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Comment les politiques se défilent face aux terrorismes (The Independent)

La capture de Salah Abdeslam, considéré comme le seul planificateur survivant des attentats de Paris, signifie que les médias se concentrent à nouveau sur la menace d’une attaque terroriste par l’Etat islamique. Des questions se posent sur les raisons de qui ont permis à l’homme le plus recherché d’Europe à être en mesure d’échapper à la police pendant si longtemps, bien qu’il vivait dans son district natal de Molenbeek à Bruxelles. La télévision et les journaux s’interrogent désormais sur les chances d’Isis d’effectuer un autre attentat visant à dominer l’ordre du jour et montrer ainsi qu’ils sont toujours en activité. (NDLR : l’article a été écrit avant les attentats de Bruxelles du 22 mars)

Le traitement des événements de Bruxelles est conforme à ce que nous avons assisté après les attentats de Janvier (Charlie Hebdo) et de Novembre à Paris ainsi que des meurtres sur la plage tunisienne par Isis l’an dernier. Pendant plusieurs jours, il y a eu une surmédiatisation de ces évènements par les médias qui les ont traités au-delà de ce qui est nécessaire. Ensuite, leur attention s’est portée ailleurs et Isis est devenu l’histoire d’hier, comme si le mouvement avait cessé d’exister ou du moins perdu sa capacité d’influer sur nos vies.

Ce n’est pas comme si Isis avait cessé de tuer des gens en grand nombre depuis le massacre de Paris du 13 Novembre ; ils ont, au contraire, continué, mais pas en Europe. J’étais à Bagdad le 28 Février quand deux kamikazes d’Isis se sont fait exploser, depuis leurs motos, aux abords d’un magasin de téléphonie mobile à Sadr City, tuant 73 personnes et en blessant plus de 100. Le même jour, des dizaines de combattants Isis à bords de pick-ups, équipés, à l’arrière, de mitrailleuses lourdes, ont attaqué les avant-postes de l’armée et de la police à Abou Ghraib, site de la célèbre prison en périphérie ouest de Bagdad. Il y eut un assaut initial d’au moins quatre kamikazes, dont un conduisant un véhicule bourré d’explosifs dans une caserne. Les combats ont ensuite duré pendant des heures autour d’un silo à grains enflammé.

Le monde extérieur a à peine remarqué ces événements sanglants parce qu’ils semblent faire partie de l’ordre naturel d’Irak et de Syrie. Mais le nombre total d’Irakiens tués par ces deux attaques - et un autre double attentat suicide visant mosquée chiite dans le quartier Shuala de Bagdad quatre jours plus tôt – a causé le même nombre de victimes qu’à Paris en novembre dernier.

Il y a toujours eu un décalage dans l’esprit des gens en Europe entre les deux guerres en Irak et en Syrie et les attaques terroristes contre les Européens. Ceci est en partie parce que Bagdad et Damas sont des lieux à la fois exotiques et effrayants, et les images résultant d’attentats à la bombe sont la norme depuis l’invasion américaine de 2003. Mais il y a une raison plus insidieuse de pourquoi les Européens ne font pas suffisamment la connexion entre les guerres au Moyen-Orient et la menace pour leur propre sécurité. Séparer les deux est dans l’intérêt des dirigeants politiques occidentaux, parce que cela signifie que le public ne voit pas que leurs politiques désastreuses en Irak, en Afghanistan, en Libye et au-delà a créé les conditions pour la montée d’Isis et de bandes terroristes auxquelles Salah Abdeslam appartenait.

L’effusion de deuil officiel qui suit généralement les atrocités, telle que la marche de 40 chefs d’Etat dans les rues de Paris après les meurtres de Charlie Hebdo l’année dernière, a aidé à neutraliser toute idée critique sur les échecs politiques de ces mêmes dirigeants, qui, pourtant, sont en partie responsable de ces massacres. Après tout, ces marches sont généralement effectuées par les démunis pour protester. Mais dans ce cas, la marche a simplement servi de coup publicitaire pour détourner l’attention sur l’incapacité de ces dirigeants à agir efficacement et à arrêter les guerres au Moyen-Orient qu’ils sont fomentés.

Un aspect étrange de ces conflits est que les dirigeants occidentaux n’ont jamais eu à subir les conséquences d’avoir mené des politiques attisant la violence. Isis est montée en puissance en Libye, chose qui ne serait pas arrivée si David Cameron et Nicolas Sarkozy n’avaient pas aidé à détruire l’Etat libyen en renversant Kadhafi en 2011. Al-Qaïda est en expansion au Yémen, où les dirigeants occidentaux ont donné un feu vert à l’Arabie Saoudite pour lancer une campagne de bombardement qui détruit le pays.

Après le massacre de Paris l’année dernière il y a eu un flot d’émotion envers la France et peu de critiques à l’égard de sa politique en Syrie et en Libye, bien que celle-ci a été à l’avantage d’Isis et des autres mouvements salafistes et djihadistes depuis 2011.

Il est utile de citer longuement Fabrice Balanche, un cartographe français et expert sur la Syrie qui travaille maintenant pour le Washington Institute for Near East Policy, à propos de ces perceptions erronées en France, bien qu’elles soient également applicables à d’autres pays. Il a ainsi dit : « les médias ont refusé de voir la révolte syrienne autrement qu’en étant la poursuite des révolutions en Tunisie et en Egypte, à un moment d’enthousiasme envers le printemps arabe. Les journalistes ne comprennent pas les subtilités sectaires en Syrie, ou peut-être qu’ils ne veulent pas les comprendre ; J’ai été censuré à plusieurs reprises. »

« Les Intellectuels syriens de l’opposition, dont beaucoup sont en exil pendant depuis des décennies, ont eu un discours semblable à celui de l’opposition irakienne lors de l’invasion américaine de 2003. Certains d’entre eux confondent leurs propres espoirs pour une société non sectaire avec la réalité , mais d’autres - tels que les Frères musulmans - ont tenté de masquer la réalité afin d’obtenir le soutien des pays occidentaux. »

« En 2011-2012, nous avons subi un type de maccarthysme intellectuelle sur la question syrienne : si vous disiez qu’Assad n’était pas sur le point de tomber dans les trois mois, vous étiez soupçonné d’être payé par le régime syrien. Et avec le ministère français des Affaires étrangères ayant pris cause pour l’opposition syrienne, il aurait été de mauvais de goût pour contredire ses communiqués. »

En reprenant cause pour l’opposition syrienne et libyenne et en détruisant ces Etats, la France et la Grande-Bretagne ont ouvert la porte à Isis et doivent partager la responsabilité de la montée d’Isis et du terrorisme en Europe. En refusant d’admettre ou d’apprendre des erreurs du passé, les Européens n’y sont pour peu dans la réussite de l’actuelle « cessez-le-feu », en Syrie, qui est presque entièrement dû aux Etats-Unis et à la Russie.

La Grande-Bretagne et la France ont suivi de près les politiques de l’Arabie saoudite et des monarchies du Golfe à l’égard de la Syrie. Lorsque j’interrogeais un ancien négociateur pourquoi il en était ainsi, il m’a sèchement répondu : « l’argent. Ils veulent des contrats saoudiens. » Après la capture de Salah Abdeslam on parle de manquements à la sécurité qui lui a permis d’éviter de se faire arrêter. Mais cela est largement hors de propos vu que les attaques terroristes se poursuivront aussi longtemps qu’Isis restera une puissance. Encore une fois, la couverture médiatique à chaud permet aux gouvernements occidentaux d’échapper à la responsabilité de leurs échecs et matière de sécurité, qui relève de leurs politiques désastreuses.

Patrick Cockburn

»» http://www.independent.co.uk/news/world/politics/how-politicians-duck-...
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