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ISIS sur le Rio Grande

C’est bien connu, le Mexique est une sorte particulière d’“État de non-droit”, sans doute le premier “narco-État” du monde, et sans aucun doute en importance et en puissance. Posé sur une frontière de plus de 3.000 kilomètres avec les USA, le Mexique vit au rythme des différents cartels de la drogue dont certains disposent de véritables territoires, avec des villes, des structures normales de la société civile, etc. Dans certains cas également, la population, quand elle ne se constitue pas en milices, finit par préférer la “loi des cartels” tant le comportement et la corruption des “forces de l’ordre” (polices, souvent l’armée) se révèlent souvent insupportables. Enfin, les “territoires” et activités des cartels débordent largement à l’intérieur de la bande Sud des USA (Texas, Arizona, Nouveau-Mexique), où existent même certaines zones jugées si dangereuses que les divers services de sécurité US préfèrent les laisser aux irréguliers mexicains ... Voilà là-dessus qu’on nous annonce qu’ISIS, alias État Islamique, alias Daech, est de la partie.

L’idée est qu’un accord se serait fait entre ISIS et divers cartels pour installer deux bases d’ISIS au Mexique (au moins deux camps) à partir desquels des combattants d’ISIS, avec l’aide de groupes locaux de diverses activités illégales, effectueraient des raids de reconnaissance aux USA. La source d’information est à considérer, puisqu’il s’agit de Judicial Watch, site d’une association activiste d’observation critique des activités du gouvernement fondée en 1994, en général considérée comme sérieuse. Judicial Watch publie un article le 14 avril 2015, où elle rapporte ces nouvelles sur ISIS, à partir d’informations venues de services de sécurité mexicains, des sources recoupées dont un officier de l’armée mexicaine et un inspecteur de la police fédérale mexicaine. Les détails donnés sont impressionnants de précision, tant en ce qui concerne les organisations impliquées, la localisation des divers groupes et camps et enfin les activités envisagées, avec notamment les méthodes de coordination entre ISIS et les cartels, voire avec des organisations spécialisées (dont une nommée “les Coyotes”) dans le passage de clandestins du Mexique vers les USA.

« ISIS a un camp à quelques km d’El Paso, au Texas, selon les sources de Judicial Watch qui comprennent un officier supérieur de l’infanterie mexicaine et un inspecteur de la police fédérale mexicaine. Le groupe terroriste a établi sa base à environ 15 km de la frontière des États-Unis, dans une zone connue sous le nom de "Anapra", située à l’ouest de Ciudad Juárez dans l’État mexicain du Chihuahua. Il y a une autre cellule d’ISIS à Puerto Palomas, à l’ouest de Ciudad Juárez, qui permet d’entrer facilement aux États-Unis via les villes de Colomb et de Deming au Nouveau-Mexique, selon les mêmes sources.

 »Au cours d’une opération conjointe, la semaine dernière, l’armée mexicaine et la police fédérale ont découvert des documents en arabique et en ourdou, ainsi que des « plans » de Fort Bliss - l’installation militaire tentaculaire qui abrite la première Division blindée de l’armée américaine. Des tapis de prière musulmans ont été trouvés avec les documents, pendant l’opération.

 » Selon des sources dans la police et les services secrets, la zone autour d’Anapra est dominée par le cartel de Vicente Carrillo Fuentes (« le cartel de Juarez »), La Línea (la police du cartel) et le Barrio Azteca (un gang qui s’est constitué au départ dans les prisons d’El Paso). Le contrôle par les cartels de la zone d’Anapra en fait un terrain d’opération extrêmement dangereux et hostile pour l’armée mexicaine et la police fédérale. Selon ces mêmes sources, les « coyotes » spécialisés dans la traite des êtres humains - et qui travaillent pour le cartel de Juárez - acheminent des terroristes d’ISIS à travers le désert et la frontière qui sépare Santa Teresa de Sunland Park, au Nouveau-Mexique. A l’est d’El Paso et de Ciudad Juárez, les « coyotes » appuyés par le cartel font aussi passer en fraude des terroristes d’ISIS par la frontière poreuse qui sépare Acala de Fort Hancock, au Texas. Ces zones spécifiques ont été choisies par ISIS parce que les forces de police municipale et du comté y sont en sous-effectifs et que l’endroit offre un abri relativement sûr à la contrebande à grande échelle et non contrôlée de la drogue qui s’y pratiquait déjà.

 »Selon des sources dans le renseignement mexicains, ISIS a l’intention d’exploiter les chemins de fer et les installations aéroportuaires des environs de Santa Teresa, au Nouveau-Mexique (une porte d’entrée vers les Etats-Unis). Les sources disent aussi qu’ISIS a des "observateurs" dans les montagnes Potrillo orientales du Nouveau-Mexique (en grande partie gérées par le Bureau de gestion du territoire) pour aider les terroristes à passer la frontière. ISIS mène des opérations de reconnaissance sur les universités régionales ; La base de lancement de White Sands ; les installations gouvernementales d’Alamogordo, au Nouveau-Mexique ; Fort Bliss ; et les installations électriques autour d’Anapra et de Chaparral, au Nouveau Mexique ».

Infowars.com a repris, sous la plume de Kurt Nemmo, le même 14 avril 2015, les informations de Judicial Watch et les complète avec quelques rappels d’autres informations sur le sujet. « En 2014, Gary Painter, le Sheriff du comté de Midland, au Texas, a dit qu’ISIS traverserait la frontière et frapperait les Etats-Unis. En août, un ancien officier de la CIA, Mike Baker, a déclaré au cours de l’émission, Laura Ingraham Show, qu’ISIS travaillait avec les cartels de la drogue. Judicial Watch a dit en août qu’ISIS utilisait la ville de Juárez comme une zone de transit et planifiait de lancer une attaque à la voiture piégée contre Fort Bliss, une base de l’armée américaine située à une quinzaine de minutes de la frontière. En septembre, le reporter d’Infowars, Joe Biggs. s’est rendu dans la région et a traversé le Rio Grande habillé en terroriste d’ISIS. Ce coup d’éclat visait à mettre en lumière la facilité avec laquelle les terroristes pouvaient entrer dans le pays.

 »« L’administration a également couvert, ou au moins minimisé, une grave épidémie de criminalité le long de la frontière mexicaine, alors même que les cartels de la drogue lourdement armés avaient pris le contrôle de pans entiers de la région », a indiqué l’organisation. "Judicial Watch a signalé que la Police des frontières étasunienne a ordonné à ses officiers d’éviter la les secteurs où la criminalité était la plus grande, parce qu’ils étaient « trop dangereux » et qu’en y allant on pouvait provoquer un « incident international » de tir transfrontalier. Tout cela au moment où la premier Secrétaire à la sécurité intérieure d’Obama, Janet Napolitano, prononçait ces mémorables paroles : "La frontière sud est « aussi sure qu’elle l’a jamais été." »

La situation à la frontière du Mexique et des USA est sans doute l’un des plus impressionnants “trous noirs” du système de la communication, pour ce qui concerne l’information. Les journaux locaux et des organisations type Judicial Watch en parlent, certes, mais ces informations sont en général systématiquement ignorées des grands médias nationaux aux USA, et, par conséquent, à l’extérieur des USA. La consigne est “au Sud, rien de nouveau”, ou bien, comme disait la secrétaire à la sécurité intérieure Napolitano, “la frontière méridionale est sécurisée comme elle n’a jamais été”. Au reste, on peut admettre qu’il y a une certaine vérité de situation dans cette affirmation, mais vérité par inversion ou situation invertie :une certaine sorte de sécurité y règne puisque les forces de l’“ordre public” semblent de plus en plus éviter la fréquentation de ces zones dangereuses et les laisser aux divers groupes activistes, de banditisme, de trafic, etc. La vaste “zone de non-droit” du Sud des USA est devenue une “zone de droit” des organisations de banditisme et de subversion dont on finit par admettre qu’elles sont moins du banditisme et de la subversion que les forces émanant des pouvoirs officiels type-washingtonien privées de toute substance et devenues complètement illégitimes, complètement corrompues et inverties eux-mêmes. (De nombreux scandales récents impliquant les services des frontières, les services anti-drogues US, etc., montrent effectivement l’état de dissolution de ces forces.)

Il y a donc une sorte de territoire, disons “amexicaniste”, liant les deux côtés de la frontière, en plus des diverses zones des cartels à l’intérieur du Mexique. L’ordre américaniste (et l’ordre mexicain de l’autre côté de la frontière) devient un désordre qui tend à se transformer en un pseudo-ordre assuré par ceux (les cartels et le reste) qui ont profité de l’effondrement de la légitimité du pouvoir pour prendre en charge des territoires ; mais il s’agit évidemment, effectivement, d’un pseudo-ordre, un faux-nouvel ordre, qui ne résout rien, qui reste en soi un désordre et laisse ouverte la voie de diverses possibilités. L’irruption d’ISIS dans ce désordre serait un prolongement logique pour une organisation dont nul ne sait exactement ce qu’elle représente, qui a été créé éventuellement par ceci (la CIA& consorts) et cela (les États du Golfe, Arabie en tête), qui agit on ne sait exactement dans quel but et avec quelles alliances, pour quel projet et ainsi de suite... Une entente avec les cartels, à l’heure de la globalisation, serait dans la nature des choses du désordre général du monde, éventuellement transformable en un hyperdésordre si la présence d’ISIS se confirmait et se transformait en une action terroriste contre certains objectifs aux USA. On n’aurait évidemment aucune solution à la situation de désordre évoquée plus haut mais c’est alors que le système de la communication serait contraint de parler de la situation et que les USA seraient conduits à découvrir ce qui se passe exactement sur sa frontière Sud, ou plutôt dans la partie “amexicaniste” de son territoire.

On observera qu’une telle évolution correspond assez bien au schéma de subversion du Système, à l’intérieur du Système, selon la technique ou la stratégie dite des termites, c’est-à-dire un investissement dissolvant silencieux, souterrains et subreptice simplement par inactivité totale et aveuglement assumés du système de la communication vis-à-vis des événements. Dans ce genre de schéma, il suffit effectivement d’attendre un événement spectaculaire, que le système de la communication ne peut ignorer, et qui permet de mettre alors au grand jour l’état d’avancement du processus de dissolution par l’intérieur de toutes les structures du pouvoir pseudo-légal, c’est-à-dire du Système. Le cas mexicain est évidemment intéressant à cause de l’avancement extraordinaire de l’activité de dissolution des structures habituelles du Système. Une mise brutale en lumière constituerait une crise grave pour le Système et le pouvoir américaniste, qui seraient conduits à reconnaître que les forces qu’il a déchaînées à l’extérieur, outre-mer, loin des USA, sont revenues pour le hanter, c’est-à-dire pour faire avancer sa dissolution pratiquement par l’intérieur de lui-même ; ce serait inaugurer une version géographique et géopolitique extrêmement significative, sinon originale, de l’équation surpuissance-autodestruction du Système.

Philippe Grasset

Traduction des parties en anglais : Dominique Muselet

»» http://www.dedefensa.org/article-isis_sur_le_rio_grande_15_04_2015.html
URL de cet article 28434
   
Philippe Bordas. Forcenés. Paris, Fayard 2008.
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