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Vers un octobre rouge au Venezuela ?
Les stratégies à risque des opposants à Hugo Chavez
Romain MIGUS

La campagne électorale bat son plein au Venezuela. Sept candidats sont en lice pour se disputer, le 7 octobre prochain, la présidence de la République. Parmi eux, Yoel Acosta Chirinos, ancien compagnon d’armes de Chávez lors de la tentative de coup d’Etat du 4 février 1992 ; Orlando Chirinos, syndicaliste trotskyste farouchement opposé aux politiques gouvernementales ; Henrique Capriles Radonski, candidat de la Mesa de Unidad Democratica (MUD), plateforme qui regroupe les partis néolibéraux ; et, bien sûr, Hugo Chavez, qui brigue un nouveau mandat.

Notons d’emblée que les deux derniers candidats mentionnés ci-dessus devraient réunir 99 % des suffrages exprimés. Dans un pays où la politique est aussi bipolarisée, il ne subsiste guère d’espace électoral pour des positions intermédiaires. Des partis politiques comme Patria Para Todos (PPT) ou Podemos qui avaient fait ce pari, ont été laminés lors de scrutins antérieurs où ils se présentèrent comme une « troisième voie ». Leurs dirigeants ont d’ailleurs fini par rejoindre les rangs antichavistes.

Comme lors de la précédente campagne présidentielle, en 2006, l’opposition est prise dans une contradiction. Le candidat Capriles, dans la droite ligne de ses origines sociales et de ses positions constantes à la droite de l’échiquier politique vénézuélien, propose un programme néolibéral classique, même si les médias le maquillent en projet social-démocrate. Mais comme ce programme, s’il est explicité, a peu de chances de séduire la majorité de l’électorat, Capriles a opté pour une stratégie de campagne avant tout émotionnelle, axée sur son opposition aux mesures gouvernementales. Cette posture stratégique diverge radicalement de la clarté idéologique de son projet.

Pour gagner l’adhésion des électeurs, Capriles recourt systématiquement à des stratagèmes. En premier lieu, il décontextualise de manière permanente les problèmes du Venezuela en faisant l’impasse sur les conséquences de plusieurs décennies de politiques néolibérales du pays avant l’arrivée au pouvoir de Hugo Chavez. De plus, il présente les mesures du gouvernement comme une anomalie dans le monde démocratique. Cette stratégie a néanmoins ses limites. Alors que l’opposition accusait le gouvernement d’isoler le Venezuela sur la scène internationale, l’entrée du pays dans le Mercosur, l’appui des partis de gauche de tout le continent lors du Foro de Sao Paulo récemment organisé à Caracas, et surtout le soutien de l’ancien président brésilien Lula da Silva à Chavez, ont pulvérisé cette manoeuvre.

Conséquence de cette décontextualisation, l’opposition s’emploie à nier systématiquement toutes les avancées sociales et économiques du gouvernement. Enfin, prodige de la sémantique, l’unité des partis politiques qui appuient la candidature de Capriles devient l’unité de tous les Vénézuéliens. Disparus les antagonismes entre les ouvriers et le patron, entre les propriétaires fonciers et les mal-logés, entre les paysans exploités et les terratenientes, entre le propriétaire d’une clinique privée et le patient sans le sou…

Face à cette rhétorique, le candidat Chavez a présenté un programme de gouvernement dans la continuité des acquis de la Révolution bolivarienne [1]. A en croire les instituts de sondage, les Vénézuéliens semblent majoritairement adhérer à ce programme. En particulier, une enquête effectuée par l’agence Reuters montre une constante domination du candidat bolivarien [2]. Mais Hugo Chavez demande constamment à ses partisans de ne pas tenir la victoire pour acquise et de convaincre les indécis afin de l’emporter avec le plus large écart possible. Une victoire serrée de l’actuel président ne manquerait pas, en effet, de réveiller les vieux démons anti-démocratiques d’une opposition prête à tout pour s’emparer de l’exécutif. Comme le note Jennifer Lynn McCoy, du Centre Carter, "un résultat étriqué qui ne serait pas accepté déboucherait sur une vague de violence" [3].

L’enjeu des élections du 7 octobre 2012 dépasse donc la simple joute électorale. Si Hugo Chavez et les forces armées vénézuéliennes [4] se sont engagés à respecter les résultats proclamés par le Centre national électoral (CNE), aucun dirigeant de l’opposition n’a fait de même. Plus grave : une campagne médiatique s’est mise en branle pour semer le doute sur l’impartialité du CNE. L’hebdomadaire Zeta a récemment consacré une de ses livraisons à une prétendue fraude électorale qui serait organisée par ce même CNE [5]. En 2006, lors de la précédente élection présidentielle, son rédacteur en chef, Rafael Poleo, avait ouvertement appelé au coup d’Etat coloré, dans le pur style des révolutions « oranges » [6]. Cet appel, lancé en direct sur la chaîne de télévision Globovision, n’avait pas été cautionné par le candidat de l’opposition de l’époque, Manuel Rosales. Qu’en sera-t-il éventuellement de Capriles ?

Cette accusation de fraude est reprise par le quotidien El Nacional [7]. Depuis sa cellule, le général Baduel, ancien ministre de la défense condamné pour corruption, appelle les Vénézuéliens à « étudier les préceptes du professeur Gene Sharp, dont se sont inspirées toutes les révolutions colorées, de la Serbie à l’Ukraine en passant par la Géorgie ou l’Azerbadjian » [8].

Les récents voyages de dirigeants de l’opposition en Espagne, en Israël et en Colombie, ainsi que l’appel du pied de Capriles aux militaires vénézuéliens [9], ont nourri les spéculations du camp chaviste. Le journaliste José Vicente Rangel, toujours très bien renseigné, a révélé l’intention d’une partie de la droite de ne pas accepter les résultats afin de jeter la suspicion sur la transparence démocratique du processus vénézuélien [10]. Le procureur général de la République, Luisa Ortega Dà­az, a même alerté sur la possibilité d’un coup d’Etat post-électoral [11].

Pour mettre en échec le dessein d’une partie de la droite vénézuélienne, Hugo Chavez devra conquérir les suffrages d’une large majorité d’électeurs. Il lui reste un peu plus de deux mois pour y parvenir.

Romain Migus, Journaliste, Caracas.

SOURCE : http://www.medelu.org/Les-strategies-a-risque-des

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