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La "croisade" d’Obama contre le terrorisme. Aux Etats-Unis, l’état de non-droit se poursuit.

Y’a juste une phrase qui n’est pas très cool (6eme paragraphe) :

"Avec ce nouveau statut et 2 millions de dollars, le gouvernement américain espère sans doute faire plier un régime castriste vieillissant et obtenir l’extradition de Shakur."

LE MONDE | 14.05.2013 à 14h17

En septembre 2001, Georges W. Bush lançait une "croisade contre la terreur" dont le point d’orgue fut une guerre d’Irak désastreuse et illégitime qui dura dix ans. Sans doute pour célébrer ce glorieux épisode, il propose aux visiteurs de sa toute nouvelle bibliothèque présidentielle un jeu interactif sur ladite guerre, qui offre la belle légende d’un conflit juste et inévitable pour assurer la sécurité de l’Amérique contre la menace "terroriste". Mot tout-puissant.

Au nom de cette guerre contre les terroristes, la torture est aujourd’hui pratiquée à Guantanamo, où près de 20 détenus en grève de la faim, pour dénoncer les conditions indignes de leur détention, sont attachés de force à une chaise et gavés par une sonde.

Au nom de son statut décrété de terroriste, Dzhokhar Tsarnaev, le frère survivant impliqué dans l’attentat du marathon de Boston, se vit privé de son droit constitutionnel de citoyen américain de se voir lire ses droits, dont celui de demeurer silencieux. Peut-être ce dernier a-t-il voulu tuer en masse des civils innocents pour des motifs politiques et mérite-t-il donc à ce titre le nom de terroriste.

Mais on ne peut s’empêcher de constater que ce mot-stigmate est une condamnation à l’exclusion symbolique de l’espace national américain. Appeler Dzhokhar Tsarnaev "terroriste", insister sur sa carnation "sombre" comme le fit la presse et présumer de son identité de djihadiste est un effacement rhétorique d’une réalité crue : le jeune homme est un Américain et ce sont en grande partie les Etats-Unis qui l’ont produit, comme ils ont produit Adam Lanza, qui tua par armes des dizaines d’enfants à Newton et dont la sénatrice Claire McKaskill se demande aujourd’hui s’il ne devrait pas être lui aussi appelé "terroriste".

SERVICES DE SÉCURITÉ AMÉRICAINS

C’est dans ce contexte que l’on doit comprendre la décision prise la semaine dernière par les services de sécurité américains – dont le département de la justice – d’inscrire la militante noire Assata Shakur sur la liste des terroristes les plus recherchés du pays, liste créée au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, qui contient les noms de 32 hommes, essentiellement des musulmans moyen-orientaux. Shakur, tante du rappeur Tupac Shakur, de son nom de naissance Joanne Byron, avait déjà été, suite au Patriot Act (loi antiterroriste), nommée "terroriste domestique" (on parlerait de "terrorisme intérieur" en France).

Aujourd’hui, l’ancienne militante des Black Panthers installée depuis vingt-neuf ans à Cuba, où elle bénéficie du statut de réfugiée politique, voit le "prix" de sa capture doubler. Avec ce nouveau statut et 2 millions de dollars, le gouvernement américain espère sans doute faire plier un régime castriste vieillissant et obtenir l’extradition de Shakur.

En 1973, cette activiste new-yorkaise fut arrêtée et condamnée pour le meurtre d’un policier lors d’une fusillade dans le New Jersey. Alors même qu’elle avait elle-même reçu deux balles dans le dos et que l’ensemble des charges retenues contre elles s’étaient rapidement révélées fallacieuses, elle demeura en prison où elle subit nombre de mauvais traitements avant son évasion en 1979 et son installation à Cuba.

Sœur de lutte d’Angela Davis, dont le combat est actuellement porté à l’écran, elle est le reflet inversé de Tsarnaev : on est certain que sa cause et son combat étaient et sont encore politiques mais on ne peut dire qu’elle est criminelle et qu’elle a tué pour la cause.

Chaque jour, l’illusion selon laquelle l’Amérique est sortie des heures sombres de la guerre à la terreur est plus éclatante : alors que la guerre des drones bat son plein, le pays continue à vivre dans un état de suspension démocratique qui, chaque jour, consterne davantage les défenseurs des libertés civiles : ici, les étudiants de l’université Yale s’émeuvent du projet d’implantation d’un centre de formation à l’interrogatoire que le Pentagone voudrait voir orchestrer par un psychiatre qui s’est illustré par ses études sur la façon dont "mentent" Arabes et musulmans ; là des milliers de Latinos sans papiers sont contrôlés, fichés et emprisonnés au nom du Patriot Act.

Ajoutons que depuis 2001, dans les rues de New York ou d’Atlanta, un Noir a dix-huit fois plus de chances de se faire interpeller par la police qu’un Blanc, discrimination intolérable que l’on justifie par la nécessaire guerre contre la terreur.

Le président Barack Obama porte une responsabilité historique dans la perpétuation de cet état de non-droit. Il évoque aujourd’hui la fermeture de Guantanamo, vieille promesse, en oubliant un peu vite que c’est lui qui a signé le National Defense Authorization Act en 2005, qui interdit jusqu’à aujourd’hui le financement du transfèrement des prisonniers sur le sol américain et qu’il est en son pouvoir de faire libérer ou extrader les 86 prisonniers blanchis par la justice. Loin d’être en cohérence avec ses engagements et ses déclarations de bonnes intentions, son administration, par cette incompréhensible élection de Shakur au nombre des "principales menaces terroristes contre le pays", participe de l’identification venimeuse des basanés au terrorisme et elle apporte sa pierre à la funeste croisade contre la terreur qui est désormais la sienne.

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Contre-discours de mai de François Cusset
Bernard GENSANE
François Cusset. Contre-discours de mai. Ce qu’embaumeurs et fossoyeurs de 68 ne disent pas à ses héritiers. Actes Sud, 2008. Bizarrement, on a très peu célébré le cinquantenaire de Mai 58, la chute de la Quatrième République, le coup d’État feutré de De Gaulle, l’instauration d’une nouvelle République, donc d’un nouveau partage institutionnel du pouvoir, avec un renforcement du rôle de l’État, de sa prééminence, tout ce que les " gaullistes " libéraux d’aujourd’hui vomissent. (…)
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« Si le Président se présente devant le Peuple drapé dans la bannière étoilée, il gagnera... surtout si l’opposition donne l’impression de brandir le drapeau blanc de la défaite. Le peuple américain ne savait même pas où se trouvait l’île de la Grenade - ce n’avait aucune importance. La raison que nous avons avancée pour l’invasion - protéger les citoyens américains se trouvant sur l’île - était complètement bidon. Mais la réaction du peuple Américain a été comme prévue. Ils n’avaient pas la moindre idée de ce qui se passait, mais ils ont suivi aveuglement le Président et le Drapeau. Ils le font toujours ! ».

Irving Kristol, conseiller présidentiel, en 1986 devant l’American Enterprise Institute

Le 25 octobre 1983, alors que les États-Unis sont encore sous le choc de l’attentat de Beyrouth, Ronald Reagan ordonne l’invasion de la Grenade dans les Caraïbes où le gouvernement de Maurice Bishop a noué des liens avec Cuba. Les États-Unis, qui sont parvenus à faire croire à la communauté internationale que l’île est devenue une base soviétique abritant plus de 200 avions de combat, débarquent sans rencontrer de résistance militaire et installent un protectorat. La manoeuvre permet de redorer le blason de la Maison-Blanche.

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