13 

Massacre en Indonésie : la guerre de propagande secrète de la Grande-Bretagne (The Guardian)

Des étudiants organisent une manifestation contre le président Sukarno à Jakarta, en octobre 1966. Le général Suharto était alors effectivement au pouvoir et devint président l’année suivante. Photo : Gamma-Keystone via Getty Images

Des documents déclassifiés révèlent comment, en 1965, un service clandestin du Foreign Office [Ministère des Affaires Etrangères - NdT] a incité à des massacres anticommunistes qui ont fait des centaines de milliers de morts [entre 5 cent mille et 3 millions selon les estimations - NdT].

Au début de l’année 1965, Ed Wynne, un fonctionnaire du Foreign Office de Londres âgé d’une quarantaine d’années, se présente à la porte d’une villa de deux étages située dans le calme discret d’un lotissement chic du Singapour colonial.

Mais Wynne n’est pas un fonctionnaire ordinaire. Spécialiste de la propagande de guerre froide du Foreign Office, l’Information Research Department (IRD), il est chargé de diriger une petite équipe. Un fonctionnaire junior, quatre personnes locales et deux "dames de l’IRD", détachées de Londres, se joignent à lui.

L’arrivée de Wynne et de ses collègues dans le cul-de-sac de Winchester Road marque le début de ce qui sera plus tard considéré, par ceux qui l’ont mené, comme l’une des opérations de propagande les plus réussies de l’histoire britannique d’après-guerre. Une opération top secrète qui a aidé à renverser le dirigeant du quatrième pays le plus peuplé du monde et contribué au meurtre en masse de plus d’un demi-million de ses citoyens.

La preuve du rôle de la Grande-Bretagne dans l’incitation à ce que la CIA a décrit plus tard comme "l’un des pires meurtres de masse du XXe siècle" se trouve dans une autre banlieue verdoyante. Dans des documents déclassifiés du Foreign Office - conservés bien au-delà de la règle des 20 ans - à Kew, à Londres.

Les Archives nationales britanniques ont récemment publié des pamphlets censés être écrits par des patriotes indonésiens, mais en fait rédigés par des propagandistes britanniques, appelant les Indonésiens à éliminer le PKI, qui était alors le plus grand parti communiste du monde non communiste.

Le résultat de cette agitation a été une dictature militaire brutale et corrompue de 32 ans dont l’héritage façonne l’Indonésie jusqu’à ce jour.

Deux ans auparavant, en réponse aux plans britanniques visant à créer un État indépendant de Malaisie à partir de ses possessions coloniales, le président indonésien de gauche Sukarno a lancé la "Konfrontasi", ou Confrontation, une guerre non déclarée qui comprenait des incursions militaires au-delà de la frontière de la Malaisie orientale. Sukarno, comme de nombreux Indonésiens, y compris le PKI, estimait que la création d’une fédération malaise était une ingérence régionale injustifiée des Britanniques pour maintenir leur domination coloniale.

Les Britanniques ont été contraints de consacrer d’énormes ressources militaires et de renseignement pour aider la Malaisie émergente à contrer ces intrusions de la Konfrontasi.

La politique britannique consistait à mettre un terme au conflit. Mais les objectifs du Royaume-Uni ne s’arrêtent pas là.

Comme ses alliés américains et australiens, la Grande-Bretagne craignait une Indonésie communiste. Le PKI comptait trois millions de membres et était proche de la Chine de Mao. À Washington, la chute du " domino " Indonésien dans le camp communiste était considérée comme une plus grande menace que la perte potentielle du Vietnam.

Le nationalisme non aligné de Sukarno, son anticolonialisme et ses liens croissants avec la Chine étaient de plus en plus considérés comme une menace, qui serait atténuée si le président et son ministre des affaires étrangères Subandrio étaient démis de leurs fonctions et si l’influence du PKI en Indonésie diminuait - le plus vraisemblablement par les actions de l’armée indonésienne largement anticommuniste.

Au milieu de l’année 1965, l’occasion se présenta. Un groupe secret de gauche, appelé plus tard le "mouvement du 30 septembre", s’est coalisé en Indonésie, convaincu, à juste titre, que l’armée prévoyait de renverser Sukarno et d’éliminer le PKI.

Dans la nuit du 30 septembre, des officiers de gauche associés au mouvement, sous le commandement du lieutenant-colonel Untung de la garde présidentielle, soutenus par une poignée de bataillons, ont tenté une attaque préventive contre le haut commandement de l’armée.

Ils tentèrent de s’emparer de sept des plus hauts généraux de l’armée indonésienne. Trois d’entre eux, dont le commandant de l’armée, furent tués. Trois autres ont été assassinés sur la base aérienne indonésienne où ils avaient été emmenés. Les corps des généraux assassinés furent jetés dans un puits.

Le ministre de la défense, le général Nasution, a réussi à s’échapper. Sa fille de six ans et son assistant furent assassinés.

Mais au soir du 1er octobre, le commandant de la principale unité de combat de l’armée, le général Suharto, prit le commandement de l’armée et organisa une contre-attaque qui, en trois jours, neutralisa complètement la rébellion mal organisée.

Si l’on pense aujourd’hui que le président du PKI et ses agents furent impliqués dans la tentative de coup d’État, il n’existe aucune preuve crédible que Sukarno en avait été informé à l’avance, ou que le PKI en tant qu’organisation ou ses membres en étaient responsables.

Mais l’effusion de sang ne s’est pas arrêtée là. Suharto, nommé commandant suprême de l’armée le 14 octobre, se servit de la rébellion pour saper et finalement renverser Sukarno, et comme ce que l’historien John Roosa a appelé un "prétexte pour un meurtre de masse" : l’élimination du PKI dans une série de massacres à travers l’Indonésie qui firent des centaines de milliers de morts.

Le Foreign Office a toujours nié que la Grande-Bretagne était impliquée dans la violence qui s’est ensuite déchaînée sur les communistes présumés. Mais ces révélations montrent que les agences de renseignement et les spécialistes de la propagande britanniques étaient complices, menant des opérations secrètes pour saper le régime de Sukarno et éliminer le PKI en le rendant responsable du coup d’État d’Untung.

Le "stiletto" de la propagande britannique était manié par Ed Wynne, le spécialiste envoyé à Singapour par l’IRD du Foreign Office. L’IRD avait été créé par le gouvernement travailliste de 1945 pour contrer les attaques de propagande soviétique contre la Grande-Bretagne et produire son propre matériel anticommuniste. Il était étroitement lié au MI6 et ses activités reflétaient les opérations de propagande de la guerre froide de la CIA.

L’Unité de surveillance de l’Asie du Sud-Est, ou Seamu, au nom insipide, a été créée à la suggestion de l’ambassadeur britannique en Indonésie, Sir Andrew Gilchrist, dont l’ambassade à Jakarta avait été incendiée par des manifestants du PKI en 1963.

Bien que des mesures tactiques limitées de "guerre psychologique" contre les troupes indonésiennes aient été mises en place, en 1964, des idées furent "étudiées" pour saper "le régime Sukarno/Subandrio" et mettre ainsi fin à la confrontation - Subandrio était le ministre des affaires étrangères de Sukarno. Ce que Gilchrist voulait et ce qui est devenu la mission de l’unité était la production de propagande noire, apparemment produite par des émigrés indonésiens patriotes à l’étranger, pour inciter les anticommunistes indonésiens à agir.

Les cibles influentes d’un bulletin de propagande, selon un rapport déclassifié de Wynne, incluraient finalement "autant de personnalités dans la hiérarchie du gouvernement, de l’armée et de la fonction publique que nous pouvons trouver".

Pour dissimuler l’origine britannique du bulletin, celui-ci était expédié en Indonésie via des villes asiatiques, dont Hong Kong, Tokyo et Manille.

En l’espace d’un an, 28 000 exemplaires de la lettre d’information, rédigée en indonésien et intitulée Kenjataan2 (Faits 2), furent envoyés et, selon Wynne, parvinrent au ministre de la Défense, "à d’autres généraux, aux journaux de droite et même au président Sukarno lui-même".

À la fin du mois de septembre 1965, l’opération de Wynne "bat son plein" et est prête àtirer pleinement parti du coup d’État manqué d’Untung.

C’était le moment que les Britanniques attendaient. Comme l’a fait remarquer un fonctionnaire du Foreign Office : "Un coup d’État prématuré du PKI pourrait être la solution la plus utile pour l’Ouest - à condition que qu’il échoue."

L’unité s’est mise en action avec des émissions de radio et la production d’un numéro spécial du bulletin d’information, finalement divulgué à Kew plus de 66 ans après les événements qu’il était censé influencer.

Il commence par un rappel à la modération, mais c’est un virulent appel aux armes destiné à enflammer et à encourager la destruction du PKI.

Portant des lances en bambou et des hachettes, un groupe de nationalistes indonésiens accompagne une patrouille de l’armée indonésienne à la recherche de sympathisants communistes. Photo : Archives Bettmann

"Non, nous n’appelons pas à la violence", écrivent les propagandistes de l’IRD, "mais nous exigeons au nom de tous les patriotes que ce cancer communiste soit coupé du corps de l’État." Le PKI "est maintenant un serpent blessé : Il est temps de le tuer avant qu’il n’ait une chance de se rétablir."

Et la lettre d’information incendiaire de l’IRD fut envoyée au moment clé où le succès de la candidature de Suharto au pouvoir et les opérations de l’armée contre le PKI étaient indécis.

Des recherches historiques détaillées ont permis d’établir que les massacres de membres du PKI et de leurs partisans présumés semblent avoir été déclenchés par des commandants locaux de l’armée ou par l’arrivée des forces spéciales de l’armée, environ trois semaines après que Suharto eut mis fin au coup d’État raté.

Pendant cette période, les médias indonésiens ont diffusé une propagande noire contre le PKI et ses atrocités présumées, tandis que l’armée attisait la colère populaire contre les communistes et légitimait ce que Roosa a décrit comme ses "actions déjà planifiées contre le PKI et le président Sukarno".

Le "numéro spécial" et les autres bulletins incendiaires de la série furent envoyés à environ 1 500 destinataires. Un rapport de la Seamu signala aux services de renseignements que les lecteurs "ont été influencés dans le sens voulu".

Les lettres d’information étaient approuvées par l’IRD à Londres avant d’être envoyées. Les exemplaires envoyés aux hauts fonctionnaires du Foreign Office étaient détruits après lecture, à la demande de l’IRD.

À l’époque, Tari Lang vivait en Indonésie avec son père et sa mère, la défunte militante des droits de l’homme, Carmel Budiardjo, qui travaillait alors comme traductrice et analyste économique.

"Tous ceux qui étaient de gauche étaient ramassés. Ils étaient très méthodiques. Ils visaient tous les groupes de gauche et pas seulement le PKI. Les gens restaient entre eux et ne parlaient qu’en chuchotant."

Les parents de Tari furent emprisonnés, sa mère libérée trois ans plus tard avec l’aide du Foreign Office.

Alors que les massacres progressaient à l’automne 1965, l’unité de l’IRD à Singapour rassura ses lecteurs quant à la nécessité du massacre.

Dans le Newsletter 21, ils écrivent : "Si nous ne maintenons pas une campagne vigoureuse pour éradiquer le communisme... la menace rouge nous enveloppera à nouveau."

C’était une question de vie ou de mort. "Nous nous battons pour nos vies et l’existence même de l’Indonésie et nous ne devons jamais l’oublier. LES CHATS ATTENDENT DE BONDIR !"

Dans Newsletter 23, les propagandistes de Winchester Road félicitent "les services de combat et la police" pour avoir "fait un excellent travail". Sukarno, qui tentait alors de contenir les généraux, avait tort : "Le communisme doit être aboli sous toutes ses formes. Le travail commencé par l’armée doit être poursuivi et intensifié." Les auteurs terminent en assimilant le PKI à Hitler et à Gengis Khan.

La tentative de coup d’État et ses conséquences coïncidèrent avec l’arrivée à Singapour de l’un des principaux propagandistes du Foreign Office. Gilchrist pensait que l’effort de propagande croissant de la Grande-Bretagne n’était pas suffisant. Il demanda l’envoi de Norman Reddaway en tant que " coordinateur de la guerre politique " contre l’Indonésie, avec le soutien du chef d’état-major de la défense, Lord Louis Mountbatten.

Reddaway avait servi dans l’armée pendant la Seconde Guerre mondiale avant de rejoindre le Foreign Office et de jouer un rôle clé dans la création de l’IRD. Après le coup d’État manqué de l’Untung, il arriva pour prendre en charge l’opération britannique. Son mandat était simple. Dans une interview accordée en 1996 à deux des auteurs, il déclara que le Foreign Office lui avait accordé un budget de 100 000 £ et qu’on lui avait dit "de faire tout ce que je pouvais pour me débarrasser de Sukarno". Ce n’est que maintenant que nous savons ce que "tout" voulait dire.

Une évaluation secrète des opérations de l’IRD par Reddaway, écrite au chef de l’IRD en juillet 1966, après que Sukarno ait été effectivement écarté du pouvoir, se trouve aux Archives nationales. Reddaway affirmait que ses briefings anonymes à la presse étaient efficaces pour faire bouger l’opinion mondiale et que l’opération de propagande avait été un grand succès.

"La machine à informations était notre matraque : le bulletin d’information et nos opérations peu orthodoxes notre stiletto", a-t-il déclaré.

Dans un autre document publié, il indique que l’IRD et les généraux "chantaient en chœur".

L’ancien fonctionnaire du Foreign Office, Derek Tonkin, qui était le responsable de l’Indonésie à Londres de 1963 à 1966, a déclaré le mois dernier qu’il n’avait pas vu les bulletins de propagande car il était trop jeune, mais que dans les premiers jours qui ont suivi la tentative de coup d’État du 30 septembre, personne n’aurait pu prévoir le bain de sang qui allait s’ensuivre.

Mais, admet-il, "il ne sera peut-être pas facile d’échapper à l’accusation selon laquelle la Grande-Bretagne a initialement contribué, dans une certaine mesure, à la disparition du PKI d’une manière qui allait se révéler épouvantable".

Quant à Reddaway, selon Tonkin, "il était un peu un électron libre et, comme beaucoup de propagandistes, il était peut-être trop engagé dans son mandat". Reddaway et son équipe étaient "feraient leur propre loi, chose que le FO savait lorsqu’il fut nommé".

Dans les interviews de 1996, Reddaway se vante d’avoir manipulé les médias britanniques et internationaux pour qu’ils adoptent une ligne anti-Sukarno et anti-PKI, mais il insiste sur le fait que l’IRD ne transmettait que des faits réels et n’utilisait pas de propagande noire.

Comme toujours avec l’IRD, Reddaway ne livre qu’une vérité partielle. Selon un mémo qu’il avait écrit : "Le matraquage a été étonnamment efficace car nous avons pu [...] fournir aux publicistes des informations qu’ils ne pouvaient pas trouver auprès d’autres sources en raison de la censure de Sukarno."

Reddaway avait identifié les destinataires les plus utiles de sa production comme étant les agences de presse, "moins pointilleuses sur leur tarif et plus anonymes", et les hommes de radio : le World Service et le Service indonésien de la BBC en particulier. L’une des principales sources de Reddaway était, naturellement, l’ambassadeur britannique à Jakarta, Gilchrist, avec qui il faisait des points hebdomadaires pendant toute cette période.

En juillet 1966, dans une lettre à Gilchrist, Reddaway se réjouit que ce soit "la première fois dans l’histoire qu’un ambassadeur ait pu s’adresser à la population de son pays de travail presque à volonté et pratiquement instantanément".

Pour alimenter l’opération, Reddaway eut recours également au renseignement électromagnétique, ou Sigint.

Il était en excellente position pour le faire. Singapour était l’emplacement d’un site de surveillance du GCHQ.

Selon le Dr Duncan Campbell, journaliste d’investigation et expert du GCHQ, le site de surveillance de l’organisation à Singapour, RAF Chia Keng, était caché derrière et à l’intérieur d’une plus grande station de communication de la RAF sur Yio Chu Kang Road, dans l’est de Singapour, aujourd’hui un lotissement. Les "bungalows" d’écoute de haute sécurité du GCHQ étaient dotés de fenêtres opaques en briques de verre qui cachaient une cinquantaine d’employés civils à chaque poste. La base était parfaitement située pour obtenir rapidement des rapports complets et directs sur les développements en Indonésie. Selon Campbell, "le GCHQ pouvait casser et lire les codes indonésiens sans difficulté. Le gouvernement faisait partie des nombreux pays du tiers monde qui utilisaient des équipements fournis par la société Crypto AG, basée en Suisse. Pendant plus de 50 ans, Crypto AG a fourni des machines à chiffrer secrètement sabotées, avec des portes dérobées intégrées dont la CIA et le GCHQ avaient les clés."

Un mémorandum révélateur, daté du 30 octobre 1965, adressé par Reddaway à Brian Tovey, futur directeur du GCHQ, alors en poste à Singapour, met en évidence la contribution que pouvait apporter Sigint. Reddaway déclare à son collègue que les documents du GCHQ peuvent "aider les généraux à persécuter plus efficacement le PKI".

Les bulletins d’informaation constituaient l’essentiel du travail d’Ed Wynne et de ses collègues de Winchester Road. L’un des thèmes principaux était d’encourager leurs lecteurs influents à soutenir la campagne de l’armée contre les communistes. Ils exhortaient les patriotes indonésiens : "Le PKI et tout ce qu’il représente doit être éliminé à jamais."

Nous savons maintenant que pour ce faire, ils ont inclus des mensonges sensationnels. Le 5 novembre, le Jakarta Daily Mail, un journal pro-militaire, a affirmé que le jour du coup d’État d’Untung, 100 femmes de l’organisation féminine Gerwani du PKI avaient torturé l’un des généraux en utilisant des lames de rasoir et des couteaux pour lui entailler les parties génitales avant de l’abattre.

L’histoire de la torture et de la mutilation des généraux par les femmes Gerwani est devenue un élément du mythe fondateur du régime de Suharto, utilisé pour justifier la destruction du PKI. Il s’agissait également, selon Roosa, d’un prétexte au meurtre. Un mensonge propagé par l’armée indonésienne, régurgité et reconverti pour inciter les lecteurs influents de l’IRD.

L’histoire de la propagande de l’armée a été recyclée en Indonésie en janvier 1966 dans Newsletter 23 avec un rapport sur les allégations de deux membres du PKI interrogés par l’armée. L’une d’elles liait Subandrio, le ministre des Affaires étrangères de Sukarno, à la construction d’une "salle de torture" destinée aux prisonniers du PKI, l’autre, se référant au Jakarta Daily Mail, à une membre de l’organisation féminine du PKI, la Gerwani, "l’une de celles qui ont été "honorées" de la tâche de mutiler les généraux".

La police armée de Jakarta surveille les membres d’un groupe de jeunes communistes arrêtés dans le cadre du coup d’État avorté contre le président Sukarno, octobre 1965. Photo : Bettmann/Bettmann Archive

La jeune fille de 15 ans aurait déclaré : "Notre chef de peloton nous a ordonné de battre le prisonnier, puis de lui couper les parties intimes avec les petits couteaux."

Tari Lang, la fille de Carmel Budiardjo, avait également 15 ans à l’époque.

"Ces bulletins d’information sont horribles. Si vous ne m’aviez pas dit qui les avait écrites, j’aurais pensé que c’était des Indonésiens. C’est tout à fait incroyable qu’ils aient fait ça.

"Il y avait des femmes Gerwani dans le cercle social de ma mère et elles étaient comme des membres de l’Institut des femmes. Très douces."

L’IRD a délibérément gardé le silence sur les massacres. Un document de décembre 1965 dit qu’ils ne doivent "rien faire pour embarrasser les généraux" et le bulletin d’information détaille soigneusement les comptes rendus d’incidents isolés de brutalité du PKI, mais ne mentionne pas explicitement les tueries de l’armée.

En fait, la politique allait plus loin. Dans le rapport de la Seamu pour 1965, Wynne écrit qu’ils ont utilisé le bulletin pour "poursuivre les attaques contre les coupables ... et soutenir indirectement le nettoyage et le contrôle par les généraux". Les généraux, note Wynne, "nous les traitons gentiment".

Au début de 1966, les meurtres de masse en Indonésie, sinon leur ampleur, étaient bien connus.

En janvier, Robert F. Kennedy compara les massacres aux "massacres inhumains perpétrés par les nazis et les communistes" et se demanda quand les gens allaient "s’exprimer ... contre le massacre inhumain en Indonésie, où plus de 100 000 prétendus communistes ne sont pas des auteurs, mais des victimes". [ignorez la référence... NdT]

En février, rejetant l’idée de "faire de la publicité pour le bain de sang" car cela réduirait les chances "d’obtenir une nouvelle direction en Indonésie", Reddaway observa : "Je suis ravi qu’un bon nombre de communistes aient été éliminés, mais leurs tueurs sont principalement des militaires et des musulmans."

En mars 1966, la campagne meurtrière contre le PKI, qui a fait plus d’un demi-million de morts, est pratiquement terminée. Le 11 mars, le président Sukarno est contraint de céder le pouvoir au général Suharto, et la fin de la Confrontation est en vue.

Le 14 mars, Reddaway écrit à Gilchrist : "Je ne vois pas comment, à court terme, les choses auraient pu mieux se passer au cours des dix derniers jours.

"Je sais que les Indonésiens, sous leur nouvelle direction, ne seront pas faciles à vivre, mais je ne peux éviter un petit Te Deum (non attribuable) sur l’évolution de la situation entre le 29 septembre et le 12 mars", écrit-il.

Wynne considère l’opération comme un succès. Dans son rapport annuel de 1966, il déclare fièrement que son opération a été "assez réussie" car tous ses ennemis (Konfrontasi, Sukarno, Subandrio et le PKI) ont été "détruits". Le souvenir qu’il garde de ces événements tragiques est celui d’une "excitation".

Selon le professeur Scott Lucas de l’université de Birmingham, les documents déclassifiés montrent que : "La Grande-Bretagne était prête à s’engager dans des actions sales qui allaient à l’encontre de ses prétendues valeurs". Ils révèlent, dit-il, "l’importance de la propagande noire pour donner l’illusion que la Grande-Bretagne pouvait exercer un pouvoir mondial - même si de nombreuses personnes pouvaient être tuées pour cette illusion".

  • Le Dr Paul Lashmar est journaliste d’investigation et lecteur en journalisme à la City, Université de Londres.
  • Nicholas Gilby est un enquêteur et l’auteur d’une histoire de la corruption et du commerce des armes en Grande-Bretagne.
  • James Oliver est un producteur et réalisateur de la BBC, lauréat d’un Emmy, et a dirigé la récente enquête sur les Pandora Papers pour BBC Panorama.

Traduction "un peu d’histoire ne fait jamais de mal, surtout celle occultée" par Viktor Dedaj avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

 http://www.theguardian.com/world/2021/oct/17/slaughter-in-indonesia-britains-secret-propaganda-war
Print Friendly and PDF

COMMENTAIRES  

19/10/2021 09:42 par Hassinus

Grand chapitre du livre noir du capitalisme, jamais lu et commenté par un BHL, ou un Macron, ou m^me un Mélenchon, ou u un quelconque chantre auto proclamé humaniste anti stalinien. Un jour justice leur sera faite !

19/10/2021 10:52 par legrandsoir

Mélenchon

Pique inutile. Je connais beaucoup de communistes même qui ne sont pas au courant. La plupart en fait.

19/10/2021 12:49 par CAZA

Bonjour

Comme JL lit LGS il doit savoir depuis l’article :
L’archipel du génocide du 31 Aoùt .
Le lien est sous cet article
Et certainement depuis plus longtemps .
Pour les communistes voir le lien

https://www.humanite.fr/indonesie-1965-la-plus-terrible-des-repressions-anticommunistes-588307

19/10/2021 13:22 par Hassinus

"
"19/10/2021 à 10:52 legrandsoir’
Ce n’est une pique inutile, la faiblesse de Mélenchon est qu’il partage avec les capitaliste la haine de Staline. Je ne l’ai jamais entendu - à moins de n’en avoir pas eu l’occasion, dénoncer les massacres du capitalisme - à par les crimes de la Commune, vous me direz que c’est déjà ça ce qui n’est pas faux

19/10/2021 13:40 par Autrement

Oui, il faut le rappeler et ne jamais l’oublier, ce massacre des communistes en Indonésie.
La haine du communisme est le premier moteur mental du capitalisme et de l’impérialisme, puisqu’il s’agit toujours, en vue du profit, d’écraser à l’intérieur les révoltes populaires causées par l’exploitation du travail, et à l’extérieur, de s’emparer des richesses des autres peuples. On le voit notamment aussi dans le livre d’Howard Zinn "Histoire populaire des États-Unis".
En 1965, j’étais au Pcf depuis deux ans, Raymond, mon frère aîné, depuis huit ans (il y est resté toute sa vie). Je me rappelle bien les discussions auxquelles donnèrent lieu ces événements lorsqu’on en eut connaissance.
Les jeunes c’est évidemment plus rare.
Vais-je réconcilier tout le monde ? (ça m’étonnerait)...
Voilà ce que j’ai trouvé sur le blog de Mélenchon : il cite intégralement, à propos de l’Ukraine, une interview de Paul Moreira parue dans l’Huma :
Interview dans l’Huma (02/02/2016) :
Spécial Investigation. La chaîne Canal+ diffusait, lundi soir, le documentaire du journaliste d’investigation Paul Moreira sur le massacre d’Odessa et le rôle des milices d’extrême droite dans l’après-révolution ukrainienne. Un travail essentiel de désintoxication.
(...)
Paul Moreira. Malheureusement, c’est toujours les vainqueurs qui ont l’histoire avec eux. S’ils n’ont pas été punis, si rien n’a indiqué qu’ils ont commis un crime, ils se sentent légitimes. Joshua Oppenheimer, dans « The act of killing », évoque cela à travers les grands massacres qui ont suivi le mouvement de 1965 en Indonésie. Les assassins expliquent les méthodes qu’ils ont utilisées pour tuer et ils le disent très clairement : nous sommes les vainqueurs donc c’est nous qui déterminons ce qui est l’histoire et ce qui ne l’est pas. Cette référence m’est venue en tête face à ces Ukrainiens. L’un des leaders d’une milice pro-ukrainienne montre bien qu’il n’a aucun remord. Il estime qu’ils ont eu ce qu’ils méritaient. (...)
Pour aller plus loin, voir par exemple cette liste.

Et le cerveau malade des suprématistes, pris dans la machine, fonctionne toujours au fil de fer barbelé.

19/10/2021 16:03 par Xiao Pignouf

@Hassinus

je ne l’ai jamais entendu - à moins de n’en avoir pas eu l’occasion, dénoncer les massacres du capitalisme

Rien n’est plus faux !

Effectivement, vous ne devez pas souvent l’écouter, ou alors vous l’écoutez sans l’entendre : il ne cesse de rappeler que les travailleurs meurent pour le capitalisme. Jusque dans sa dernière intervention à Reims, ce week-end.

20/10/2021 09:08 par hassinus

@ Xiao Pignouf
cher ami, vous confondez, massacre type indonésien et exploitation de l’homme ce qui est la moindre des choses pour un homme en campagne.Les opérations génocidaires perpétrées par maîtres du capitalisme/impérialisme, à certains moment de l’histoire étaient quotidiens. Mais rassurez-vous je voterai pour lui face à Macron, je m’y engage, puisqu’il n’y a pas mieux.

20/10/2021 11:43 par Ellilou

Cher Hassinus, c’est votre droit le plus strict et le plus légitime de ne pas aimer Mélenchon et LFI mais soyez au moins factuel (et n’inventez pas des paroles qu’il aurait ou n’aurait pas prononcer : nos merveilleux grands journalistes font ça si bien à longueur d’antenne...) dans votre critique comme l’ont rappelé ici même d’autres contributeurs. Il est quand même le seul dans le marigot politique français à soutenir ouvertement Assange. Rien que pour ça il mérite au moins votre respect.

20/10/2021 18:53 par Xiao Pignouf

@Hassinus

Vous jouez sur les mots. Les morts au travail et dans la rue se comptent par centaines chaque année, c’est plus que de l’exploitation, c’est à mettre dans la colonne « massacre » du capitalisme.

Quant à Méluche, il a pris la défense de Cuba, du Vénézuela, ce qui lui a coûté cher médiatiquement et électoralement. La FI sont parmi les seuls à avoir refusé l’amendement européen mettant le communisme et le nazisme sur la même échelle, lui s’exprime régulièrement sur la nécessité de tisser des liens fraternels avec la Russie et la Chine... La liste est longue...

Pourtant, il est faillible et il peut lui arriver de se tromper, notamment sur les évènements de HK. Peut-on lui en vouloir ? Non, il n’est pas omniscient et s’il n’était pas au courant des massacres de communistes en Indonésie, il y en a peu qui peuvent lui jeter la pierre et je ne suis pas de ceux-là. C’est bien là un des nombreux bienfaits de fréquenter le GS, c’est qu’on apprend des choses qu’on ne savait pas, en lisant les articles ET les commentaires (encore merci à CAZA pour m’avoir fait connaître le film d’Oppenheimer sur ces massacres en Indonésie).

Cher Hassinus, je n’ai pas besoin d’être rassuré sur vos intentions de vote, elles vous appartiennent. Et oui, vous avez raison, il n’y a pas mieux que le vote FI.

21/10/2021 09:38 par Hassinus

@Xiao Pignouf et Ellilou

Vos remarques ne sont pas inutiles. Cependant... Cependant, je ne crois plus en Mélenchon en homme remplissant la condition subjective indispensable à une véritable révolution.
Mon texte ci-joint (mis en clip aussi) montre que j’ai beaucoup cru en lui : https://www.legrandsoir.info/je-vote-melenchon.html, publié ici même.
Au-delà de ses nombreux talents - orateur, pugnace...,ce n’est pas un leader rassembleur et reste attaché au trotskisme, s’ajoute à cela un énorme égo, une espèce de moi ou le déluge et pense qu’au moyen de petites ruses, (ne pas insister sur les grands crimes capitalistes ou dénoncer Staline ( qui a tout de même mérité le respect de De Gaulle et même de Churchill), il peut tromper les médias et leur milliardaire de patron. Il se croit "Zaïm" béni d’une force extra-terrestre et se comporte en Zaïm, c’est à dire en chef de clan qui n’autorise aucun contestation. Mais de tout cœur je lui souhaite de passer au deuxième tour...

21/10/2021 09:58 par legrandsoir

reste attaché au trotskisme,

Ca m’étonnerait. Il n’aurait pas soutenu le Venezuela et Cuba.

s’ajoute à cela un énorme égo

Vous ne devez pas connaitre beaucoup de "politiciens". C’est celui qui en a probablement le moins (expérience personnelle)

Mais on dévie du sujet.

21/10/2021 12:46 par Autrement

Cher Hassinus, je reproduis votre péroraison de 2017 (en ayant toujours en tête le massacre des Indonésiens et l’anti-communisme des nantis ) :

Amis et camarades,
Méfiez-vous du piège que nous préparent les deux grands partis laudateurs de l’ultra libéralisme qui ont eu entre les mains le destin du pays pour en faire l’enfer que nous vivons : ils font semblant de se saborder, mais ce n’est qu’une ruse pour pouvoir renaître sous la forme d’un monstre bicéphale qui cumulera les malfaçons des deux, et le sourire pour dorer la pilule. Avec lui nous aurons la droite et la gauche libérale unies dans un seul corps pour plus d’efficacité dans l’application de la politique libérale. C’est bien le comble de la déraison que de vouloir dégager les deux partis - droite et gauche ayant gouverné désastreusement la France, pour au final accepter d’être gouvernés par un homme qui incarne les idées des deux !

Je partage entièrement votre vision du monstre bi-céphale, sauf que pour 2022, on sait que ce n’est même plus un semblant de "gauche libérale" qui sort son bec et ses griffes, mais le vautour à deux têtes, plus vorace que jamais, devenu vedette dans les médias.
Je m’étonne que vous soyez passé de votre juste positionnement de 2017 au discours anti-Mélenchon, entièrement préfabriqué et mensonger, propagé non seulement par les médias (qui voient à juste titre en lui l’ennemi principal du régime), mais aussi par les communistes officiels (ou "orthodoxes") d’aujourd’hui, qui rendent bien à tort JLM responsable de leurs échecs : ceux-ci sont dus à leurs propres erreurs, invétérées depuis la trahison du Programme commun par le PS, et encore plus depuis leur propre sabordage du Front de gauche, en continuant à privilégier l’alliance électorale avec le PS, non partie prenante du FdG, et en refusant l’adhésion directe au FdG et la double appartenance, qui auraient pu décupler les forces et l’élan de celui-ci.

Ce sont eux qui semblent avoir complètement oublié les massacres en Indonésie, et JLM qui les a si nettement en mémoire, que face à la dégringolade dans la fosse aux rats et aux hyènes promise par la prochaine élection présidentielle, il ne ménage pas ses efforts et au-delà, pour préparer une issue aussi pacifique et efficace que possible à la situation politique et économique du pays.

On sait bien que c’est toujours de l’autre camp que provient la violence, mais faut-il pour autant faire la croix sur l’échéance de 2022 et renoncer au combat institutionnel (une Constituante !!), comme si notre jeunesse n’avait pas d’autre perspective qu’une insurrection appelée à devenir sanglante, vu l’état d’esprit actuel d’une fraction importante de la police et de l’armée ? Serait-elle seulement possible, aurait-elle dans la France d’aujourd’hui la moindre chance de succès ? Faut-il se résigner à cette unique perspective, et en attendant la Grande Initiative qui la concrétiserait, continuer à assister impuissants à la dévastation générale, de plus en plus difficilement réversible ?

Le PCF et d’autres ont choisi de parier sur la défaite du mouvement populaire, dont ils méconnaissent complètement la nécessité et la nouveauté. Les candidats - avec ou sans faucille et marteau - se disputent l’honneur de le faire échouer. Quittes à promettre plus de communisme pour après-demain. Il faut bien alors prêter à JLM toutes les tares possibles, ignorer volontairement tout ce qu’il a défendu depuis 2005, caricaturer son parcours et multiplier les "piques"...

Il y a tout-de-même de vrais ennemis à battre, et des leçons de l’Histoire qui devraient faire réfléchir plus de monde.

22/10/2021 09:37 par Hassinus

@Autrement
Autrement dit, ma "péroraison" ne fait pas appel au sentiment mais à la raison. La question est : pourquoi Mélenchon n’arrive t-il-il pas à réunir derrière lui la majorité de vrais hommes de gauche ? Oui le PCF ne vaut plus un sou et son candidat ROusseau (ah ! ce nom de Jean Jacques cher à mon cœur) qui, comble de la honte demande, à renforcer la loi Gayssot, Gayssot qui avec Fitterman, Le Pors, Ralite et Mme Buffet avaient joué au Gorbatchev avant Gorbatchev ! Mélenchon n’est pas étranger à la faillite du parti de Maurice Thorez. Il en paye le prix aujourd’hui.Un fait est là : beaucoup de socialistes ont quitté leur parti que pour pénétrer et faire dévier le PCF de l’intérieur de sa ligne communiste. Mais rassurez-vous je voterai pour lui. Encore que dans ma vision des choses, l’impératif politique premier que nous pose l’actualité, même s’il faut faire un pas "en arrière" de sortir de l’enlisement dans lequel s’est embourbé le champ politique français, résultat d’une grande, immense manipulation du peuple de France à coups de "front républicain", d’une haine insensée anti Le Pen incrustée dans les viscères de la petite-bourgeoisie, un appel incessant au dénigrement de l’URSS et un appel aussi incessant à la collaboration de classe. Un camion embourbé n’avance plus. Toute chose à même de le désembourber est la bienvenue.
C’est une bonne discussion

(Commentaires désactivés)
 Twitter        
« Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »
© CopyLeft : Diffusion du contenu autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
 Contact |   Faire un don