Nous avons tous été, nous le sommes actuellement ou nous pourrions être exécrés pour une quelconque appartenance ethnique imaginaire ou un vrai choix culturel ou politique et de ce fait sélectionnés pour le ghetto, le camp d’extermination, l’Holocauste.
Nous avons tous été, nous le sommes actuellement ou nous pourrions être persécutés dans notre propre pays, discriminés chez nous, constamment blessés par le regard, la pierre, le crachat de ceux qui se croient supérieurs car différents dans leur bestialité différente.
Nous avons tous été, nous le sommes actuellement ou nous pourrions être expulsés de nore pays et réduits à des traces de pas qui vont d’un camp de réfugiés à l’autre sans autre horizon que le fil de barbelé.
Nous avons tous été, nous le sommes actuellement ou nous pourrions être la faim sans le pain, la soif sans l’eau, l’intempérie sans le paysage, la mémoire sans les souvenirs, la maladie sans les médicaments, la blessure sans le bandage, la brûlure sans l’analgésique, l’amputation sans l’anesthésie, la douleur sans la justice, la mort sans aucun sens.
Nous avons tous été, nous le sommes actuellement ou nous pourrions être victimes du nettoyage ethnique, des bombardements contre la population civile, des bombes à fragmentation, de la fosse commune, des guerres éclairs qui opposent notre chair aux chars blindés et nos yeux à l’invasion de la mort.
Nous avons tous été, nous le sommes actuellement ou nous pourrions être les orphelins, les proches, les survivants, les solitaires, les persécutés, sans autre compagnie que le souvenir, sans autre famille que les larmes ni d’autre fils que le hurlement ni d’autre fraternité que l’insomnie.
Nous avons tous été, nous le sommes actuellement ou nous pourrions être terrorisés par le hurlement des sirenes et l’anonymat des machines de guerre, les soldats inconnus, les pertes évaluées, les corps comptés ou les tombes sans noms.
Nous sommes tous, pourrions être, avons été la Nuit et le Brouillard, mais aussi le Plomb Fondu.
Nous avons tous été, nous le sommes actuellement ou nous pourrions être les coupables de vivre, les éxécutés pour le crime d’avoir raison, les morts pour la reprise de l’espace vital, les sentenciés pour les dividendes, les condamnés pour les marchandages de l’énergie fossile, les égorgés au nom du Dieu de l’Amour, les diabolisés des médias, les agressés présentés comme agresseurs, les effacés par l’euphémisme, les dommages collatéraux, les jetables, les dispensables.
Nous avons tous été, nous le sommes actuellement ou nous pourrions être les monstres qui exécutent les atrocités ou qui disent venger des atrocités en les commettant contre les innocents ou les validant avec l’indifférence, l’inactivité, la passivité, la complicité, le silence.
Luis Britto Garcàa , écrivain vénézuélien C.I.
http://www.aporrea.org/actualidad/a70124.html
trad. Claude M. Richard, militante bolivarienne
VERSION FRANCAISE
http://www.comite-valmy.org/spip.php?article149