5 décembre 2019 : le premier round du combat contre la réforme des retraites a été remporté par la rue et les près de 1,5 millions de personnes. Quelques jours plus tard ils étaient encore des centaines de milliers, la veille des annonces du Premier ministre. Annonces qui n’ont pas convaincu 61% des Français. Ils sont d’ailleurs toujours une majorité à soutenir la grève et donc à s’opposer au système à point prôné par le gouvernement. Et pour cause, une étude de 2017, menée en Suède, démontrait que 92% des femmes, et 72% des hommes auraient eu de meilleures retraites avec l’ancien système. Mardi 17 décembre, près 1,8 millions de personnes, selon la CGT, défilent de nouveau dans les rues françaises. Une nouvelle démonstration de force pour rappeler au gouvernement que les Français ne veulent pas de cette réforme des retraites.
Le discours médiatique
Et pourtant, depuis le début de la grève, la machine médiatique est bien huilée et s’imbrique parfaitement avec le discours du gouvernement. Il n’y a qu’à observer le ton des questions posées par les « journalistes » aux personnes qu’ils interrogent suivant qu’elles soient opposées, ou non, à la réforme des retraite. Ainsi, tous les reportages, ou presque, essayent de montrer que les Français en ont marre de la grève. Bizarrement les enquêtes d’opinions montrent tout autre chose. Les Français souhaitent non seulement le retrait de la réforme en majorité, mais soutiennent aussi, en majorité, la grève. Des chiffres en augmentation ces derniers jours, preuve que les Français ne sont pas dupes. D’ailleurs, ils placent le gouvernement responsable de la situation, et non les syndicats.
C’est en effet le gouvernement, et lui seul, qui a décidé du calendrier de sa réforme et qui a donc décidé que ce serait à proximité des fêtes de fin d’année. Il n’y aura donc pas de trêve pendant celles-ci. Non pas parce que les confédérations syndicales l’ont décidé (même si CGT, FO ou SUD, appuient la poursuite de la grève) mais bien parce que les militants l’ont voté en assemblée générale, en désavouant parfois leur direction nationale. A l’image des militants de l’UNSA, de plus en plus nombreux à appeler à poursuivre le mouvement, où à l’image de la CFDT-Cheminots.
A quoi joue la CFDT ?
Mercredi 11 décembre, après les annonces du Premier ministre, la CFDT et la CFTC annonçaient qu’une ligne rouge avait été franchie avec l’évocation d’un âge pivot à 64 ans. « Âge-pivot » : une jolie dénomination pour désigner, tout simplement, un recul masqué de l’âge légal du départ à la retraite. Officiellement ce dernier restera à 62 ans. En réalité ceux qui souhaiteront une retraite à taux plein devront partir à 64 ans. L’âge légal recule donc de deux années supplémentaires.
Dans un communiqué la CFDT avait appelé à rejoindre la mobilisation, à partir du 17 décembre, mais sans préciser sous quelle forme. Dès lors deux options sont possible :
soit Laurent Berger, la CFDT, et les syndicats dits « réformistes » sont effectivement de bonne foi et rentrent pleinement dans la mobilisation et dans la grève (ce qui pour le moment n’est pas vraiment le cas)
soit ces organisations, qui restent favorables à une retraite à point, jouent un jeu trouble et se retirent de la mobilisation.
La deuxième possibilité serait de l’eau bénite pour le gouvernement. Pourquoi ? Parce que en renonçant à l’âge-pivot, mais nullement dans le changement de système, le gouvernement obtiendrait le retrait de la mobilisation d’au moins quatre organisations syndicales (CFDT-UNSA-CFTC-FAGE). Il aurait alors tout loisir a clamé que les « négociations » fonctionnent. Dès lors les médias auraient un boulevard pour traiter de jusqu’au-boutistes tous ceux continuant la grève.
Rendez-vous le 9 janvier prochain.
Photo : BG