RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher
Commentaire
Exhortation(s) : quand le pape François parle des classes...
Jean-Emmanuel DUCOIN

Dans Evangelii Gaudium (la joie de l’Évangile), diffusé mardi 26 novembre, premier texte officiel publié de sa main depuis son élection sur le trône de Pierre, l’évêque de Rome offre une ligne de conduite tous azimuts, façon feuille de route.

François Ier. Être au monde dans ses mutations ne va pas sans soubresauts, ni hésitation. Ici, non pas la chronique de la peur mais contre la peur, quand la solitude se brise par la grâce d’espoirs sollicités. Voici le temps de l’aveu, celui qui doit inciter à l’optimisme malgré les périls en vue et les éventuelles déceptions. Que craindre le plus, en effet : l’effroi prévisible des consciences ou le combat des hommes en tant que potentialité ? Bien sûr, gardons-nous toujours d’un enthousiasme trop aveuglé par la puissance symbolique des actes et des mots. Mais, une fois encore, le pape François vient de nous surprendre plutôt agréablement. Pourquoi devrions-nous le taire et tenir à distance des informations assez importantes, qui, en tout orgueil, confortent nos impressions initiales ? Dans Evangelii Gaudium (la joie de l’Évangile), diffusé mardi 26 novembre, premier texte officiel publié de sa main depuis son élection sur le trône de Pierre, l’évêque de Rome offre une ligne de conduite tous azimuts, façon feuille de route, qui dépasse de loin les gestes inédits et autres phrases qu’il avait pu distiller çà et là, à la grande stupéfaction des conservateurs de la curie. Dans cette première « exhortation apostolique », qui pourrait faire date, François Ier appelle l’Église à s’ancrer dans la société. Une idée banale, direz-vous. Moins qu’il n’y paraît.

Exploités. « Une Église pauvre pour les pauvres (…), audacieuse, créative, fervente, cordiale et joyeuse. » Les mots sont placés. Et visiblement dans le bon ordre. Dans ce texte programmatique, Bergoglio dit préférer une « Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort ». Dans un long chapitre consacré à la crise économique, le pape réaffirme la primauté de la dimension sociale et de l’engagement dans la cité. Les phrases claquent et laissent assez peu de place au doute. Qu’on en juge : « De même que le commandement de “ne pas tuer” pose une limite claire pour assurer la valeur de la vie humaine, aujourd’hui, nous devons dire “non à une économie de l’exclusion et de la disparité sociale”. Une telle économie tue. » Le pape poursuit en ces termes : « Aujourd’hui, tout entre dans le jeu de la compétitivité et de la loi du plus fort, où le puissant mange le plus faible. On considère l’être humain en lui-même comme un bien de consommation, qu’on peut utiliser et ensuite jeter. Il ne s’agit plus simplement du phénomène de l’exploitation et de l’oppression, mais de quelque chose de nouveau : les exclus ne sont plus seulement des “exploités”, mais des “déchets”, “des restes”. » Comment se montrer plus explicite ? Pour étayer sa critique du libre marché laissé entre les mains d’un « système économique dominant », l’auteur dénonce les nouvelles idoles, celles du « fétichisme de l’argent » et de la « dictature de l’économie sans visage et sans but véritablement humains », ce qu’il appelle « la négation du primat de l’être humain ». Comment ne pas être d’accord ? D’autant que cette condamnation s’accompagne d’un constat philosophique supérieur. Pour le pape, la crise financière – et morale – que nous traversons ne doit pas nous faire oublier qu’elle trouve son origine dans une crise anthropologique plus globale : « La crise mondiale qui investit la finance et l’économie manifeste ses propres déséquilibres et, par-dessus tout, l’absence grave d’une orientation anthropologique qui réduit l’être humain à un seul de ses besoins : la consommation. »

Classe. Le meilleur est encore à venir. Dans un chapitre judicieusement nommé « Le bien commun et la paix sociale », François Ier indique que ladite paix sociale « ne peut pas être comprise comme un irénisme ou comme une pure absence de violence obtenue par l’imposition d’un secteur sur les autres ». Pour le pape, « ce serait même une fausse paix que celle qui servirait d’excuse pour justifier une organisation sociale qui réduit au silence ou tranquillise les plus pauvres, de manière que ceux qui jouissent des plus grands bénéfices puissent conserver leur style de vie sans heurt, alors que les autres survivent comme ils le peuvent ». Et ce n’est pas tout : « Les revendications sociales qui ont un rapport avec la distribution de revenus, l’intégration sociale des pauvres et les droits humains ne peuvent pas être étouffées sous prétexte de construire un consensus de bureau ou une paix éphémère, pour une minorité heureuse. La dignité de la personne humaine et le bien commun sont au-dessus de la tranquillité de quelques-uns qui ne veulent pas renoncer à leurs privilèges. » Vous avez bien lu. À sa manière, le pape réclame une conversion radicale : « L’auteur principal, le sujet historique de ce processus, c’est le peuple et sa culture, et non une classe, une fraction, un groupe, une élite. » Un bon début pour appeler à une révolution citoyenne. Non ?

Jean-Emmanuel DUCOIN

 
COMMENT AMADOUER LES MODERATEURS : Les lecteurs sont priés de poster des commentaires succincts, constructifs, informatifs, polis, utiles, éventuellement drôles, élogieux (tant qu'à faire). Les modérateurs sont parfois sympas mais souvent grognons. Sachez les apprivoiser.
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Ajouter un document

  • Merci de limiter le nombre de vos interventions
  • Merci de ne pas dévier du sujet
  • Merci d'éviter les commentaires totalement anonymes...
  • Merci d'éviter les empoignades stériles
  • Merci d'éviter le prosélytisme
  • Souriez ! Vous êtes filmés lus par des milliers d'internautes.
COMMENTAIRES
MODE D'EMPLOI
Les commentaires sont modérés.
Votre adresse IP est automatiquement enregistrée avec votre commentaire (mais ne sera pas divulguée). L'adresse IP sera supprimée au bout de 2 mois.

Merci de préciser votre nom (ou un pseudo). Ca facilite les échanges éventuels.

Notez que les commentaires anonymes ou sous pseudo, ainsi que les utilisateurs de proxy et autres "anonymiseurs", sont plus sévèrement filtrés que les autres. Mais n'oubliez pas aussi qu'un commentaire posté sous un vrai nom laisse des traces sur Internet...

Merci aussi de surveiller le ton et le style de votre intervention.

Ne soyez pas impatients si vous ne voyez pas apparaître votre commentaire, les modérateurs ne sont pas toujours devant un écran. Plusieurs heures peuvent donc s'écouler (ou pas) avant sa publication (ou pas).

Si votre commentaire n'apparaît toujours pas après un "certain temps", vérifiez s'il ne rentre pas par hasard dans une des catégories énumérées ci-dessous...


NE SERONT PAS PUBLIES :

  • les racistes, xénophobes, sionistes, etc,
    (la liste habituelle quoi)

  • les adeptes du copier/coller.
    Des extraits et un lien devraient suffire.

  • les "réactionnaires" visiblement à côté de la plaque.
    Certain(e)s prennent le temps d'écrire. Ayez la gentillesse de prendre le temps de lire - avant de réagir.

  • les représentants de commerce.
    Le Grand Soir ne roule pour (ni contre) aucun groupe ou organisation particuliers. Si vous avez quelque chose à vendre, attendez le prochain Salon.

  • les Trolls
    (qui se reconnaîtront)

NE SERONT PAS PUBLIES NON PLUS :

  • les propos insultants, méprisants, etc à l'égard des contributeurs du site.
    Un minimum de respect s'impose.

  • les rapporteurs des clichés habituels véhiculés par les médias dominants
    Le Grand Soir n'a pas pour vocation de servir de relais aux discours dominants. Si vous ne supportez que le politiquement correct, adressez-vous à France-Inter.

  • les attaques contre les pays en état de résistance.
    "Des Révolutions et des révolutionnaires : il faut les examiner de très près et les critiquer de très loin." Simon Bolivar

  • les réglements de compte au sein de la gauche.
    Apportez vos convictions et laissez vos certitudes au vestiaire. Si l'un d'entre vous avait totalement raison, ça se saurait... Précision : le PS, jusqu'à preuve du contraire, ne fait pas partie de la gauche.

  • les "droits de réponse" à la noix.
    Ceux qui occupent déjà 90% de l'espace médiatique aimeraient bien occuper les 10% qui restent au nom de leur liberté d'expression. Leurs droits de réponse seront publiés chez nous lorsqu'ils nous accorderont un droit de parole chez eux.

  • les "appels aux armes" et autres provocations.
    Vous voulez réellement monter une guérilla dans la forêt de Fontainebleau ?

SERONT SYSTEMATIQUEMENT PUBLIES :

  • les compliments
  • les encouragements
  • les lettres d'amour
  • etc.