17 

Les enseignants français doivent-ils demeurer fonctionnaires ?

La réponse est évidemment : non !

Allons, soyez sérieux. Dans de nombreux pays semblables au nôtre, ils ne le sont pas ou plus. Précisons : outre-Manche, les professeurs ne sont pas fonctionnaires mais agents publics. Á aucun moment de leur carrière ils ne jouissent de la garantie de l’emploi. La situation peut varier d’un comté à un autre, d’une autorité locale (équivalent des académies) à une autre. L’enseignant signe un contrat avec l’autorité locale qui lui verse un salaire sur la base de grilles nationales (tout de même !).

En Allemagne, deux statuts coexistent, celui de fonctionnaire et celui d’employé du secteur public. Dans certains Länder (pas tous, ne rêvons pas !), les enseignants sont recrutés sous contrats gouvernementaux permanents. Leur statut est alors proche de celui des fonctionnaires. Mais, outre-Rhin, il faut montrer patte blanche, avec patience. Un premier contrat doit donner satisfaction aux autorités des Länder qui élaborent des statuts de stagiaire à géométrie variable. Si l’enseignant est réellement apprécié, il devient fonctionnaire pour une période probatoire d’environ trois ans (en France, les stages menant à la titularisation durent un an) puis, s’il donne à nouveau satisfaction après sa période probatoire, il est alors fonctionnaire à vie, l’équivalent d’un titulaire en France.

Aux Pays-Bas, les enseignants sont employés non par l’établissement, mais par l’entité qui gère cet établissement, ce qui facilite les mutations entre les établissements gérés par la même entité.

Les Polonais raffinent, eux qui ont élaboré quatre types de statut : stagiaire, contractuel, titulaire et agréé. La première étape dure neuf mois, les deux suivantes deux ans et neuf mois chacune. Aujourd’hui, seul un enseignant sur deux est agréé.

En Finlande, pays dont on nous vante régulièrement le système éducatif, les enseignants sont recrutés par le chef d’établissement (le rêve de notre droite classique et des macroniens) par délégation de la municipalité et ils sont payés par l’établissement. Après avoir obtenu son master en éducation, l’aspirant enseignant candidate dans les communautés ou les établissements scolaires qui publient les postes vacants dans la presse. Le chef d’établissement choisit le candidat après un entretien, choix entériné par la municipalité. L’entretien d’embauche se passe devant une commission présidée par le chef d’établissement et composée d’enseignants, de parents d’élève et parfois d’un représentant de l’autorité locale. Si le professeur recruté donne satisfaction, son contrat est pérennisé et il obtient un statut de fonctionnaire territorial dépendant de la municipalité de rattachement de l’école.

En Belgique francophone (pour comprendre le système flamand, il faut connaître la langue), la situation est complexe. Les établissements sont organisés et gérés par différentes instances, appelées « pouvoirs organisateurs ». Il s’agit soit du Gouvernement de la Communauté, soit d’entités juridiques publiques ou privées. Le pouvoir organisateur peut déterminer ses programmes d’enseignement, sous réserve d’approbation ministérielle, ainsi que ses méthodes pédagogiques et son organisation.

En Californie, il s’en est passé une bien bonne en 2014. Neuf élèves ont mené une action en justice visant à supprimer le statut de titulaire qui empêchait le licenciement de professeurs jugés incompétents. Le tribunal a estimé que le système violait les droits civiques de élèves en défavorisant ceux de milieux modestes qui ne pouvaient pas compenser par des cours particuliers la gabegie de leurs établissements. Á noter qu’aucun des neuf élèves n’a tiré dans le tas.

Bref, les enseignants sont rarement fonctionnaires. Alors, je pose la question : est-ce que le monde s’est arrêté de tourner pour autant ? Il faudrait être un enseignant russe gagnant environ 100 euros par mois (pas grave : 90% sont des femmes) pour répondre par l’affirmative.

Attendez-vous à savoir, comme disait Geneviève Tabouis, que la défonctionnarisation des enseignants français est plus qu’en marche. Elle court.

Malins, le banquier et son gang ne vont pas attaquer de front les enseignants du primaire et du secondaire, trop nombreux et, encore, trop syndiqués. Ils vont s’en prendre aux enseignants du supérieur, moins nombreux et beaucoup moins syndiqués.

Sous Sarkozy, la loi Pécresse a, parmi d’autres méfaits, instauré la concurrence entre les universités et a dépouillé les vrais universitaires (les enseignants et les étudiants) de pratiquement tout pouvoir. La contre-réforme avait commencé en 1984 avec les Solfériniens et la loi Savary sur l’enseignement supérieur. Une loi qui, d’abord, institutionnalisait l’annualisation des services, les universitaires servant de cobayes pour les autres travailleurs. Prudent, le pouvoir socialiste de l’époque avait d’ailleurs fait tester cette “ réforme ” par l’université de Côte d’Ivoire. La loi alourdissait considérablement le travail des enseignants en augmentant le nombre d’heures de cours et en leur infligeant des tâches administratives normalement dévolues à des personnels qualifiés pour cela. Aujourd’hui, modulation oblige, un enseignant de Lyon 2 dispense environ deux fois plus de cours qu’un enseignant de Paris 4 ou qu’un collègue qui travaille de l’autre côté de la rue, à l’Ecole normale supérieure. Le législateur supprima l’historique thèse d’État pour la remplacer par un parcours du combattant encore plus ardu : une thèse “ nouveau régime ” suivie d’une habilitation à diriger les recherches pour être promu professeur. Le tout constituait une attaque frontale extrêmement dure contre les personnels. Comme la France était dirigée par un gouvernement « de gauche », il fut expliqué qu’il ne fallait rien faire pour mettre en péril l’expérience « socialiste ». La CFDT accompagna ces “ réformes ” avec zèle. Le Snesup protesta, mais dans le contexte d’une désyndicalisation qui avait déjà commencé, sa voix ne se fit pas entendre comme il aurait fallu. Ces mesures encouragèrent le repli sur soi, l’individualisme (profils et services différenciés, obligation de réussite sans les moyens afférents). Mis à part 5% de cossards (pourcentage que l’on retrouve partout, tant dans le public que dans le privé) les universitaires français travaillent comme des malades (c’est pareil dans le monde entier). Les prises de conscience sont rarement le fait de gens exténués, de travailleurs prolétarisés à l’insu de leur plein gré. Dans ce contexte, on ne s’étonnera pas que les Solfériniens et l’UNEF ne furent jamais d’un grand recours. Lors de la campagne de 2007, Ségolène Royal avait dans ses cartons des projets similaires à ceux de Sarkozy/Pécresse.

Le gouvernement actuel prépare un bouleversement historique pour l’université de demain. Pour les étudiants, la sélection sera impitoyable et dictée par les exigences des patronats locaux qui fixeront les grandes lignes des politiques universitaires pour le long terme. Les enseignants perdront leur statut et le pouvoir au jour le jour sera entre les mains de DRH et assimilés non universitaires.

Alors, me direz-vous, les universitaires qui sont des gens intelligents et rationnels qui, menant pendant des années des recherches très pointues, sont capables d’écrire des thèses de 1 000 pages sur le double d’écriture chez Orwell, sur les participes présents détachés en rupture ou sur le dandysme littéraire à l’époque de Balzac, ont interrompu leurs cours, ont organisé dans tous les établissements des AG avec les étudiants pour les conscientiser sur les enjeux de la contre-réforme du baccalauréat, ont menacé de se jeter dans la Garonne, le Rhône et la Seine réunies.

J’déconne. Au moment où j’écris ces lignes, une poignée d’établissements universitaires sur une petite centaine sont en lutte. Et encore, les personnels qui se remuent sont ultra minoritaires. Les droites (l’officielle de Wauquier et l’officieuse du banquier) ont un boulevard à 16 voies devant elles.

Les enseignants français doivent-ils demeurer fonctionnaires ?

La vérité viendra d’outre-Manche, là où les enseignants-chercheurs sont salariés des établissements, sans le statut de fonctionnaire. Tous les postes permanents (contrats de type CDI) sont nécessairement rattachés à une université et liés à une activité d’enseignement. Les seuls chercheurs à temps plein le sont sur un contrat temporaire (de type CDD). Parmi les 27 000 chercheurs, beaucoup sont des post-doctorants. Au cours des dernières années, le nombre de post-doctorants a augmenté de façon très importante. La situation est meilleure pour les enseignants-chercheurs, avec seulement 23 000 CDD, mais varie selon les domaines de recherche : alors qu’en moyenne 28 % des personnes sont employées sur des CDD toutes matières confondues, si l’on considère uniquement les sciences et l’ingénierie ce chiffre monte à 42 %, et même à plus de 50 % dans les sciences de la vie. Ajoutons qu’il n’y a pas de retraite nationale au Royaume-Uni. Chaque université a son propre système qui varie en fonction des lois du marché, des fonds de pensions et du rapport de force entre l’équipe de direction et les salariés. Actuellement, une lutte très dure est menée par des universitaires britanniques qui ont enfin intériorisé que leurs pensions, comme leurs salaires, sont des variables d’ajustement. Le syndicat des universitaires britanniques (UCU) a entamé le 22 février un mouvement de grève pour s’opposer à la réforme proposée par l’équivalent britannique de la Conférence des présidents d’université qui voudraient que les pensions soient d’abord fonction de l’évolution des marchés. Le syndicat estime qu’un retraité pourrait perdre 10 000 euros par an (une baisse d’environ 40%). L’action devrait durer jusqu’au 16 mars 2018 (outre-Manche, on ne fait pas souvent grève mais quand on s’y met sérieusement, ce n’est pas pour rien).

Il y a trente ans, le salaire d’un enseignant du secondaire équivalait à deux fois le smic. On en est à 1, 25 aujourd’hui. Les enseignants français sont plus mal payés que les Portugais. Avant, ils pouvaient au moins exciper d’un statut très protecteur lorsqu’on évoquait leur paye modeste. Demain, littéralement demain, ils n’auront plus ni la paye ni le statut. Quant aux universitaires français, leurs émoluments sont nettement inférieurs à ceux de leurs collègues britanniques. Comme le maître de conférences allemand, le maître de conférences britannique débute à 3 000 euros par mois contre 2 000 euros pour le Français (qui a, par ailleurs perdu 25% de son pouvoir d’achat depuis 35 ans). Les Français doivent 192 heures d’enseignement par an contre 50 à 80 outre-Manche. Les Britanniques disposent donc de bien plus de temps pour mener leur recherche scientifique dans de bonnes conditions.

COMMENTAIRES  

25/02/2018 16:08 par Max Stirner

" Ce n’est pas le savoir qu’il s’agit d’inculquer, c’est la personne qui doit arriver à son propre épanouissement. Le point de départ de la pédagogie ne doit pas être de civiliser, mais de former des personnes libres, des caractères souverains. "
Autre question :
Les enseignants français doivent-ils demeurer les serviteurs zélés de l’Etat ?

25/02/2018 16:12 par irae

La vérité viendra d’outre-Manche, là où les enseignants-chercheurs sont salariés des établissements, sans le statut de

Royaume uni pays comme chacun sait particulièrement égalitaire où l’ascenseur social fonctionne à pleins tubes et loge ses gueux dans des tours 100 % inflammables.
Contre modèle de société édifiant, vade retro.

25/02/2018 17:43 par Assimbonanga

Le titre en forme de question sonne le glas. Il engraine un début de capitulation. L’article est super intéressant par contre.

26/02/2018 00:04 par chb

Bernard, dans votre édifiant panorama vous omîtes de nous narrer le sort des hellènes, sous la férule de Tsipras - ce faux nez quasi thatchérien. Il me semble que la fonction publique grecque, à l’unisson avec tout le pays, en a pris plein la tête, ce qui en fait un champ des expérimentations européennes intéressant sinon exemplaire.
Moins intellos peut-être, d’autres ne mouftent guère qui en bavent pourtant plus que de raison (cobayes aussi de la redistribution à l’envers) tels les soignants, les smicards précarisés sur ordonnances, les réfugiés déshumanisés, les auto-entrepreneurs floués, les kleenex überisés, même des solfériniens non recyclés...
Krasu, reviens !
@ Asssimbonanga : la « capitulation » c’était paraît-il la mise en chapitres d’une convention, au cours d’une négociation : si l’on pouvait revenir à ce sens-là, les « partenaires sociaux » négocieraient plutôt que de nous faire subir de funestes ordonnances et d’infâmes dépouillements ! Car voilà qu’en rase campagne Jupiter nous tond gratis.

26/02/2018 11:56 par Fald

Giscard avait déjà commencé à dégrader la situation des profs (je parle ici du secondaire que j’ai connu), par exemple avec le CAPES qui ne donnait plus un poste mais débouchait sur deux ou trois ans de "mise à disposition d’un recteur".
Mais avec les reagonno-mitterrandiens, tout s’est accéléré.
Ils ont pris un métier pour lequel les candidats aux concours se pressaient, selon les matières, à 10, 50, ou même plus, pour un poste. Ils en ont fait un métier pour lequel il faut faire de la pub. Et cela, dès la fin des années 80. Ils n’ont pas traîné !
Encore un effort, et le dernier intérêt important sautera : ne pouvoir être viré que si on commet une connerie majeure.
Heureusement qu’il y a du chômage un peu partout, sinon, plus personne ne voudra devenir prof, parmi ceux qui en sont capables.
Cerise sur le gâteau, dans certaines matières, les 35 heures par semaine, ce sont les heures de repos, pendant lesquelles il faut entendre une Sarkosène ou ses émules raconter qu’on bosse 20 heures par semaine.
Mais après tout, détruire le métier, c’est sans doute le but.
Je dis depuis longtemps que la bourgeoisie ne commet pas l’erreur commise par le clergé au 18eme siècle : il avait appris à lire à 50% des paysans alors que 90% étaient appelé à mourir de faim. En 1789, les paysans étaient capables de vérifier ce que le curé écrivait dans les cahiers de doléances, et on a vu le résultat. (Avis aux érudits : je sais, je résume !)
Aujourd’hui, et surtout demain, le problème ne se posera plus. Notre société, où la moitié de la population ne sert plus à rien pour enrichir les actionnaires, aura sa moitié d’illettrés. Et tout se passera comme en 2005 : "C’est une révolution ?" - "Non, Sire, dormez tranquille, c’est juste une révolte !"

26/02/2018 20:48 par Daniel BESSON

Le statut de fonctionnaire de l’enseignant Français provient de son rôle historique , plus que controversé , décidé par la IIIéme république : Etre le bras armé de la " colonisation intérieure " des provinces Françaises et de ses habitants . ( les " hussards noirs " )
C’était d’abord une " colonisation linguistique " car en 1875 plus de 50% de la population ne s’exprime pas en Français de Paris , ce pourcentage atteignant 75% voir 100% dans certaines régions où le maire est souvent la seule personne d’une commune capable de déchiffrer un document écrit en Français .
Ce fut ensuite une colonisation idéologique car il s’agissait de " républicaniser " et " décatholiciser " ces salopards de culs-terreux et de provinciaux qui allaient en masse à la messe ! Salopards de culs terreux qui ont eu aussi le mauvais gout de ne pas retirer toute la substantifique moelle du modèle républicain et qui ont voté en masse pour Louis-Napoléon Bonaparte , ce factieux en devenir . .
La France alla même sous Albert Lebrun à adopter l’expression née dans l’ Italie fasciste d’ " éducation nationale " ( 12 septembre 1929 en place de "Ministero della pubblica istruzione" ) . Auparavant c’était le "Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-arts ". Il ne s’agissait plus d’instruire mais bien de " bourrer le crâne " , formater des esprits serviles . Dans les années 30 au laïcisme anticlérical et au républicanisme . Aujourd’hui au valeurdlarépubliquisme , au dévouârdemémouârisme , au genrisme , à l’immigrationnisme et au migrantisme .
Ce statut n’a RIEN de protecteur pour le personnel et les élèves dans son existence . Il s’agit AVANT TOUT d’une volonté de contrôle par l’état laïcard et Jacobin des esprits , ceux des formateurs et ceux des formés par transmission .
Ce statut de fonctionnaire peut très bien rester mais ce qui doit être fait c’est de supprimer cette " éducation nationale " et revenir , comme en Italie , à une instruction publique ! Cette dernière désignation est d’ailleurs bien plus garante du statut de fonctionnaire .

27/02/2018 11:37 par Geb.

@ Max Stirner...

Les enseignants français doivent-ils demeurer les serviteurs zélés de l’Etat ?

Bien sûr. Le "problème" des "enseignants" réellement républicains n’est pas leur déontologie, mais l’Etat félon.

Dans un état républicain au service réel de ses citoyens il est logique que les Citoyens soient formés par l’Etat, pour servir l’Etat, état qui représentec la communauté sociale, économique et politique.

Si cet "état" est un "état félon" qui trahit ceux qu’il est chargé de protéger et former, ou qui se met indûment au service d’une minorité, la seule alternative c’est de ne pas participer à l’endoctrinement des élèves et de les former alternativement par d’autres moyens dans des structures d’enseignement privées. Personne de sensé ne trouverait "normal" d’être prof dans une école publique gérée par les Nazis pour former des Jeunesses Hitlériennes. Ou "normal" comme aux USA d’être contraint, (Sous peine de procès ou/et de licenciement), d’enseigner que l’Evolutionnisme n’est pas la réalité objective et prouvée mais que le "Déterminisme chrétien" est une alternative à prendre en compte.

Il en est de même pour la Police, l’Armée et les Administrations qui permettent le fonctionnement de l’Etat "per se". Faire partie de leurs corps constitués implique qu’on le veuille ou non pour le fonctionnaire une certaine dose de "loyauté" au donneur d’ordre. I-E à l’Etat.

Contrainte de "loyauté" qui va pour l’Armée jusqueà des interdictions et des limitations de droits civils permis aux citoyens lambdas..

Ce qu’il y a de particulier en France c’est qu’à travers la fonctionnarisation, qui induit aussi un "consensus clausus", théoriquement on ne peut forcer l’enseignant à sortir de manière "partiale" du programme officiel mais qu’il est tenu d’appliquer intégralement ce dernier.

Donc si un enseignant désire enseigner un programme conforme à son éthique, s’opposant à l’éthique officielle, il a soit le choix de "changer" l’Etat, soit de sortir de l’Enseignement public, soit le choix de changer de profession.

Je ne vois pas d’autre solution.

27/02/2018 14:03 par Max Stirner

" Le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins. "
Henry David Thoreau

27/02/2018 19:14 par fred

S’attaquer au statuts des fonctionnaires est dans l’air du temps. C’est reposant. Ça fait du bien de lire encore un article sur ce sujet, ne trouvez-vous pas ? Et puis l’enseignement privé n’existe pas dans un pays laïc et totalitaire comme la France, c’est bien connu.
Je note que la réponse à la question est au début de l’article. C’est pour marquer les esprits fainéants/feignants, autant être efficace.

Maintenant, si on ’analyse’ le reste de l’article, on découvre qu’il ne tient qu’en une série d’exemples de ce qui se fait dans d’autres pays (on est habitué, ça permet d’éviter les argumentaires). Cependant aucun de ces exemples ne se recoupe ! Aucune des organisations sélectionnées n’est identique à une autre. Pas deux exemples pareils ! Mince alors, comment se faire une idée ?
On pourrait ainsi inverser à volonté le premier paragraphe par le second, le troisième, le quatrième etc. et changer le titre bien sûr. Nous aurions ainsi "Deux status pour les enseignants se justifie-t-il ?", ou encore "Un enseignant employé par une ’entité’ , cela à t-il un sens ?" et pourquoi pas "Mettre l’avenir de nos enfants entre les mains d’un chef d’établissement est-ce sérieux ?".

Au fond, le seul objectif de l’article est évidemment de s’attaquer à la notion de "garantie de l’emploi".
Jaloux ? Frustré ? Un échec cuisant peut-être ?
Allez, un autre article doit bien être en gestation. Et pour le titre on va faire court : " La garantie de l’emploi c’est ’non’ ".

28/02/2018 07:06 par Bernard Gensane

Je pensais que Fred serait plus sensible à mon ironie, mais j’ai, soit surestimé son sens de l’humour, soit sous-estimé ma force de frappe.

Je ne surestime pas en revanche la pauvreté d’un argument qui consiste à s’en prendre à la personne d’un auteur qu’il ne connaît pas : "Jaloux ? Frustré ? Un échec cuisant peut-être ?"

Que nenni !

Il se trouve que je suis un tout petit peu de la boutique : 70 membres de l’Éducation nationale dans mes famille et belle-famille en trois générations. Et comme, après la guerre, la ville où je suis né avait été sérieusement détruite, je suis né dans une école où mes parents, instituteurs, occupaient une salle de classe (Hénin-Liétard, École Michelet, pour les spécialistes). Á part cela, j’ai terminé ma carrière comme professeur des universités et j’ai fait partie (je l’ai raconté à plusieurs reprises) de la dernière génération d’universitaires bénéficiaires d’une retraite statutaire correcte – après quarante ans de service – et, surtout, de la liberté d’enseignement et de recherche. J’ajoute également que le " jaloux frustré", deux fois docteurs, habilité à diriger des thèses, fut membre des jurys du CAPES et de l’agrégation.

C’est justement parce qu’il n’a jamais été frustré mais, au contraire, comblé, qu’il reste au septuagénaire que je suis désormais suffisamment de forces pour informer et tancer les ventres mous (pas les lecteurs du Grand Soir ou de mon blog) qui se condamnent et condamnent leurs enfants et petits-enfants à toujours plus de servitude.

Geb a bien posé le problème et j’ai d’ailleurs hésité à écrire un article selon la problématique qui est la sienne dans son commentaire : " Le "problème" des "enseignants" réellement républicains n’est pas leur déontologie, mais l’Etat félon. Dans un état républicain au service réel de ses citoyens il est logique que les Citoyens soient formés par l’Etat, pour servir l’Etat, état qui représente la communauté sociale, économique et politique."

Lorsque j’étais enfant ou ado, poser la question du titre de l’article était impensable et même impensé. Même chose pour les retraites : je rencontre quotidiennement des hommes et des femmes dans la trentaine qui me disent : "Pas d’illusion, ma retraite sera congrue, si même j’en touche une". C’est dire à quel point de désespérance nous en sommes. Je rencontre ces jours-ci des universitaires qui critiquent le statut de "privilégiés" des agents de la SNCF. Ils sont dans la mauvaise foi sartrienne et quand je leur dis que Macron, fils et petit-fils de fonctionnaires, fonctionnaires lui même ayant démissionné de la FP et haïssant les fonctionnaires, s’occupera ensuite d’eux, ils font semblant de ne pas en croire un mot.

J’ai été très sensible à l’argument de Daniel Besson, auquel je souscris pour partie. Je résume sa pensée en en remettant une petite couche (être né dans une tribu d’enseignants n’empêche pas une certaine lucidité) : les normaliens, supérieurs ou pas, ont-ils jamais consacré deux minutes à se demander ce que signifiait "normale" dans École normale ? Y a-t-il plus totalitaire que cet adjectif ? Sûrement, mais il nous mène déjà assez loin. Il y a cinquante ans, les Anglais de ma génération, ou de celles d’avant, étaient sidérés quand ils découvraient que tous les enfants de toutes les écoles de France portaient la même blouse (même chose pour les instits’), avaient les mêmes horaires et, horreur, faisaient tous la même leçon d’histoire lors de la 17ème semaine de cours et apprenaient la même fable de La Fontaine.

C’est comme pour l’héritage, à l’anglo-saxonne ou à la française : tout est affaire de contexte. Si un Anglais peut faire hériter sa maîtresse, sa femme de ménage, la reine ou son poisson rouge, c’est parce que le capitalisme d’outre-Manche a toujours privilégié la circulation des biens et de l’argent. Contrairement au nôtre qui a favorisé l’enracinement, la stabilité, l’épargne.

Dans l’enseignement, nous avons privilégié un socle culturel commun et des valeurs collectives. D’où des corps de hussards normés.

28/02/2018 08:31 par legrandsoir

"Jaloux ? Frustré ? Un échec cuisant peut-être ?"

Trois propositions lancées en aveugle (en forme de boomerang ?) et fausses pour qui connaît Bernard Gensane.
Universitaire, spécialiste de George Orwell sur lequel il a écrit un livre, ("George Orwell, vie et écriture", Presses Universitaires de Nancy). Il est également l’auteur d’un livre sur la censure au Royaume-Uni ("Censure et libertés au Royaume-Uni", Editions Ellipses) et de nombreuses publications scientifiques sur la littérature anglaise. Quand Fabrice Drouelle (France Inter, Affaires sensibles) consacre une émission à Orwell, c’est Bernard Gensane qu’il invite pour en parler (https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-19-fevrier-2016).
C’est aussi un spécialiste des Beatles.
Je suis sûr qu’il n’aimera pas lire ici pareil et partiel panégyrique, mais de temps à autre, il faut repréciser que LGS veut servir quelques valeurs, pas des ressentiments personnels. Quant à l’humour sur LGS, Théophraste, dépité, m’a confié que quelques lecteurs le préfèrent avec un surtitre : "Second degré".
MV.
Hep, Bernard, n’oublie pas de dire du bien de moi, mais pas là, pas tout de suite, ça le ferait pas (rire, clin d’oeil...).

28/02/2018 09:14 par vagabond

Avec internet et l’accès libre (s’il le reste), les peuples ne devraient plus être illettrés quelques soient les intentions des gouvernements.

28/02/2018 09:28 par calame julia

Dans la famille nous sommes quelques unes de la "boutique".
En ce qui me concerne, cela fait des années, (décennies ?!) que je prêche
pour revenir à l’appellation Instruction Publique. Oh ! que le désert est grand...
Cela permettrait de bien séparer les revendications religieuses, et mieux
de ne point s’en mêler...
L’Histoire des religions fait partie de l’Histoire de/ ou tel pays et n’a rien
à voir avec une vie spirituelle ou une aspiration à croire à une immatérialité
supérieure. Il faudrait arrêter
de nous balancer des vessies au lieu de nous éclairer avec de puissantes lanternes.

28/02/2018 12:29 par Autrement

C’est évidemment tout le statut des fonctionnaires, conquête du CNR, qui est visé ! Parmi les fonctionnaires, certaines catégories ne veulent pas y croire ("ça n’arrive qu’aux autres"), et parmi les non-fonctionnaires, beaucoup triomphent en ricanant, parce qu’on leur a fait avaler (et c’est dans l’air du temps) que tous les fonctionnaires sont des privilégiés. Là est le hic ; vous avez sûrement remarqué le nouvel élément de langage qui s’entend de plus en plus fréquemment dans les JT : c’est "l’emploi à vie" ; et prononcé avec le ton, cela signifie : cette anomalie qu’est l’emploi à vie, le scandale de l’emploi à vie, les dinosaures de l’emploi à vie, les profiteurs de l’emploi à vie. Car la norme à établir et à faire entrer dans les tête, ce sont désormais les contrats précaires, les licenciements faciles, le chômage, le RSA, le rien-du-tout pour les rien-du-tout. Les emplois "tout court" s’entendent comme emplois naturellement provisoires et aléatoires, et au mieux, comme accordés, sous condition de docilité, au "mérite" et au "projet" ; que l’"emploi à vie" soit ainsi devenu une sorte de passe-droit, c’est la négation même du "droit au travail", pourtant inscrit dans la constitution, et que d’ailleurs le TCE avait déjà cyniquement défiguré en "droit de travailler". C’est le fondement même de toute la vie sociale qui est attaqué. Une majorité de citoyens a dit Non au TCE en 2005, c’est ce qui peut et doit fédérer le peuple. Et les syndicats, tous intitulés confondus, se contenteraient de négocier quelques pauvres petits avantages sectoriels au lieu d’appeler au soulèvement général ?!

28/02/2018 15:33 par Max Stirner

" Nous devons être d’abord des hommes et seulement ensuite des citoyens. "
Henry David Thoreau

28/02/2018 16:57 par Fald

Autrement a raison de nous rappeler cette escroquerie de la constitution Giscard de 2005. "Droit de travailler" veut dire d’abord et en fait seulement qu’on inscrit dans la constitution l’illégalité des piquets de grève et par contre le droit de les briser. Cela s’oppose effectivement radicalement au "droit au travail".

02/01/2019 13:15 par Mlle Po

En tant que femme qui se démène dans ses études qu’elle a toujours réussi depuis des années et qui a choisi cette voie par passion. Je galère déjà pour avoir un concours très difficile qui demande limite de n’avoir aucune vie sociale, de couple ou de famille pour l’avoir et où la plupart des personnes qui l’ont ont mangés des bouquins 24h/24 sans avoir automatiquement la pédagogie derrière. Derrière ça, on nous a obligés à aller jusqu’au master et non plus la licence pour avoir le concours. Derrière ça, une fois le concours en poche on doit attendre 1 an et une inspection pour être titularisés.. Derrière ça, on devient les pions du rectorat qui nous demande de nous battre pour gagner des points et éventuellement être mutés dans la région que l’on veut et même pas forcément le département voulu. Comment a t-on des points ?! En se pacsant/se mariant, en ayant des enfants, en années d’expérience. On est d’accord que l’experience ne tombe pas du ciel. Alors on doit faire le choix de commencer sa vie sans savoir de quoi sera fait le lendemain, se marier et avoir des enfants sans savoir si on pourra profiter d’eux. Pourquoi ? Car on n’est quand même pas assurer (après avoir enfin décrocher ce concours incohérent) de pouvoir vivre proche de notre famille (mari et enfants qui seront dans un département avec nous qui passons notre temps sur la route pour aller travailler dans le département d’à côté ou même encore à côté sans parler de l’argent que l’on jette dans ces trajets mais aussi parents, frères et soeurs, oncles et tantes qui ne voient pas nos enfants grandir car on est mutés trop loin du département où ils y sont tous). Alors oui, à part la passion, on se dit que au moins, une fois toutes les années de galère à ne pas savoir comment notre vie et nos projets vont finir, on se dit qu’au moins, on ne bougera pas quand on aura enfin eu la mutation désirée après 5 ou 10 ans à la demander et oui on se dit qu’on ne pourra pas être viré après avoir commencé notre vraie vie d’employés à 30 ou 35 ans avec toutes ces bêtises. Est-ce être privilégiés que d’avoir 2 vrais salaires à la maison quand on a 35 ans alors qu’on a un bac+8 et qu’avant ça on bosse notre concours, on bosse avec CDD ou en interim car pas le choix et on tente de vivre notre vie de famille qu’on a voulu construire avant 40 ans ? Sans parler qu’on ne peut pas acheter de maison car pas 2 bons salaires fixes et on ne sait pas où on sera mutés une fois le concours en poche de toute façon. Certes certains réussissent vite mais ce n’est pas la majorités des profs qui ont eu leur concours dès la sortie de la fac. Pour la plupart on doit faire des sacrifices en tentant de garder la foi en ce métier et la passion. Bref, tout ca pour dire qu’on n’est pas des privilégiés, on a des avantages en conséquences des inconvénients. On n’a pas la belle vie, par rapport aux autres, faut arrêter avec les préjugés quand on ne vit pas la chose elle-même. Les gens autour ne voient que la partie émergée de l’iceberg et ça c’est énervant à entendre au quotidien. Bref, tou ça pour dire que si on doit encore être un pion de l’état qui recrute ses profs avec un concours et nous fait muter à sa guise en nous faisant pour cela galérer des années et qu’après on n’a pas de sécurité niveau emploi et salaires, ça va bloquer quelque part. Donc comme cités, ne plus être fonctionnaires pourquoi pas, mais dans ce cas, on arrête ce concours ridicule qui ne sélectionne pas forcément les futurs bons profs et on nous laisse faire nos entretiens dans les établissements du département où l’on veut vivre une vraie vie ! Comme n’importe quel métier, je veux bien, mais dans ce cas, on va au bout de l’idée. L’Etat ne doit pas faire que ce qu’il l’arrange, garder les avantages et nous laisser dans notre galère. Juste dependre d’eux pour des trucs comme les programmes scolaires des differents niveaux.

(Commentaires désactivés)