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Journée mondiale de la langue française – Un enjeu de classe proprement stratégique : la résistance populaire au tout-anglais

Une analyse et un appel du secrétariat national du Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF) « A chaque fois qu’affleure, d’une manière ou d’une autre, la question de la langue, cela signifie qu’une série d’autres problèmes est en train de s’imposer : la formation et l’élargissement de la classe dirigeante, la nécessité d’établir des rapports plus intimes entre les groupes dirigeants et la masse national-populaire, c’est-à-dire de réorganiser l’hégémonie culturelle ». Antonio Gramsci, fondateur du PC italien, linguiste, résistant antifasciste. « Il ne restait de ce pays que son langage. Un beau langage qui servait à tout. Vous savez, comme on a chez soi une chose précieuse qui est là depuis si longtemps qu’on en use à n’importe quoi, à empêcher la fenêtre de se fermer, et le petit la prend comme une règle pour dessiner, et c’est un presse-papier si commode ! Qui donc se souciait que ce fût un pays, ce pays, et il est indiscutable que c’est un grand progrès que de perdre le sens de la jalousie, cette haine du voisin, cet orgueil de son toit, un grand progrès sur les ténèbres, un grand progrès sur le néant ». Louis Aragon, auteur de La Diane française, animateur des Lettres françaises clandestines

20 mars 2017 – Journée mondiale de la langue française : Un enjeu de classe proprement stratégique : la résistance populaire au tout-anglais.

Alors que l’entreprise d’arrachage du français et des autres langues nationales au profit du « Business Globish » franchit un nouveau seuil alarmant en France et en Europe, force est de reconnaître que, jusqu’ici, la résistance des forces progressistes à cette inavouable politique oligarchique reste faible, retardataire, dispersée, voire inexistante. En dehors du PRCF, qui en fait un axe structurant pour sa politique de Front Antifasciste, Patriotique, Populaire et Ecologique, en dehors de l’association internationaliste COURRIEL qui produit un travail d’analyse et de mobilisation d’avant-garde, en dehors de quelques groupes, syndicats, personnalités et organisations progressistes très honorables qui tardent cependant à unir leurs efforts sur ce front, le mouvement ouvrier et populaire n’a pas encore saisi que cette stratégie linguistique de substitution du tout-anglais au français en France (ainsi qu’à l’allemand en Allemagne, à l’italien en Italie, à l’espagnol en Espagne, etc.) constitue un enjeu stratégique, voire historique, pour l’oligarchie euro-atlantique, pour le MEDEF, l’UE/OTAN et le Parti Maastrichtien Unique composé des LR, des Euro-Ecologistes, du « Young Leader » Macron et du parti « socialiste ».

Pourtant, l’attentat linguistique est systématique, visant tous les secteurs « de prestige » de la société :

  publicité, enseignes commerciales, « produits » mis sur le marché par des entreprises publiques (Pulse, chez EDF, Family TGV, TGV Night, à la SNCF, Learning Centers dans l’Education nationale...,

  journaux (Society, We demain, So Foot...) et médias audiovisuels, où les émissions titrées en anglais (The Voice, The Kids Voice, The Wall, BFM News, etc.) pullulent dans l’indifférence coupable du CSA, notamment sur TF 1 et BFM TV...

- chanson, où les quotas radiophoniques de chanson francophones ont été abaissés par les députés à la demande du CSA et où la « France » continue de chanter en anglais, ou pire encore en franglais, aux Concours annuels de l’Eurovision
science, où certaines revues subventionnées par l’argent public ne se donnent même plus la peine de publier en français alors que le droit de comprendre est une prérogative inaliénable du contribuable-citoyen qui finance lesdites revues,

- école et Université où les gouvernants successifs poussent à enseigner en anglais les disciplines les plus diverses et à pratiquer dès la maternelle le « bain linguistique » en anglais alors que la langue maternelle française n’est pas encore acquise et structurée ; si bien que le seul résultat probable de ce pré-formatage souvent aussi peu respectueux de l’anglais que du français véritables sera seulement de déstabiliser le français des jeunes francophones sans leur permettre pour autant d’accéder plus tard, par la connaissance approfondie de leur langue et par l’apprentissage méthodique d’autres langues, au véritable plurilinguisme

  entreprise où nombre de cadres supérieurs sont recrutés en tant que « English Mother Tongue » (anglais langue maternelle, ce qui institue une préférence nationale à l’envers lors de l’embauche) et où des firmes comme Airbus, PSA, Renault, basculent toute leur communication interne à l’anglais avec la complicité manifeste du gouvernement représenté dans les conseils d’administration

  sport, avec la prétention du comité « Paris 2024 » de « vendre » « Paris-J.O. » en anglais sans crainte de prostituer notre langue, notre capitale et notre culture nationale
politique, avec Fillon, Hamon et Valls faisant assaut d’anglais devant les caméras pour « se vendre » aux électeurs, avec Macron humiliant la France, l’Allemagne et leurs langues respectives en choisissant Berlin pour discourir en anglais dans le cadre d’une élection française

  défense « nationale » où, subordination totale à l’OTAN oblige, l’anglais devient langue de travail officielle de l’armée « française » en violation flagrante de la Constitution !

Non seulement la prétendue « clause Molière », par laquelle certains présidents de Région réactionnaires prétendent discriminer les travailleurs non francophones intervenant sur des chantiers, ne « rééquilibre » en rien le privilège illégal systématiquement conféré à l’anglais sur notre sol, mais, outre l’outrage fait à Molière, dont le théâtre joue parfois de la pluralité des langues et des dialectes, mais elle est un nouveau coup porté à la langue française dont la vocation n’est pas d’être un outil de discrimination au service des dominants, ni un moyen pour diviser les travailleurs, mais un moyen de communication, de culture et de pensée au service des travailleurs et des peuples.

Les enjeux de classe et géostratégiques de cet arrachage linguistique géant, qui a déjà des effets structurels inquiétants sur notre langue, sont colossaux sur les plans politique, social et sociétal : Il s’agit de

  pulvériser les Etats-nations existants, dont la langue est l’identifiant le plus évident, au profit d’un Empire euro-atlantique redistribué en « Grandes Régions » (où l’on feindrait de favoriser, dans le ghetto linguistique des activités « festives » et « domestiques », une langue régionale pour mieux désétablir les langues nationales et installer le tout-anglais à l’entreprise et sur la place publique ; et avec la casse des Etats-nations, c’est la production nationale, les acquis sociaux, les services publics nationaux, les statuts publics, l’Education nationale et les conventions collectives nationales qui seraient arasés ;

  durcir la stratification sociale européenne et mondiale avec, tout en haut, une élite oligarchique de PDG, de grands actionnaires, de super-rentiers et de très hauts cadres dont l’anglais serait le code distinctif universel ; tout en bas, ceux qui ne parleraient « que » leur langue nationale déclassée et « empatoisée », devenue de moins en moins capable de dire les évolutions technoscientifiques, et au milieu, des couches moyennes se distinguant du bas peuple par leur accès minimal au globish, sans être pour autant capables de rallier l’« élite » ; quant aux immigrés africains venus de pays francophones, ils seraient définitivement marginalisés ;

  installer une novlangue mondiale unique, vecteur de marché, de pensée, d’économie, de politique uniques : celles de l’UE et de l’OTAN ; tant il est vrai qu’une langue ne sert pas seulement à communiquer mais qu’elle permet avant tout de structurer la pensée des locuteurs. Or, rien de plus « marqueté » et de plus fortement porteur d’idéologie « managériale » et « consumériste » que le Business-Globish ! Quoi de plus totalitaire et de plus sourdement exterministe qu’une telle entreprise mondiale, capable à terme de détruire l’un des fondements anthropologiques de l’humanisation, la pluralité des langues et des cultures et l’échange fécond qu’elle peut permettre en termes d’égalité et d’altérité ?

La pitoyable affaire du slogan olympique en anglais inscrit sur la Tour Eiffel a cependant percuté l’opinion et de nombreux journaux et média ont, pour une fois, relayé le communiqué commun que COURRIEL avait d’emblée avait proposé aux autres associations. Plus de 80% des citoyens sondés ont d’ailleurs condamné cet attentat linguistique qui prostitue la France, sa langue et sa culture, qui insulte tous les Francophones de France et du monde, sans parler des jeunes étrangers qui étudient notre langue dans le monde ; à tous, Anne Hidalgo et Bernard Cazeneuve ont honteusement signifié qu’à leurs yeux, l’anglais, ou plutôt le globish bas de gamme, cette insulte à la langue de Shakespeare comme à celle de Goethe, de Cervantès, de Dante et de Molière, est désormais la seule « langue universelle ».

Mais la contrepartie de ce début de rébellion linguistique populaire est que le FN, qui n’avait jamais apporté jusqu’ici aucun soutien visible à la langue française*, appelle désormais au patriotisme linguistique au risque d’en dévoyer le sens et d’en discréditer l’idée.

Raison de plus pour ne pas abandonner ce sujet à l’extrême droite, comme d’autres sujets lui ont déjà été si longtemps abandonnés par faux internationalisme : drapeau tricolore de Valmy, Marseillaise des Sans Culottes, lutte pour la souveraineté nationale, Frexit progressiste, patriotique et antifasciste.

Raison de plus pour qu’ensemble, les militants franchement communistes, qui ont jusqu’ici fait fort peu de choses ensemble sur le front linguistique du combat de classe, retrouvent l’élan politique et linguistique qui était celui du PCF à l’époque où il était le parti des Lettres françaises, de Barbusse, d’Eluard, d’Aragon ou de Jean Ferrat.

Raison de plus aussi pour que, sur des bases patriotiques et internationalistes, les mouvements progressistes, et d’abord ceux qui sont opposés à l’UE, au Pacte transatlantique et à l’OTAN, combattent la langue unique, vecteur d’une idéologie néolibérale unique dont le tout-globish est le « facilitateur » mondial.

Raison de plus pour que les syndicalistes de classe, s’emparent de cette question avant que des millions de salariés ne deviennent des parias sur le lieu de travail ou.. à la porte de leur ex-entreprise !

Raison de plus pour que la vraie gauche cesse de « marcher », à la suite des « Verts », dans l’escroquerie de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, qui, sous couvert de défendre les langues régionales (qui sont le patrimoine indivisible de la nation), détruit la citoyenneté française universaliste, déstabilise l’officialité de la « langue de la République », met l’argent public à la disposition des euro-séparatismes les plus réactionnaires... et continue d’ignorer l’apprentissage laïque de l’arabe première ou seconde langue dans nos collèges et lycées public. Comment en particulier des parlementaires se disant communistes ou simplement républicains peuvent-ils soutenir de leurs votes cette Charte qui est un appel d’air évident à l’euro-séparatisme régionaliste ?

Raison de plus pour que les défenseurs de la biodiversité naturelle, défendent aussi la diversité des langues détruite par le tout-anglais et par la sous-culture « made in Hollywood » : car il n’y a de langue et de culture véritables que s’il y a des langues, des cultures, et des échanges équitables entre elles. Souvenons-nous pour finir de la parole réellement internationaliste et authentiquement européenne (et non pas européiste !) de l’écrivain italien Umberto Eco :

« la vraie langue de l’Europe, c’est la traduction ».

Camarades, citoyens, amis,

la langue française, socle du lien social, terrain et outil de clarification des affrontements de classes, langue de la République, porteuse de toute notre histoire dans ses contradictions, premier service public du pays et ciment de la Francophonie internationale, bien commun de la France, du Québec, de l’Afrique francophone, d’Haïti, de la Belgique, de la Suisse romande, trésor et ressource d’avenir de la culture mondiale, rempart national et mondial face à la barbarie d’une novlangue, voire d’une « non-langue » unique, est en grave danger. Ne prétextons plus jamais d’un pseudo-internationalisme, qui ne fait que relayer l’euro-mondialisme oligarchique au sein du mouvement ouvrier, pour nous désintéresser de cette grande question politique et sociale. Dans toutes nos luttes contre le MEDEF, l’UE et leurs gouvernements successifs, « reprenons langue » et tendons aussi la main aux résistances qui se dessinent sur le front linguistique des pays voisins ; faute de quoi un jour viendra où les mots nous manqueront pour crier d’une seule voix « tous ensemble ! » face aux casseurs d’acquis sociaux, d’emplois et de peuples souverains !

*faux amis du français, de la République française et des francophones, les dirigeants et les députés FN, Marion Le Pen en tête, fréquentent assidument, de Bruxelles à Strasbourg en passant par Anvers, les nationalistes flamands de la NVA et du Vlaams Belang ; lesquels persécutent les Francophones de Belgique et affichent arrogamment leurs visées irrédentistes sur la ci-devant Flandre française...

Georges Gastaud est le secrétaire national du PRCF

»» http://www.initiative-communiste.fr...
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