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Le soulagement sera de courte durée quand nous verrons l’effet réel de l’intervention en Libye
Abdel al-Bari Atwan

Bien qu’elle semble motivée par des raisons humanitaires, il y a six sérieux problèmes avec cette résolution des Nations Unies.

La première réaction est le soulagement. La résolution du 1973 du Conseil de sécurité autorisant l’intervention 1973 en Libye a été présentée comme une tentative pour protéger les rebelles libyens et alléger leurs souffrances. Et qui ne serait pas d’accord avec cela ? Qui ne voudrait pas que l’on tente d’arrêter un agresseur qui veut « l’élimination » de ceux qui s’opposent à lui ? Mais tout soulagement devrait être tempéré par de sérieux doutes.

Tout d’abord, quelles sont les motivations qui se cachent derrière cette intervention ? Alors que l’ONU a voté l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne en Libye, au moins 40 civils ont été tués dans une attaque par un drone américain au Waziristan, au Pakistan.
Et au moment où j’écris ces lignes, Al-Jazeera diffuse des scènes de carnage dans Sanaa au Yémen, où au moins 40 manifestants ont été abattus.

Mais il n’y aura pas de Nations Unies ni de zone d’exclusion aérienne pour protéger les civils pakistanais contre les attaques des États-Unis ou pour protéger les Yéménites. On ne peut s’empêcher de s’interroger sur l’implication sélective de l’Occident dans la série de soulèvements appelée « le printemps arabe ».

Il est vrai que les États-Unis a été réticents à agir et l’ont fait uniquement après des semaines d’indécision. Refusant de se laisser entraîner dans un autre conflit dans une région où ce serait perçu comme une ingérence dans les affaires d’un État souverain, Obama a judicieusement insisté sur la nécessité d’un niveau élevé de participation arabe et musulmane.

Au début, les signes étaient positifs : la Ligue arabe a approuvé l’initiative la semaine dernière, et cinq Etats membres semblaient susceptibles d’y participer. Puis cela s’est réduit au Qatar et aux Émirats arabes unis, avec possibilité de participation de la Jordanie. Cette intervention n’a pas obtenue suffisamment de soutien arabe pour acquérir une légitimité dans la région.

Les États-Unis s’inquiètent du coût d’une action militaire, compte tenu de son économie chancelante. Abdel Rahman Halqem, l’ambassadeur libyen à l’ONU, m’a dit que le Qatar et les Émirats arabes unis ont accepté de payer la majeure partie de l’opération. Et quel est la réelle motivation de ces Etats autocratiques ? Protéger le peuple libyen ? Une rancune contre Kadhafi ? Ou impliquer les États-Unis plus profondément encore dans la région ?

C’est donc le second problème : les principaux acteurs de cette intervention sont les puissances occidentales dirigées par la Grande-Bretagne et la France avec la probable participation des États-Unis. Si les voisins de la Libye, l’Egypte et la Tunisie jouaient un rôle de premier plan, il y aurait quelque chose à célébrer. Les pays démocratiques aidant leurs voisins, cela aurait été dans l’esprit de la révolution arabe et aurait renforcé le sentiment que les Arabes peuvent prendre en main leur avenir.

Cela aurait pu se produire : l’Egypte reçoit 1,3 milliard de dollars d’aide militaire américaine par an. Une pression diplomatique par Hillary Clinton aurait pu pousser l’armée égyptienne dans l’arène, ou du moins encourager l’Égypte à soutenir les insurgés [libyens]. Au lieu de cela, un porte-parole du ministère égyptien des Affaires étrangères a catégoriquement déclaré mercredi : « Il n’y aura aucune intervention, point. »

Le troisième problème est que, bien qu’il est souvent rejeté comme fou, Kadhafi est un stratège et cette intervention joue pour lui. Il a en réponse rapidement annoncé un cessez-le, qui a été revendiqué par certains comme une première victoire pour la résolution de l’ONU. En fait, cela dégonfle à la fois l’initiative des Nations Unies tout en permettant à Kadhafi de paraître raisonnable.
Mais un cessez-le à ce moment-là arrange Kadhafi : sous son couvert, la police secrète peut se remettre au travail. De même, une acceptation par Kadhafi de l’embargo sur les armes - une concession apparente - l’arrangeait. Son régime a un armement sophistiqué, tandis que les insurgés ont peu d’armes.

Kadhafi sait aussi comment jouer de la rue arabe. En ce moment il a peu de soutien du public, son influence est limitée à sa famille et à sa tribu. Mais il peut exploiter cette intervention pour se présenter comme la victime d’ingérence post-coloniale dont l’objectif est le pétrole. Il est susceptible de poser la question que tout le monde se pose dans le monde arabe - pourquoi n’a-t-on pas imposé une zone d’exclusion aérienne au-dessus de Gaza quand les Israéliens l’ont bombardé en 2008/2009 ?

Contrairement à la Tunisie et à l’Egypte, le soulèvement en Libye a rapidement dégénéré en conflit armé. Kadhafi peut demander si ceux que les Nations Unies cherchent à protéger sont encore des « civils » lorsqu’ils sont engagés dans une telle bataille, et il peut suggérer plutôt que l’Occident prend parti dans une guerre civile (où l’agenda politique des insurgés est inconnu).

Et que dire de l’impact à long terme de cette intervention sur la Libye, et le monde ? C’est là que surgit une autre préoccupation. La Libye peut se retrouver divisée en une partie tenue par les rebelles à l’est et un bastion de régime dans le reste du pays et comprenant les champs de pétrole et la ville terminal-pétrolier d’Al-Brega. Il y a un risque fort que la Libye devienne le quatrième Etat de la région en déliquescence, rejoignant l’Irak, l’Afghanistan et le Yémen.

Et ceci amène un autre péril. Al-Qaida se développera dans un tel chaos. Il a joué un rôle clé dans les insurrections irakienne et afghane et est basé au Yémen - et il peut entrer en Libye aussi. Plusieurs des plus proches associés de Ben Laden sont libyens, et Kadhafi et n’est pas étranger aux groupes terroristes - l’organisation Abou Nidal avait trouvé refuge en Libye de 1987 à 1999. Kadhafi a également menacé d’attaquer les avions de transports et le transport maritime en Méditerranée.

Cinquièmement, il n’y a aucune garantie que l’intervention militaire se traduira par la disparition de Kadhafi. En 1992, l’ONU a imposé deux zones d’exclusion aérienne en Irak - pour protéger les Kurdes dans le nord et les Chiites dans le sud. Saddam est resté au pouvoir pendant 11 autres années et ne fut renversé qu’après une invasion. A ce jour, plus d’un million de civils sont morts en Irak.

La communauté internationale a le devoir de veiller à ce que cette triste histoire ne se répète pas en Libye. Enfin, il y a la crainte que le printemps arabe ne soit envoyé dans le fossé par les événements en Libye. Si une insurrection plus une répression violente entraîne une intervention occidentale, les peuples qui souffrent depuis longtemps des autocrates arabes de la région pourraient être contraints de s’en tenir au statu quo.

Le peuple libyen fera face à une longue période de bouleversements violents, quoi qu’il arrive. Mais c’est seulement grâce à leur propre ténacité et à leur propre lutte qu’ils finiront par construire l’Etat pacifique et démocratique dont ils rêvent.

SOURCE : http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=10346

* Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.

http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2011/mar/18/relief-fade-real-impact-libya-intervention

Traduction : Claude Zurbach

 
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