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Ce qui dure/contre la pensée stroboscopique

A y regarder de près, ou plutôt de haut, il semble que tout soit mis en œuvre (par le système médiatique dominant de formatage) pour déboussoler les gens, les empêcher de réfléchir. Dans le long terme. Et pourtant ! Comment réfléchir si la pensée, la réflexion ne s’inscrivent pas dans le long terme ? La pensée a besoin, se nourrit de temps pour se développer. Sinon elle ne peut exister.

Prenons une première image pour illustrer. C’est Pierre Bourdieu qui parlait du travail de plusieurs années de Michel-Ange pour peindre le plafond de la chapelle Sixtine à Rome et pourfendait les partisans de la rentabilité immédiate (du retour sur investissement le plus élevé et le plus rapide possible) pour dire que, avec cette logique là, l’humanité du XX° siècle n’aurait jamais connu ce chef-d’œuvre de la peinture italienne du début du XVI° siècle.

Plusieurs années…, c’est bien de temps, et quelquefois de temps long, que la pensée, qui se nourrit aussi de réflexion, d’échanges, de vérification par l’expérimentation… a besoin pour se construire.

On voit trop quel but est visé par ceux qui veulent empêcher la pensée de se former en changeant tous les soirs, tous les jours, tout le temps, l’ordre du jour et le décor des informations télévisées du 20 heurs (soit le cadre de référence d’une grande majorité des Français).

Le cadre bouge tout le temps. Donc, on n’a pas le temps de faire la photo. Donc on ne fait pas de photo. Pratique, un temps, un présent, un futur proche impensé pour ceux qui veulent le confisquer pour nous en déposséder.

Pointer encore dans cette ligne droite dont l’image tend à disparaître son palimpseste : la constance.

Indissociable et inscrite elle aussi dans le temps : la constance.

Le but, le projet et le temps pendant lequel il est formulé et qui nous sépare, qui est nécessaire à sa réalisation.

Là encore retirer le temps, moquer la constance !

Je repense à ce jeune journaliste de radio qui se croyait iconoclaste et donc « in » en moquant, il y a une dizaine d’années de cela, le réalisateur Ken Loach : « alors Monsieur Ken Loach, comment se fait-il qu’à 70 ans vous soyez toujours marxiste ? »

On comprend mieux le dessein des « bougistes ». « Tout bouge tout le temps ». Sous ce mouvement qui en réalité n’en est pas un (effet stroboscopique), rien ne change*.
Contre les adeptes du « tout, tout de suite », réapproprions-nous le temps de la réflexion, de la maturation de nos projets, revendiquons le temps nécessaire à leur réalisation ; installons la fidélité à nos idées dans le long terme !

* « Pour que tout reste comme avant, il faut que tout change... », Le Guépard, de Giuseppe Tomasi di Lampédusa, 1958.

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Amnesty International, 1996

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