Le drame libyen n’est pas seulement local ni régional, mais il déborde sur un aspect humanitaire relégué au second plan si ce n’était les cadavres de migrants clandestins rejetés par la Méditerranée sur les rivages de l’Europe.
La violence qui accompagne la Libye depuis la chute de Kadhafi a de multiples facettes et ses visages, plus hideux les uns que les autres, projettent leurs ombres menaçantes sur ses voisins géographiques s’étendant au-delà des vagues d’une mer devenue, à force de morts sans sépultures, un véritable cimetière marin pour des milliers d’apatrides, partis fuir une guerre ou à la recherche d’un monde plus clément.
Evoquer ces cargos de la mort est en ligne droite de la guerre civile qui secoue la Libye et ces nouveaux négriers ne sont que la conséquence d’un pari joué et perdu par l’Europe. En décidant d’assassiner Kadhafi sans assurer une transition démocratique du pays, Bruxelles et l’Otan, dupés par une France calculatrice, ont ouvert la boîte de Pandore expulsant tous les démons enchaînés par un régime pourtant longtemps toléré. La Libye étant loin de ses terres, l’Europe n’avait à aucun moment envisagé un quelconque péril venant de la mer mais il aura fallu d’une menace à peine voilée de l’Etat islamique qui a pris ses quartiers en face de la Sicile pour qu’on commence à regretter l’ancien dictateur. Il aura fallu l’ « invasion » des sans- papiers d’Irak, de Syrie, de la Libye, de la Somalie, du Yémen et du Sahel pour qu’on se rende compte que le feu allumé dans ces pays peut embraser le Vieux Continent.
Les Européens, comme dernier rempart, veulent une guerre totale par procuration, et l’Algérie fidèle à ses principes s’active, de son côté, à trouver une solution politique aux choix des armes. Un remake du dialogue inclusif intermalien qui commence à prendre forme. La visite du Premier ministre libyen Abdallah al-Thani à Alger, une première depuis deux ans, s’inscrit dans cet agenda de sortie de crise sans passer impérativement par la case de l’option militariste. L’Algérie, n’en déplaise à ses détracteurs, essaye tant bien que mal de garder un saint équilibre des forces en présence dans la région et son premier souci est de régler des conflits à risque pour sa sécurité interne, avant tout, sans tomber dans une paranoïa propagandiste.
L’exemple malien l’a montré superbement et l’exercice diplomatique ressemble à s’y méprendre à un funambule traversant les chutes du Niagara par vents violents. C’est dire toute la complexité de la mission dont Alger a accepté la responsabilité malgré les intérêts divergents des uns et des autres. Trouver une sortie de crise à la Libye doit mobiliser toutes les volontés internationales parce qu’en pacifiant le pays c’est toute une région du monde qui retrouvera un semblant d’humanité.