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Banque Mondiale : manipulations pour privatisations

Les extraits suivants sont tirés d’une "boite à outils" préparée par
le Département de Communication pour le développement de la
vice-Présidence des affaires extérieures de la Banque Mondiale et
destinée aux décideurs politiques et économiques voulant préparer la
privatisation de leurs services publics en contournant les
résistances.

Il s’agit d’un véritable outil de propagande supposé
persuader la majorité que les privatisations se font dans leur
intérêt. (diffusion 6/03/2002)


 Banque mondiale : après les retraites les autres secteurs.

Par Gérard Surdez

"La privatisation et la réforme du secteur public constituent une
large part des programmes d’assistance technique et des prêts de la
BM.

Ces réformes sont au coeur des normes sociales autour desquelles la société est organisée. Elles affectent les relations entre
institutions gouvernementales et citoyens, exigeant de la part de tous
un changement radical d’opinions et de perception sur la nature des
biens publics et sur l’équilibre entre responsabilité gouvernementale
et opportunités pour le secteur privé.

Elles exigent une évolution
concernant les droits et obligations de l’ensemble des acteurs et
appellent à une mobilisation nationale pour que tous ensemble ils
fassent avancer les réformes.

"Au cours de ces 5 dernières années, la demande d’une plus grande
participation émanant de la société civile a modifié sérieusement la
méthode d’action de la Banque".

"Les projets financés par la BM se trouvent sous le contrôle renforcé
du public. Les résultats, traduits en production, ne sont plus
suffisants. Les gens veulent en connaître l’impact sur la réduction de
pauvreté.

"De nouvelles mesures des performances doivent de plus en plus
s’appliquer pour évaluer le degré de satisfaction du service rendu et
de consensus socio-politique sur les réformes".

"Les programmes de communication publique ne doivent pas seulement
servir à constituer des soutiens aux privatisations mais aussi à 
promouvoir des changements dans les comportements sociaux et
politiques sur le long terme"

"Ces programmes sont basés sur des stratégies mettant en jeu un
processus incluant une analyse socio-politique des groupes visés, des
messages clés pré-testés et l’emploi des canaux de communication les
plus appropriés.

Il implique l’analyse des segments affectés par la
privatisation du secteur et des mesures à mettre en place pour obtenir
leur soutien. Il doit utiliser tous les canaux de communication
formels et informels du pays pour informer et consolider le consensus,
porter la vision du projet et donner confiance dans le processus de
réforme".

"Un grand nombre de programmes de privatisations font face à 
l’hostilité des partis de l’opposition, des syndicats et du public
dans son ensemble quand les gouvernements ne prennent pas les mesures
nécessaires pour assurer le soutien social et politique indispensable
à leur succès".

 En matière d’échecs constatés :

"La privatisation des entrepôts portuaires au Bengladesh ; les
manutentionnaires que le gouvernement a négligé d’impliquer dans le
processus, avaient manifestement peur de perdre leur emploi et ont été
particulièrement influencé par l’opposition de leurs leaders syndicaux
à la privatisation.

Quand un investisseur potentiel s’est présenté
pour visiter l’entreprise, un garde portuaire a menacé de le tuer et
l’investisseur s’est enfui dans son pays en laissant ce projet sans
suite pendant des années".

"En Turquie, la mise en place de filets sociaux de sécurité, incluant
les programmes d’ajustement de la main d’ouvre, a été mal programmée
dans le temps et a conduit à une résistance acharnée des syndicats".

"Au Mozambique, un sondage réalisé pendant l’application du programme
de privatisation a démontré que le public le percevait généralement
comme la vente des entreprises publiques aux étranger".

"En 1994, au Sénégal, une privatisation entreprise à un moment où il
n’y avait aucun consensus à son sujet, dut s’arrêter. La résistance au
processus fut considérable de la part des politiques, des employés des
services publics et de la société dans son ensemble".

"En janvier 1995, 41 parlementaires de l’opposition au Kenya rendirent
public un communiqué de presse appelant à la démission immédiate du
directeur de l’agence pour la privatisation et demandant une enquête
sur les activités de l’agence et l’abandon de la transaction".

D’une façon générale, il est surtout reproché le manque d’efforts pour
amener le maximum d’acteurs à faire consensus, et en particulier de
n’avoir pas suffisamment insisté sur le fait que les privatisations
seraient une des causes de la réduction de la pauvreté !!

"Il peut ne pas toujours être possible d’arriver à un large consensus
mais informer et éduquer le public et d’autres parties prenantes
importantes sur les privatisations et ses effets sera presque toujours
la condition préalable à son succès".

"Au Guatemala, un institut de conseil britannique identifia un
syndicat important, opposant implacable à la privatisation, comme
l’une des parties prenantes. L’objectif de le faire basculer du côté
du gouvernement ne semblant pas réalisable, l’institut conseilla au
gouvernement de faire au moins le geste de rechercher le soutien du
syndicat afin qu’on ne l’accuse pas d’avoir négligé une partie
importante au processus. Pour finir, une lettre fut adressée à chaque
foyer, à l’intention non pas des employés mais de leur femme
soulignant les bénéfices escomptés de la privatisation. Et le
personnel soutint la privatisation.

 La méthode :

"Une enquête d’opinion, répétée sur plusieurs mois et années, traque
les évolutions dans le soutien, et les oppositions, afin de modifier
constamment les dessins de la privatisation et d’en changer s’il y a
lieu".

"Son analyse doit permettre aux décideurs de déterminer quand, à 
quelle vitesse et comment privatiser les différentes entreprises
publiques".

"Par exemple, l’augmentation des tarifs est l’un des principaux sujets
de préoccupation là où les services publics ont été fournis pendant
des années à des prix au-dessous de ceux du marché.

La recherche en
communication doit indiquer par avance à quel niveau les relever
pendant la période de transition.

Au Nigeria, le résultat de l’enquête
d’opinion alerta l’équipe dirigeante sur la réaction du public en cas
d’augmentation trop brutale du service des eaux, tout spécialement si
cette augmentation était utilisée prioritairement à l’amélioration des
gains de productivité, essentiellement supportée par la population de
Lagos disposant des plus faibles revenus".

 Parmi les objectifs politiques définis par la BM (Tab.2) :

 "Réduction de la taille et du champ d’action du secteur public.

 "Redéfinition de son champ d’activité afin de se concentrer sur les
fonctions gouvernementales essentielles dont la création d’un
environnement favorable à la croissance économique du secteur privé.

 "Réduction ou élimination de la possibilité pour un futur gouvernement
de revenir sur les mesures adoptées".

"Le débat soulevé par les programmes de privatisation en
Grande-Bretagne illustre la tension entre des objectifs
contradictoires.

Un grand nombre d’entreprises ont été vendus sous
leur forme monopolistique (British Telecom) ou bénéficiant d’une
positon dominante sur leur marché (British Airways). La raison
couramment donnée pour une approche de ce type est le souhait de
procéder rapidement afin de s’assurer de la coopération des directions
des entreprises publiques qui, sinon, auraient pu tenter de faire
obstruction aux privatisations et de séduire un large éventail de
petits porteurs".

"La privatisation est par dessus tout un processus politique qui peut
provoquer une rupture radicale dans la situation des diverses parties
prenantes "

La BM cite la démocratisation comme une des causes de l’incertitude
politique entraînant des retards et des incertitudes dans les projets
d’investissements (Tab.1 "les 5 freins à la privatisation en Afrique)

La BM paraît consciente des éléments suscitant l’opposition aux
privatisations : Indépendance nationale, contrôle national sur
certaines activités, sauvegarde de "l’intérêt public" crainte d’une
concentration de la richesse entre quelques mains, manque de confiance
dans le privé, démantèlement industriel, tensions sociales face à la
perte d’emploi, augmentation des tarifs. (p.19)

"Une partie de l’effort de communication consiste à médiatiser les
personnes qui se font les champions de la réforme".

La BM semble également beaucoup compter sur la crédibilité dont les
dirigeants politiques jouiraient dans la population pour la convaincre
de se soumettre aux privatisations (tab.4). Bizarrement elle prend
comme exemple l’implication de l’ex Président argentin Carlos Menem et
de son gouvernement dans la privatisation "réussie" d’Entel (Telecoms)
(p.20) ce qui risque de ne pas susciter beaucoup de vocations chez des
dirigeants qui seraient tentés de les suivre dans cette voie.

D’autant qu’il est en totale contradiction avec deux des objectifs
politiques affichés auxquels doivent conduire la privatisation des
entreprises publiques (Tab.2) à savoir :

"Réduction des possibilités de corruption et détournement des fonds
publics par le gouvernement

"Réduction de la main mise d’un parti politique ou d’un lobby sur
l’économie".

Contact pour cet article omc.marseille@attac.org

Courriel d’information ATTAC N° 423 13 mai 2003 http://attac.org

 Voir aussi : OCDE : et en plus ils l’ écrivent !

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