continuer de légiférer. Une furieuse bataille est attendue autour de cette question centrale qui, au fond, est celle de la conception du pouvoir et de la démocratie.

Dans cette situation, gageons que le peuple tunisien qui, depuis la chute de Ben Ali a toujours su tenir et rappeler le cap, saura encore une fois faire front aux tenants du retour à l’ordre ancien, à l’obscurantisme, ou aux deux à la fois.

Faillite de Ennahda et crise sociale majeure

Au plan économique Ennahda, comme les gouvernements qui l’ont précédé, n’aura fait, à ce jour, que du Ben Ali sans Ben Ali. Autrement dit, appliquer les mesures dictées par l’ultra libéralisme mondial, sous le parrainage des grandes puissances, notamment des Etats-Unis. Evidemment, la catastrophe sociale n’a pas manqué le rendez-vous. Et, comme sa corollaire classique, la situation politique s’est, elle aussi, considérablement dégradée. On a ainsi pu voir la colère populaire et ouvrière déferler de nouveau dans les rues et dans les entreprises pour culminer avec les assassinats des militants de la Révolution Belaid et Brahmi. Sans omettre les attaques de terroristes islamistes contre les militaires.

Les conséquences de cette politique ouvertement néolibérale sont ressenties durement par la population, prise en tenaille entre le recul de l’activité économique entrainant une montée violente du chômage et la politique d’austérité énoncée dans le Projet de loi de finances et du budget 2014.

Comme dans tous les pays du monde où il s’agit d’appliquer les recettes préconisées par la Banque Mondiale et le FMI, et cela depuis l’époque des ravages des PAS en Afrique (3), par un tour de passe-passe sémantique l’austérité est toujours rebaptisée "rigueur".

Rigueur, austérité...peu leur importe, c’est toujours sous le regard "très attentif" des bailleurs de fonds, que les mesures fiscales et les restrictions frappent à tour de bras.

Sont ainsi annoncées une augmentation de plus de 12% de la fiscalité sur les salaires, une augmentation de la TVA, impôt injuste s’il en est, et une augmentation des droits de consommation de 6.5%. Il convient de rappeler que, suite à la mesure visant à faire baisser l’impôt sur les profits des sociétés industrielles de près de 30% à 25%, la part relative de cet impôt dans les recettes fiscales directes de l’état a baissé de 4%. (4)

Cependant, comme il faut bien trouver quelque part les recettes manquantes, le gouvernement islamiste se propose "tout bonnement" de...geler tous les salaires pour la durée de l’exercice 2014 ! Quand on sait que l’inflation, au cours officiel pourrait-on dire, est au minimum de 6.5 % par an, on voit bien la volonté affichée d’Ennahda et on mesure aussi les conséquences à venir.

Ajouté à cela le gel des embauches dans la fonction publique. Ajoutée encore, alors que le chômage touche particulièrement les jeunes, une baisse de 21% du budget alloué au ministère de la formation professionnelle. Sans oublier la diminution de 22% des subventions de soutien au carburant, au pain, aux pâtes, à l’huile, au transport scolaire...

FMI et Banque Mondiale, la gueule du loup

Prêts, Dette, remboursement de la dette, intérêts, emprunts... De la dictature Ben Ali à Ennah-da, la ligne de conduite économique a toujours été celle d’un libéralisme affiché, dicté par les prêteurs, avec les résultats que l’on connait partout où ces derniers ont pu téléguider ces poli-tiques : Inflation galopante, pression fiscale sur les populations, saccage des services publics (santé, école, protection sociale...), pression à la baisse sur les salaires, baisse de la consom-mation, chômage, dégradation de la sécurité publique....bref, comme on l’a déjà maintes fois mesuré en Afrique sub-saharienne notamment, un chemin menant tout droit à une disparition progressive de l’état en son sens premier.

Ceux des gouvernants qui, s’engouffrant dans la gueule du loup, engagent leurs pays sur ces voies dangereuses ne sont plus, à très brève échéance, redevables de leurs orientations que devant ceux qu’on appelle, doux euphémisme, les "bailleurs de fonds", autrement dit Banque mondiale et FMI.

Ces états ne peuvent plus vivre sans les emprunts permanents qui, seuls permettent de faire face au remboursement de la dette à défaut duquel...ils ne peuvent plus emprunter ! Accroître la Dette ou mourir, ainsi s’enclenche le cycle infernal de la dictature des bailleurs. Quoi de plus simple en effet, une fois que ces états sont sous perfusion, pieds et poings liés, que de leur dicter les "remèdes" ? Ce dont ne se prive pas les docteurs FMI et BM qui, lorsque l’or-donnance n’est pas suffisamment suivie à leur goût, se changent alors en gendarmes violents. On prête, ensuite on exige !

C’est exactement ce qui vient de se produire avec la décision de la Banque Mondiale de "ge-ler" la troisième tranche du prêt de 1.5 milliards de dollars, accordé à la Tunisie en 2011, au prétexte que le nouveau ultra libéral code de investissements n’était toujours pas voté. Et lors-qu’on apprend le jeudi 30 janvier que, le chantage cessant, cette tranche a finalement été dé-bloquée...on sait pourquoi. (5)

Alors qu’on annonce un autre prêt à venir du FMI pour un montant de 1.6 milliards de dol-lars(6) il est clair que désormais FMI et Banque Mondiale dictent, sans partage, leur sort aux tunisiens. Il est clair aussi que ce sont tous ceux qui, depuis la chute de Ben Ali, se sont suc-cédés à la tête de l’état, ne faisant qu’empirer la situation, ont livré le pays aux puissances ex-térieures et lié le sort des tunisiens aux seuls intérêts des banques.

Ces apprentis sorciers gouvernants comptent souvent sans la conscience des peuples. S’agis-sant justement de la Tunisie, alors qu’on a pu voir comment les mobilisations populaires et ouvrières de l’été et du début d’automne ont ébranlé Ennahda et changé le cours des débats à l’ANC, il y a fort à parier que les programmes drastiques imposés par le FMI et la Banque Mondiale soient à ce point insupportables aux populations qu’ils ne puissent s’appliquer.

François Charles

 
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