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L’« agenda social » de Bush en Amérique latine.

solidaritéS, mars 2007.


Une nouvelle « Alliance pour le progrès » contre le « socialisme du 21e siècle » ?

Eva Golinger - avocate vénézuélienne-étatsunienne et auteure de The Chavez code : craking U.S. intervention in Venezuela (La Habana, 2005) [1] - démystifie l’« agenda social » proposé par le président des USA lors de sa récente tournée en Amérique latine. Il y a 50 ans déjà , pour contenir la révolution cubaine, son prédécesseur J.F. Kennedy avait lancé l’« Alliance pour le progrès » : en clair, une série de réformes sociales servant d’additif à une stratégie contreinsurrectionnelle - qui installa plusieurs dictatures militaires... et conforta celles déjà existantes ! (hpr)


La nouvelle offensive des USA en Amérique latine n’utilise pas un armement venu des casernes ou du « complexe militaro-industriel », mais du Venezuela ! Avant de se rendre dans cette région, G.W. Bush expliquait que son gouvernement souhaitait « la promotion de la justice sociale dans l’hémisphère occidental » selon trois axes : éducation, santé, logement ; des institutions justes, efficaces, non corrompues ; une économie juste pour les travailleurs. Le mot « justice sociale » dans la bouche du Seigneur de la Guerre étonne. « Notre mission consiste à terminer la révolution, initiée par Simon Bolivar et George Washington », conclut G.W. Bush. La révolution bolivarienne dirigée par Chávez a-t-elle donc un si grand impact sur la politique des USA ? (...)


Puisque le bâton ne suffit pas...

Il est indubitable que G.W. Bush et ses conseillers prennent les Latino-Américains (et plus globalement les humains) pour des imbéciles... Mais après les multiples interventions de ses prédécesseurs (de Kennedy à Bush Sr) en Amérique latine, Bush Jr ne savait plus quoi faire. Durant les premières années de son mandat, il a mis toute son énergie à détruire le Moyen Orient.

Lorsque les USA ont vu la force réelle de Hugo Chávez (capable d’impulser un tournant à gauche en Amérique latine), ils ont tenté de le liquider au moyen d’un coup d’Etat (avril 2002), puis par le sabotage économique. Après l’échec du référendum révocatoire lancé par l’opposition vénézuélienne (le 15 août 2004), le gouvernement des USA s’est rendu compte du manque de fiabilité de cette opposition. Alors, depuis janvier 2005, ils ont commencé à tenir des discours violents contre le Venezuela : « Chávez est une force négative dans la région » (Condolzza Rice, secrétaire d’Etat), « Chávez ressemble à Hitler » (Donald Rumsfeld, ex-secrétaire à la Défense), « Chávez menace la démocratie et la stabilité régionale » (John Negroponte, sous-secrétaire d’Etat).

Les USA cherchent à lier le Venezuela au terrorisme d’Al Qaida. Ils accusent ce pays « de collaboration insuffisante dans la guerre contre le terrorisme » et l’empêchent d’acheter des armes aux USA. Des dizaines de parlementaires US ont clamé sur tous les tons : « Chávez est un dictateur autoritaire ». En 2006, Condolezza Rice promettait d’ « isoler le Venezuela ». Mais comme les autres stratégies de Washington, ce plan a échoué.


...Pourquoi ne pas utiliser aussi la carotte ?

Le monde entier applaudit Hugo Chávez lorsqu’il traite G.W. Bush de « diable » ; mais lorsque Bush et sa clique traitent Chávez de « dictateur » ou de « menace », ce dernier voit augmenter ses appuis et sa popularité dans la communauté internationale et Washington est qualifié d’« agresseur impérialiste ». Les USA ne savent plus quoi faire pour intervenir au Venezuela et à Cuba. Ils changent régulièrement d’ambassadeur à Caracas, sans rien avoir obtenu. Leur politique agressive ne trouve pas d’alliés (même pas l’Union européenne). Financée avec des millions de dollars, l’opposition ne réussit pas à s’unir pour obtenir une victoire électorale.

A l’augmentation du potentiel militaire US dans la région (navires de guerre, porte-avions, hélicoptères de combat, sous-marins nucléaires), le Venezuela réagit en renforçant sa défense. L’ultime remède des USA consiste donc à copier le Venezuela. Une école médicale à Panama formera gratuitement des infirmières, des techniciens et des travailleurs de la santé. Un navire de la flotte US sera envoyé dans plusieurs ports (de Belize au Surinam) avec un contingent de médecins et d’infirmières (susceptibles de soigner 85000 patients et d’effectuer 1500 opérations). Une copie de l’Université latino-américaine de médecine ou des missions « Barrio Adentro » ou « Milagro » (Programmes sociaux du gouvernement bolivarien). Autres promesses de Bush : 75 millions de dollars pour des étudiant-e-s souhaitant apprendre l’anglais ; 100 millions pour des crédits hypothécaires au Mexique, au Brésil, au Chili et en Amérique centrale. Les montants versés à des groupes et à des organisations oeuvrant à « la promotion de la démocratie en Amérique latine » (aujourd’hui 1,6 milliard de dollars) seront augmentés (en plus des 300 organisations nord-américaines, financées par le Département d’Etat, actives aujourd’hui sur le continent). La « bataille des idées » s’accélère. Washington n’a plus d’autre recours qu’une « façade sociale » pour tenter de regagner le terrain perdu sur la révolution bolivarienne.

Eva Golinger

 Texte original en espagnol : www.aporrea.org, 7 mars 2007.

 Adaptation et traduction : Hans-Peter Renk.

 Source : solidaritéS www.solidarites.ch

Venezuela - Eva Golinger : « Les Etats-Unis n’ont pas renoncé à renverser Chávez »

[1La version française de son ouvrage Code Chávez : CIA contre Venezuela (Esch-sur-Alzette, Oser dire 2006) peut être commandée à : kovic@skynet.be (20 euros + 3,5 euros pour frais de port).


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