Le Courrier de Genève, mardi 31 Janvier 2006.
Il est temps que la campagne en vue des élections législatives en Italie débute officiellement. Cela signifiera que les deux chambres du Parlement auront été dissoutes et donc qu’elles auront cessé de voter des lois à l’image de celle de la semaine dernière. Car, fidèle à son maître étasunien, la majorité de droite a adopté une nouvelle loi sur la légitime défense.
Désormais, qu’un voleur ou présumé tel s’introduise chez un « honnête » citoyen et ce dernier pourra lui loger une balle entre les deux yeux, quel que soit le comportement de l’intrus. Finis les scrupules et les risques de représailles judiciaires pour réaction disproportionnée ! Ce permis de tuer, voulu avec insistance par la Ligue du Nord et Alleanza nazionale, le parti post-fasciste, sera valable non seulement à domicile, mais également sur le lieu de travail et dans tous les endroits affectés à des activités commerciales. En somme, la violation du domaine privé devient un crime passible de la peine de mort avec un jugement laissé au libre arbitre de chacun.
La référence biblique étant une constante au sein de la droite italienne, le ministre de la Justice, le leghiste Roberto Castelli n’a pas manqué de relever que ce nouveau dispositif législatif avait pour objectif de rendre justice à Abel, qui aurait été victime de son frère Caïn, premier meurtrier de l’humanité, selon la Genèse.
Et Abel n’a pas attendu longtemps avant de se venger. Dans la nuit de jeudi à vendredi, soit deux jours après le vote de la loi, un entrepreneur de Vérone, membre de la Ligue du Nord, a déchargé son pistolet, un 357 Magnum, sur deux personnes qui tentaient de s’introduire dans sa villa. L’une d’elles, un immigré albanais régulièrement établi en Italie et sans antécédent judiciaire, a été tuée. L’homme à la gâchette facile a été mis en examen, car la loi sur la légitime défense n’a pas encore été promulguée.
Il n’empêche, la Ligue du Nord et Alleanza nazionale ont volé au secours de leur ami véronais, en espérant que la justice ne transforme pas la victime en bourreau et en avertissant que, désormais, les voleurs feraient mieux d’y réfléchir à deux fois avant de s’introduire illégalement chez autrui.
Précisément le genre d’arguments qui inquiètent les nombreux opposants à la loi, à commencer par ceux qui sont censés la faire respecter. La crainte d’une escalade de la violence est en effet très présente. Il y aura peut-être moins de vols de poules, mais lorsqu’il y en aura, ils pourront très vite se transformer en bain de sang.
Marco Gregori
- Source : Le Courrier de Genève www.lecourrier.ch
