Capitale de la province sud-africaine de l’État libre, Bloemfontein était à l’origine un fort britannique et un bourg rural. C’est aujourd’hui la capitale judiciaire du pays. Ville emblématique de la culture afrikaner, Bloemfontein a connu une ségrégation extrême : développement d’un centre-ville et de banlieues résidentielles blanches de très faible densité et très bien équipées, interdiction d’installation pour les Sud-africains d’origine indienne et relégation des populations noires dans des townships selon leur origine ethnique (Sotho, Tswana et Xhosa).
Bloemfontein a bien évidemment ses bidonvilles. L’un d’entre eux est pourtant très particulier, bien qu’à première vue, rien ne pourrait le distinguer des autres : cabanes en tôle ondulée, toilettes extérieures, lampe à pétrole, pneus servant de chaises, amas de poubelles et sculptures de boîtes de conserve... Sauf que tout est factice.
En effet, chaque nuit dans cet hôtel de luxe vous coûtera 850 rands, soit l’équivalent d’une soixantaine d’euros. Le tarif ouvre droit au chauffage au sol ainsi qu’à une connexion Wi-Fi. Et nul risque d’y faire une mauvaise rencontre : le complexe se trouve à l’intérieur d’une réserve naturelle privée. Le convive peut aussi bénéficier, moyennant un modique supplément, d’un petit-déjeuner et bénéficier d’un spectacle musical aux couleurs locales.
Ce type de « tourisme », qui consiste à vivre et séjourner dans des régions pauvres, a paraît-il le vent en poupe. Pour l’entrepreneur Buks Westraad, propriétaire de ce complexe hôtelier comprenant également un centre de conférence et un spa, le touriste peut de cette manière devenir un Africain pauvre.
Le Shanty Hotel a vu le jour il y a déjà plusieurs mois. L’information a pour le moment été très peu relayée en Europe. Aux États-Unis, le célèbre animateur de télévision, humoriste et satiriste Stephen Colbert, a raillé ce concept pour le moins saugrenu dans son émission « The Colbert Report ». Pour lui, ce qu’a fait Buks Westraad peut soit laisser indifférent, soit être vu comme de la « pornographie de la pauvreté ». Sauf qu’il est plus facile de louer la pauvreté que de la supporter...