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Le développement du sécuritaire dans les ONGs internationales en Haiti
CATOCHE

Travaillant en Haiti depuis 5 mois pour le compte d’une ONG internationale, je viens de démissionner après 20 ans de bons et loyaux services dans cette entreprise humanitaire.

Mon acte est un acte politique contre le système sécuritaire que la communauté humanitaire internationale a mis en place pour ses employés. Ce système pour la soi-disant sécurité des expatriés contribue au fait que les expatriés ne peuvent pas rencontrer les Haïtiens et ainsi ne peuvent pas comprendre le contexte, connaitre la culture et éprouver les besoins. Ils ne peuvent donc agir qu’en réduisant la personne à sa part universelle, la privant délibérément de ses affiliations et de ses propres stratégies de survie.

Ce système sécuritaire qui fait naitre chez l’expatrié la peur de l’Autre, la peur de Celui qu’il vient aider n’est pas la seule raison à ma démission. Simplement, les autres raisons ne seront pas abordées ici car elles ont déjà été mille fois récriées dans les médias et ailleurs. En effet, la réponse humanitaire n’a jamais été aussi médiocre alors que Haiti est le pays où le nombre d’ONGs est le plus grand au prorata de la population.

Ce qui m’a conduit finalement à cet acte définitif après tant de questionnements, c’est justement d’avoir réussi à rencontrer quelques haïtiens et particulièrement en dehors de l’activité « travail », au risque de me faire virer par mon organisation plutôt qu’égorgée par des haïtiens malveillants…

Des haïtiens qui n’en peuvent plus de l’occupation de la « communauté internationale », de l’hégémonie des grandes puissances en particulier celle de la France, du Canada et des Etas unis, de la suprématie des ONGs internationales, des mécanismes de reconstruction Onusiens ou Clintonien (CIRH) et des haïtiens qui ne supportent plus le discours des autres sur Haiti. Des haïtiens qui voudraient faire entendre leur voix et que l’on censure, que l’on relègue à la marge, comme tous les « pauvres » de ce monde.

L’humanitaire et le monde de l’urgence dérive en partie de cette longue tradition de prise en charge des plus démunis depuis le haut Moyen âge. Aujourd’hui comme Patrick Bruneteaux l’a démontré dans une étude réalisée en France, l’urgence découle d’une politique nouvelle de la question sociale qui déploie une nouvelle conception des plus pauvres et donc une nouvelle manière de leur venir en aide. On n’exclut plus les pauvres, ce n’est plus correct, mais on les inclut à la périphérie du système mondial capitaliste avec quelques moyens de survivance ; ce nouveau système est un système de relégation démocratique.

Alors je me demande si les expatriés de cet humanitaire ne seraient pas plus nombreux à démissionner s’ils les rencontraient les haïtiens ? Autrement dit, s’il n’y avait pas toutes ces règles qui contribuent à l’impossibilité de les rencontrer, n’y aurait-il pas plus de monde qui s’offusquerait ? Quelle est la logique qui a conduit à mettre en place cette stratégie sécuritaire ? Est-ce que les « french docteurs » des années 70 ne sont pas à réinventer au XXIe siècle ?

Tout est fait pour que chacun reste cloisonné dans sa voiture, sa maison, son bureau, son ordinateur, son système de pensée étriqué, formaté et occidentalisé… Tout est fait pour qu’on ne trouve pas le temps à penser… l’espace pour partager… matière à créer… domaine à révolutionner !

C’est grâce à Hannah Arendt aussi, qui en me chuchotant de plus en plus fort dans mes rêves, a contribué à mon passage à l’acte : rappelles-toi, la banalité du mal…

Hannah Arendt, philosophe et spécialiste de théorie politique, juive allemande, s’est réfugiée aux États-Unis. En 1961 et 1962, elle suit en Israël le procès d’Adolf Eichmann, criminel de guerre nazi, en tant qu’envoyée spéciale du New Yorker. Elle estime qu’Eichmann, loin d’être le monstre sanguinaire qu’on a décrit, est un homme tristement banal, un petit fonctionnaire ambitieux et zélé, entièrement soumis à l’autorité, incapable de distinguer le bien du mal. Eichmann croit accomplir un devoir, il suit les consignes et cesse de penser. C’est ce phénomène qu’Arendt décrit comme la banalité du mal. Il ne s’agit pas de le disculper : pour Arendt, cette attitude est impardonnable, et Eichmann est coupable. Ce concept pose des questions essentielles sur la nature humaine : l’inhumain se loge en chacun de nous. Dans un régime totalitaire, ceux qui choisissent d’accomplir les activités les plus monstrueuses ne sont pas si différents de nous. Continuer à « penser » (c’est-à -dire s’interroger sur soi, sur ses actes, sur la norme) est la condition pour ne pas sombrer dans cette banalité du mal ou encore dans la « crise de la culture ». Dans un régime totalitaire, cela est rendu plus difficile par l’idéologie, la propagande et la répression.

Les humanitaires sont-ils coupables ?

 
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