RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Naples : le premier scudetto de l’ère multipolaire

A la suite du match nul remporté sur le stade d’Udine, le Napoli a finalement obtenu la certitude arithmétique d’avoir gagné le championnat italien de football, 33 ans après son dernier exploit.

L’écusson si convoité est revenu à Naples, cette fois sans la présence sur le terrain du Dieu du foot, Diego Armando Maradona.

La fête a immédiatement éclaté ; mais pas seulement à Udine et, évidemment, à Naples où on a célébré une sorte de Nouvel An du mois de mai : la fête a été globale. De nombreux Napolitains, souvent obligés de vivre loin de leur cité, ont célébré, dans diverses parties du monde, l’exploit sportif de l’équipe parthénopéenne.

Bref, on peut affirmer que le championnat de football n’a jamais, autant qu’en cette occasion, représenté le meilleur du changement des temps. On peut, sans risque d’erreur, définir le scudetto (écusson) conquis par le Napoli comme le premier de l’ère multipolaire.

La victoire de l’équipe parthénopéenne a fait le tour du monde. Même les éditions locales de petits quotidiens ont, comme nous l’avons constaté dans des pays comme le Venezuela, donné un large écho à cette information, mettant en évidence la fête indescriptible qui a éclaté à Naples et le fait que cette victoire a trouvé la faveur du public global.

Selon certains, les considérations qui vont au-delà de la stricte chronique sportive sont sans fondement. Mais il n’en va pas ainsi : depuis des temps immémoriaux, pratiquement depuis l’origine, le football est étroitement lié à la politique et la géopolitique. A ce sujet, il suffit de tourner les yeux vers l’Espagne et de considérer l’histoire de clubs prestigieux comme le Real Madrid et le Barça pour prendre un exemple éclatant.

Ou bien, on peut voir les divers processus historiques où le foot ou autres sports d’équipe ont fourni un apport fondamental dans les processus de construction des nations ou influencé la géopolitique. Autrement dit, l’utilisation du sport et des questions qui lui sont liées en tant que nouvelle source de pouvoir pour atteindre des objectifs dans les relations locales, nationales, régionales et globales est définie comme une géopolitique du sport, et il s’agit d’un concept désormais bien connu, amplement discuté et accepté même au niveau universitaire.

Ainsi donc, la victoire totalement inattendue du Napoli représente un succès spectaculaire pour le football qu’on peut appeler « identitaire » et pour une cité qui se reflète profondément dans son équipe de foot, se fondant presque avec elle, en un processus qu’on ne peut observer que dans un petit nombre d’institutions dans le monde.

Dans ces temps d’uniformisation capitaliste du foot global, cette équipe a réussi à accomplir un exploit sportif malgré le peu de moyens dont elle disposait par rapport aux mastodontes de la riche Italie du Nord, et en accomplissant une révolution technique avec les joueurs-clé provenant de pays comme la Géorgie, le Nigeria, la Corée du Sud, tous lieux différents de ceux de la tradition footballistique. Elle a aussi réussi à atteindre le niveau médiatique des grosses équipes prestigieuses sur le plan international, grâce aussi au fait que le plus grand joueur de l’histoire du football, Diego Armando Maradona, a justement écrit les plus belles pages de sa carrière tourmentée avec l’équipe du Napoli.

Bref, la victoire des « azzurri » s’est produite malgré la décision du club d’aller à contre-courant de cette règle non écrite à respecter pour atteindre la victoire finale. C’est de la même façon que la ville de Naples a réussi, à une époque d’uniformisation globale, à maintenir intacte son identité, construite strate par strate au long de millénaires d’histoire, la culture grecque des origines.

L’historien Alessandro Barbero a affirmé dans une interview : « Naples est une cité où l’histoire déborde des toits et marche dans les rues, embrassant un espace de temps qui va de l’antiquité la plus reculée jusqu’à des époques récentes. Et cela contribue à faire de Naples une ville spéciale. »

Spéciale aussi cette victoire extraordinaire arrivée au beau milieu d’une époque de bouleversements extraordinaires de ce qu’on appelle l’ordre mondial.

Le Napoli a contribué par sa victoire à la démocratisation d’un sport trop longtemps monopolisé par les riches équipes de l’Italie du Nord, constructions dont la domination fondée sur un gigantesque pouvoir économique est comparable à la domination globale, en déclin, de l’ordre occidental dirigé par les décadents Etats-Unis d’Amérique, maintenant contestée par l’émergence d’une nouvelle réalité multipolaire dirigée par les puissances eurasiatiques et le Sud global : la Chine, la Russie, le Brésil de Lula.

En ce moment d’euphorie et d’allégresse globales, permettez-nous cette affirmation : le scudetto du Napoli est le premier de l’ère multipolaire, et c’est un scudetto « maradonien », au sens politique du terme. Maradona a agi comme une source de pouvoir alternatif pour son pays et a été en mesure d’influencer les relations de pouvoir en projetant et représentant les stratégies de son pays, de même que dans la région sud-américaine, en s’engageant personnellement aux côtés des présidents socialistes et progressistes de la région, comme Fidel Castro et Hugo Chávez, pour recouvrer la souveraineté et lutter contre l’impérialisme états-unien qui a dévasté l’Amérique Latine. A Naples aussi, il a contribué, par ses positions politiques hors du terrain et sa magie sur le terrain de jeu, à relever une cité courbée.

« Maradona a représenté pour Naples quelque chose de très important : il a été la rédemption et la fierté de la cité. Ce que lui a fait à Naples, seuls les Bourbon et Masaniello (1) l’avaient fait ». (Pino Daniele)

« Tant que les vrais Napolitains seront là, ils seront là, et quand ils n’y seront plus, il y aura d’autres gens. Les Napolitains ont décidé de s’éteindre, en restant jusqu’au bout napolitains, c’est-à-dire irremplaçables, irrécupérables et incorruptibles ». (Pier Paolo Pasolini)

« Naples est l’autre Europe – que la raison cartésienne ne peut pénétrer ». (Curzio Malaparte)

(1) Tommaso dit Masaniello (1620-1647) : il souleva le peuple de Naples contre l’occupation espagnole. Pendant sept jours, il fut le maître absolu de Naples, avant d’être assassiné. Son action fut poursuivie par Gennaro Annese, fondateur de la première République Napolitaine (1647-1648).

»» https://www.lantidiplomatico.it/dettnews-napoli-il-primo-scudetto-dell...
URL de cet article 38650
  

Même Thème
Roberto Saviano. Gomorra. Dans l’empire de la camorra. Gallimard, 2007.
Bernard GENSANE
Il n’est pas inutile, dans le contexte de la crise du capitalisme qui affecte les peuples aujourd’hui, de revenir sur le livre de Roberto Saviano. Napolitain lui-même, Saviano, dont on sait qu’il fait désormais l’objet d’un contrat de mort, a trouvé dans son ouvrage la bonne distance pour parler de la mafia napolitaine. Il l’observe quasiment de l’intérieur pour décrire ses méfaits (je ne reviendrai pas ici sur la violence inouïe des moeurs mafieuses, des impensables tortures corporelles, véritable (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Je ne pense plus que les journalistes devraient bénéficier d’une immunité particulière lorsqu’ils se trompent à ce point, à chaque fois, et que des gens meurent dans le processus. Je préfère les appeler "combattants des médias" et je pense que c’est une description juste et précise du rôle qu’ils jouent dans les guerres aujourd’hui.

Sharmine Narwani

Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.