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France : Dans les couloirs de la honte.


Droits de l’homme. En grève de la faim depuis mardi, les étrangers du centre de rétention de Vincennes témoignent, par le biais de simples cabines téléphoniques, de leur situation.


L’ Humanité, 22 avril 2005.


«  Depuis que je suis arrivé ici, j’ai des boutons sur tout le corps et le visage. » Mais Mohammed [1] attend toujours d’être observé par un dermatologue. La voix très faible, cet Algérien végète depuis douze jours au centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes, où quelque 136 sans-papiers, sur 146, ont entamé une grève de la faim, mardi. Ils étaient encore plusieurs dizaines hier. C’est la deuxième grève de la faim dans cet établissement en quelques mois. Déjà , en novembre dernier, 26 personnes avaient cessé de s’alimenter pour protester contre les circonstances de leur arrestation, en plein état d’urgence. Aujourd’hui, les grévistes dénoncent des conditions de rétention et une politique à l’encontre des étrangers proprement inhumaines.


Racisme, insultes, violences.

Algérien lui aussi, Karim réside en Italie en situation tout à fait régulière. Marié, âgé de vingt-quatre ans, il ne comprend toujours pas pourquoi il est enfermé. Au CRA depuis huit jours, il pense y rester encore une semaine. « Ma femme ne sait même pas que je suis ici. Elle n’a aucune nouvelle de moi, elle doit être très inquiète », confie-t-il. Peintre et maçon, il ne sait même pas s’il retrouvera son emploi à son retour. Ayant traversé les Alpes pour rendre visite à des amis, il s’est fait interpeller après un vol à l’arraché. Sur lui, sa carte de séjour et son permis de conduire italiens. Pas de passeport. C’est l’argument qui l’a conduit à Vincennes. Lui n’attend qu’une seule chose : se faire expulser au plus vite vers l’Italie et ne plus vivre dans « l’enfer ».

L’enfer, c’est le racisme, les insultes, la violence et les provocations au quotidien. « Hier, je faisais ma prière, un policier est rentré dans ma chambre et a piétiné mon tapis », témoigne un musulman pratiquant. Un autre raconte avoir été humilié par un policier. « Les Arabes, vous êtes des sales ordures. Vous devez partir de notre pays », lui aurait-on proféré devant ses collègues. Enfin, un troisième dit avoir été mis en cellule d’isolement et traité de « Ben Laden ».


Hocine ne sort plus de sa chambre.

«  Même certains policiers nous disent que beaucoup d’entre eux sont racistes », affirme Sofiane. Et de brosser les conditions de vie au CRA : « Ici, c’est horrible. Il y a de la saleté partout, la nourriture n’est pas bonne et il n’y a surtout aucun droit d’expression. Hier soir, j’ai vu quelqu’un se faire frapper au visage », dénonce ce Tunisien, en France depuis six ans et au centre depuis une vingtaine de jours. « Ma femme est française et enceinte de six mois. Je veux vivre ici », insiste-t-il. Hocine, lui, vient de Palestine, via la Syrie, la Turquie, l’Italie et la Grèce où il devrait être renvoyé dans les prochains jours, bien qu’il y ait déjà passé deux mois en rétention. Quand ? Impossible de le savoir. « Ils viennent nous chercher à 4 heures du matin, sans prévenir. On n’a même pas le temps de récupérer des affaires ni de se préparer. Des personnes disparaissent on ne sait où », accuse ce garçon de dix-neuf ans qui ne sort plus de sa chambre et n’a jamais vu le docteur qu’il réclame.


« On nous traite comme des animaux »

On signale aussi plusieurs cas d’expulsion vers un pays dont la personne n’est pas originaire. « S’il n’a aucun papier d’identité, un Algérien peut être envoyé en Tunisie », illustre Youcef. « Je n’ai jamais vu autant de misère, confirme Jallil. On est jusqu’à quatre ou cinq dans une petite chambre. Certains dorment par terre », poursuit ce Marocain, nourri au café et aux cigarettes depuis quatre jours. « On nous traite comme des animaux », résume un sans-papiers.

D’ores et déjà , le ministère de l’Intérieur a décidé de doubler la capacité du centre de Vincennes d’ici à la fin de l’année. Soit 280 places au total. Une décision contre laquelle la CIMADE, seule association habilitée à pénétrer dans les CRA, devrait déposer un recours. « Un décret limite le nombre de places à 140 mais l’administration contourne la loi en disant qu’elle crée un deuxième centre », explique l’association. Un deuxième centre, tout prêt du premier et avec la même direction. C’est ce que Nicolas Sarkozy appelle « le respect des valeurs fondamentales de la République ».

Ludovic Tomas


- Source : L’ Humanité www.humanite.presse.fr


[1Tous les prénoms ont été changés.


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