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Fonds souverains libyens : les «  rebelles » réclament 2,5 milliards cash (Il Manifesto)
Francesco PICCIONI

La guerre a été faite pour des raisons purement humanitaires et gare à vous si vous en doutez. Les plus malveillants iront aussi penser que le pétrole (production : 1,6 millions de barils par jour, en conditions normales) y est pour quelque chose, mais rien de plus. Ensuite, les «  rebelles » se réunissent à Doha, dans le Golfe persique, pour essayer de débloquer les «  fonds souverains libyens » qui circulent de par le monde. Ou bien au moins 2,5 milliards de dollars cash, pour payer immédiatement «  les salaires » du gouvernement in pectore (ceux qui s’y croient déjà , NdT) et diverses autres dépenses dans un pays ravagé par les bombardements.

La Suisse a déjà fait savoir qu’elle est prête ; il ne lui manque que l’accord du Conseil de sécurité de l’Onu -qui a «  congelé » au début de la guerre tous les fonds remontant à Tripoli. Mais à Berne on pense que l’affaire sera vite réglée. Dès qu’arrivera l’accord, les comptes redeviendront actifs et à disposition des «  propriétaires légitimes », qui seront entre temps nommés par le «  nouveau gouvernement ». Un édifice assez compliqué, et qui, bien sûr, n’est pas facile à «  restituer » sans quelque résistance de la part des «  détenteurs ». Mais Mahmou Jibril (hier, mercredi 24 août, en visite à l’Elysée, aujourd’hui à Rome chez Berlusconi, NdT) président exécutif du Cnt, réclame qu’on trouve la somme minimale nécessaire d’ici la fin du Ramadan, c’est-à -dire dans quelques jours.

Les avoirs de Tripoli qui sont en circulation dans le monde ne sont pas des petits sous : en 2004, Kadhafi avait été effacé de la liste des «  Etats voyous » (et c’était l’époque de Bush, un connaisseur). La Libyan Investment Authority (Lia) a eu à gérer un surplus annuel de plus de 30 milliards de dollars provenant des ventes de pétrole, et, très rapidement, la somme destinée aux investissements à l’étranger est devenue réellement conséquente. On parle d’au moins 70 milliards, mais ce doit être beaucoup plus.

En janvier (2011), par exemple, le très peu patriote représentant de la Lia, Mohammed Layas, a -comme le rappellent Wikileaks et Dinucci [1]- prévenu l’ambassadeur étasunien que son institut venait de verser 32 milliards de dollars dans les banques étasuniennes. Un mois plus tard ils étaient tous séquestrés. Un vol tout en souplesse, avant la rapine à main armée qu’on appelle guerre. 45 autres milliards sont sûrement gardés dans des banques européennes : surtout françaises et anglaises (là aussi on pourrait avoir quelque soupçon…), sans parler des dizaines d’autres investissements dans quasiment le monde entier. Le cas italien a été au centre de trop de polémiques pour en parler encore de façon diffuse. La participation libyenne à Unicredit, qui a coûté à Alessandro Profumo son fauteuil de directeur [2], a un poids de 7,5% dans la banque (plus de 1,5 milliard, à sa valeur d’hier). On trouve des participations importantes aussi chez Finmeccanica (2%), Eni (1%) et, depuis toujours, à la Juventus (7,5), tandis que le départ de chez Fiat (sur pressions de Reagan) remonte à 1986.

Outre la Lia, opère aussi dans le monde la Banque centrale (libyenne, NdT), même si ce n’est pas toujours directement en son nom propre. Par exemple, en Italie, elle détient 60% de Arab banking Corporation, dont le siège est à Milan. Tout aussi forte sa présence chez Tamoil et dans le groupe Olcese. Nombre de ces participations sont cependant difficiles à reconstruire, parce que de petites dimensions, et effectuées par l’intermédiaire de «  sociétés vecteurs » en rien transparentes : elles opéraient ainsi à l’époque pour contourner l’embargo étasunien, et ensuite, elles se sont trouvées très bien «  dans l’ombre ». Tarak Ben Ammar a dû intervenir plusieurs fois pour redimensionner la participation libyenne à Mediaset (le groupe de presse de S. Berlusconi, NdT). En France, la Banque centrale est présente pour 10% dans Quinta Communications, mais aussi chez Lagardère, EdF, Alcatel, Bnp Paribas. Aux Etats-Unis -après la fin de l’embargo- la liste est pratiquement infinie : de la tristement célèbre Halliburton à Xérox, Honeywell, Exxon, Chevron et Pfizer. En Angleterre les sociétés suivantes ont aussi un sociétaire venant du gouvernement libyen : Glaxo, Shell, Vodafone, British Petroleum. Mais, pour faire de bonnes affaires, on ne s’est pas laissé distancer non plus  ni en Allemagne (Siemens), ni en Russie (Rusal et Norilsk), ni en Espagne (Repsol), et pas non plus, bien sûr, en Suisse (Nestlé).

Le traitement réservé aux fonds souverains libyens ouvre cependant une partie dangereuse avec les autres «  fonds souverains » de pays «  non totalement démocratiques » opérant sur les marchés du monde entier. La prudence sera maintenant encore plus grande chez les Chinois, à Singapour (le très puissant Temasek) et, bien entendu, pour tous les fonds -sans aucune exclusion- des pays du Golfe.

Parce qu’une monarchie, bien que «  petro », n’est par définition pas démocratique. Non ?

Francesco Piccioni

Edition de jeudi 25 août 2011 de il manifesto

http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20110825/manip2pg/08/manip2pz/308854/

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

 
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