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Un État envahit un territoire étranger, y déclare sa capitale, y installe ses pouvoirs, législatif, exécutif, judiciaire et administratif...
Jérusalem, composante essentielle du sionisme
Cécile Ranaut et Patrick Serres

Le « grand Israël » ne peut s’envisager sans une capitale « une et indivisible », Jérusalem. À partir de ce postulat, progressivement mais sans répit, l’état d’Israël, créé en 1948, a mis en place l’expulsion des Palestiniens de Jérusalem Ouest puis a continué son action à partir de 1967 avec l’occupation puis l’annexion de Jérusalem Est, vieille ville comprise, et de terres et villages palestiniens voisins portant la superficie totale de la ville à plus de 126 kms carrés.
 

Jérusalem s’est trouvée au cœur du conflit au Proche-Orient et le plan de partage international de 1947 attribuait à la ville un statut spécifique permettant de garantir à tous les cultes le libre accès en sécurité à tous les lieux saints. Corpus separatum englobant Bethléem, Jérusalem devait être une enclave sous contrôle international et indépendant.

Après un délai de dix ans, son statut définitif devait être fixé par la population consultée par référendum. Cependant, dès la déclaration unilatérale d’indépendance de l’État d’Israël en 1948 et l’annexion des territoires palestiniens qui s’ensuit, la ville de Jérusalem se retrouve divisée entre une partie occidentale annexée par Israël (38dkm2) et une partie orientale (6dkm2, dont toute la vieille ville) annexée par la Jordanie. Le plan sioniste, élaboré depuis la fin du dix-huitième siècle, est en marche et, en 1949, Israël proclame Jérusalem-Ouest sa capitale.

Proclamations unilatérales

En 1967, lors de la Guerre des Six jours, l’armée israélienne envahit Jérusalem-Est et l’État sioniste proclame Jérusalem « réunifiée », sa capitale « éternelle et indivisible ». Les bulldozers entrent dans la vieille ville et démolissent un quartier entier pour agrandir le secteur juif de 7 dunums à 130 dunums (1 dunum égale 0,1 hectare). Mais le projet sioniste reste inabouti, il lui faut une validation. En 1980, la « loi de Jérusalem » déclare unilatéralement Jérusalem capitale de l’État.
Un État envahit un territoire étranger, y déclare sa capitale, y installe ses différents pouvoirs, législatif, exécutif, judiciaire et administratif, et pourtant la communauté internationale reste sans réaction, baisse honteusement les yeux sur le fait accompli ! Certains vont rétorquer : exagération, car l’ONU, par les résolutions 476 et 478, déclare que la « loi israélienne » établissant Jérusalem capitale est nulle et non avenue, qu’elle constitue une violation du droit international, et invite les États membres à en retirer leur mission diplomatique.
Malgré cela, le Congrès américain a, début août 2013, voté une loi reconnaissant « Jérusalem capitale une et indivisible de l’état juif ».

À Jérusalem comme en Cisjordanie, l’implantation des colonies relève d’un schéma stratégique très cohérent, pensé, réfléchi : isoler les Palestiniens dans des enclaves afin de les pousser à quitter leur terre et gagner ainsi un maximum de territoire, rendant irréalisable toute solution d’un État palestinien viable.
La première vague de construction s’est faite de manière à relier le centre de Jérusalem au mont Scopus, où se trouvait l’université hébraïque édifiée en 1925, à l’est de la ligne verte, enclave israélienne en territoire jordanien du temps de la partition de la ville. C’est ainsi qu’en 1968 et 1969 que sont nés les quartiers de Ramat Eshkol et Giv’at Hamivtar. Les constructions de Giv’at Shapira (French Hill) et Ma’alot Dafna ont suivi au début des années soixante-dix.

Des quartiers forteresses

Au cours de cette décennie, la troisième vague de construction, la plus importante en termes de développement et de façonnage urbains, se distingue des précédentes. Les nouveaux quartiers ne sont pas contigus aux quartiers existants mais édifiés aux limites de la ville, sur des collines, aux quatre points cardinaux. Il s’agit de Gilo (au sud), de Tatpiot East (au sud-est), de Ramot Alon (au nord) et Neve Ya’akov (plus loin, au nord-est). Le milieu des années quatre-vingt voit la construction, à l’est, de Pisgat Ze’ev pour établir une continuité avec Neve Ya’akov.
Aujourd’hui seize colonies sont établies à l’intérieur des limites de la municipalité. [1]

Chaque quartier forme un véritable morceau de ville, caractérisé par une organisation concentrique (les rues forment souvent une boucle autour du sommet d’une colline), par l’installation des bâtiments publics, centres commerciaux, et synagogues en cœur d’îlot, et par de très larges avenues séparent les îlots d’habitation. Les constructions sont régulières, à l’identique, leur compacité et l’organisation des quartiers répondent à des principes stratégiques que certains architectes n’hésitent pas à les qualifier de « quartiers forteresses ».

Le plan E1, adopté en 1993 par le gouvernement Rabin, consiste à créer un arc ininterrompu d’habitations juives depuis les contreforts de la ville sainte jusqu’à Ma’ale Adumim [2] et aux versants de la vallée du Jourdain, rendant d’autant plus difficile la circulation de la population palestinienne entre Ramallah et Bethléem, entre le nord et le sud de la Cisjordanie.

Jérusalem coupée de la Cisjordanie

 L’espace est, par principe, poreux, mais le 10 juillet 2005 Israël a validé le tracé du mur dans et autour de Jérusalem-Est. Il inclut les principales colonies israéliennes des quartiers périphériques des villes et villages palestiniens proches, et sépare plus de deux cent cinquante mille Palestiniens de la Cisjordanie. Il réussit à exclure de nombreux villages et quartiers palestiniens densément peuplés comme Abu Dis à l’est, Shu’afat et Qalandiya au nord, Al-Walajeh, au sud, pourtant situés à l’intérieur des limites de la municipalité de Jérusalem.
L’arsenal se renforce avec la mise en place de points de contrôle, la construction du tramway (mis en service en 2011) et d’un réseau de routes réservées aux colons, infrastructures qui sont la preuve de la détermination de l’état d’Israël de ne jamais se retirer de Jérusalem-Est. Haim Ramon (ministre israélien pour Jérusalem) déclarait que ce tracé rendrait Jérusalem « plus juive » et répondrait ainsi au dessein de son gouvernement de parvenir au rapport de 70% de juifs israéliens pour 30% de Palestiniens dans la ville.

La grande zone de Jérusalem constitue donc un enjeu majeur du plan de colonisation d’Israël et les implantations de colonies se multiplient, en partie financées par diverses organisations juives. Les colons de ces différentes zones se répartissent en deux catégories : les plus extrémistes s’installent dans Jérusalem-Est, au contact des Palestiniens résidant dans la vieille ville, et sont placés sous la protection permanente et renforcée de la police israélienne ; les colons « économiques » sont répartis dans les colonies de la périphérie et souvent isolés du contact avec les Palestiniens par le mur, les routes, les checkpoints…

Leur situation d’encerclement et d’enfermement aggrave la situation des Palestiniens, détruisant leur vie économique, leur tissu social, portant atteinte à leur identité. À l’intérieur de la vieille ville, des maisons sont confisquées et leurs habitants expulsés ; à l’extérieur, moins urbanisé, les terres sont confisquées, les maisons détruites, pour permettre la construction de logements neufs pour les colons. Vingt mille ordres de démolition seraient en cours d’exécution pour des maisons et des structures palestiniennes.

En complément, les Jérusalémites palestiniens sont victimes de l’arsenal législatif et administratif sioniste. Pour limiter la croissance naturelle de la population palestinienne de Jérusalem et la forcer à quitter la ville, les processus d’obtention de permis de construire sont longs, très chers et pleins d’obstacles. Les bâtiments construits sans permis sont régulièrement démolis. Être détenteur de la « carte bleue » [3] de résident, sésame indispensable pour vivre dans la ville, en sortir et y entrer, impose toute une série d’obligations plus contraignantes les unes que les autres.
Sa possession peut être révoquée dans plusieurs cas : ne pouvoir faire la preuve (factures d’eau/électricité, certificats de scolarisation, paiement de la taxe d’habitation…) d’une résidence continue à Jérusalem pendant deux ans, passer plus de sept ans à l’étranger, acquérir une résidence dans un autre pays ou obtenir une citoyenneté étrangère.
Selon des statistiques du JCSER [4], entre 1967 et 2011, quatorze mille cinq cent soixante Palestiniens de Jérusalem-Est se sont vu retirer la « carte bleue » . Un rapport du Haut commissaire des Nations Unies pour les droits de l’Homme a estimé qu’en 2010, dix mille enfants palestiniens de Jérusalem-Est n’ont pas été enregistrés parce que seul un de leurs parents avait le statut de résident permanent. Ceux dont la résidence est révoquée sont considérés comme des « absents » [5].

En conséquence, l’État peut confisquer tous leurs biens. Début 2011, la municipalité de Jérusalem a cessé d’exiger de certains résidents qu’ils payent la taxe Arnona, ou taxe d’habitation, serait-ce pour ensuite les qualifier d’« absents » ?
Diverses privations pèsent au quotidien sur les Palestiniens de Jérusalem, dont on estime que 78% sont en dessous du seuil de pauvreté, et portent atteinte à leurs droits. Atteinte au droit d’accès à la santé, puisque les services hospitaliers de Jérusalem-Est, et c’est là que se situent beaucoup d’établissements spécialisés (chirurgie, etc.), ne sont plus accessibles aux Palestiniens de Cisjordanie.
Atteinte au droit à l’éducation, puisque le Mur prive élèves, étudiants et professeurs d’un accès libre à la fois aux écoles de Jérusalem-Est et à celles de Cisjordanie, selon leur lieu de résidence.
Tous les jours, plus de quatre mille habitants traversent le mur pour accéder aux écoles situées à la périphérie de la ville et inversement pour ceux qui se retrouvent derrière le mur de colonisation.
Atteinte au droit de la famille, puisque le mariage d’un(e) résident(e) avec un(e) non-résident(e) n’autorise qu’un permis temporaire et parfois aucun permis n’est accordé. Les familles sont donc très souvent éclatées avec toutes les conséquences humaines et sociales que cela engendre.

La situation à Jérusalem-Est constitue une des facettes du projet sioniste de colonisation de la Palestine, en complément de celle pratiquée en Cisjordanie et du blocus de Gaza.

Malheureusement, en dépit des nombreuses résolutions, déclarations, condamnations verbales, et malgré les volumineux rapports qui dénoncent l’illégalité de cette politique, rien ni personne, au niveau de la communauté internationale, ne contraint Israël à stopper sa politique du fait accompli colonisateur et ségrégationniste. Les Palestiniens poursuivent leur lutte pour l’indépendance et nous avons le devoir moral de soutenir leur combat et leur résistance. Seuls le boycott de cet État hors la loi, le désinvestissement de toutes les structures qui participent à cette colonisation, les sanctions pour non respect du droit international permettront de contraindre les gouvernements israéliens à respecter le droit.

Patrick Serres et Cécile Ranaut

 
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