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Fêtes de fin d’année : ne vous trompez pas de cadeau

Roger Martin : L’affaire Jules Durand

Roger Martin est écrivain. C’est un ami précieux et courageux. Il a des convictions communistes et il les défend. J’ai déjà recensé ces derniers livres ici. Le Grand Soir a par ailleurs publié dix articles signés Roger Martin. Naguère, des fascistes musculeux, chassant en meute, ont voulu lui faire entrer dans le crâne (et dans les dents) l’idée qu’il se trompait de combat. Mais il persiste.

Dans une recension d’un de ses romans, « Les ombres du souvenir » j’écrivais (pardon de me citer) : « La palette est multicolore, que Roger Martin caresse de son pinceau pour faire jaillir de la page blanche romans, polars, essais, enquêtes, biographies. Plus un roman jeunesse et de la BD (l’excellente série AmeriKKKa). Et sur LGS nous n’oublierons pas son « Dictionnaire iconoclaste des Etats-Unis » où perce son amour pour ce pays et sa détestation de ceux qui le pilotent comme un B 52 ».

Dans son avant-dernier roman, intitulé « Il est des morts qu’il faut qu’on tue » il embrassait une vaste période de l’Histoire de France, de la commune à 1934.

Roger Martin publie à présent : « Les docks assassinés, l’affaire Jules Durand » un ouvrage superbement illustré par Mako.

Le livre s’appuie sur une documentation sérieuse pour faire revivre une affaire qui défraya la chronique en 1910, mais qui est oubliée, hélas, aujourd’hui.

L’affaire Dreyfus vient de se terminer. Le gouvernement avait cru pertinent de jeter à la vindicte publique un juif. Là, c’est un syndicaliste qui va être broyé par la machine, la même machine, la même engeance de policiers, de juges, de journalistes, de gouvernants à qui il faut une proie, une victime expiatoire. Un militaire juif, un ouvrier syndicaliste, qu’importe pourvu que l’iniquité serve le patronat et le pouvoir. Pour y aider : la police et la Justice où, comme partout, on trouve des gens de peu pour qui une belle carrière vaut bien le sacrifice d’un obscur, d’un sans-grade.

Rien de nouveau sous le soleil. Lisons Chateaubriand (Génie du christianisme) : « O conscience ! ne serais-tu qu’un fantôme de l’imagination, ou la peur des châtiments des hommes ? je m’interroge ; je me fais cette question : “Si tu pouvais par un seul désir, tuer un homme à la Chine et hériter de sa fortune en Europe, avec la conviction surnaturelle qu’on n’en saurait jamais rien, consentirais-tu à former ce désir ?” »

Pour nous conter l’affaire Jules Durand, Roger Martin s’est mis dans la peau d’un enquêteur intègre qui seul contre tous, va se persuader que le syndicaliste est innocent et qui va en fournir des éléments de preuve à sa hiérarchie. En vain ! Car les puissants savent que l’ordre est renforcé par la démonstration qu’ils peuvent impunément être injuste si besoin est.

Joseph Prudhomme, le héros d’une comédie d’Henri Monnier, recevant un sabre comme d’autres recevront une robe d’hermine, s’écria : « Ce sabre est le plus beau jour de ma vie. Je jure de m’en servir pour défendre les Institutions et au besoin pour les combattre ». Il en est ainsi du glaive de la Justice, symbole de puissance, rappel du droit pour l’Etat de recourir à la violence physique, de trancher. Le roman de Roger Martin, c’est : « Ce glaive est le plus beau jour de ma vie. Je jure de m’en servir pour rendre la Justice et au besoin l’Injustice ».

Lisons ce qu’en dit son éditeur, « Les éditions de l’Atelier ».
« Un polar illustré qui revient sur l’affaire Jules Durand, l’une des plus grandes erreurs judiciaires françaises du xxe siècle.
Cette affaire retentissante qui plongea Jules Durand, leader du syndicat des charbonniers, dans la folie et le conduisit jusqu’à la mort, reste méconnue.

En cette fin d’été 1910, les docks du Havre sont bloqués par un conflit social qui oppose les ouvriers charbonniers à la toute-puissante Compagnie générale transatlantique. À distance ou infiltrés, le commissaire Albert-Eugène Henry et ses hommes collectent les informations, à l’affût de l’étincelle qui pourrait entraîner une flambée de violence. Jules Durand, fraîchement porté à la tête du syndicat des charbonniers, conduit la lutte.

Le 9 septembre, dans une rixe entre grévistes et non-grévistes, le « renard » (briseur de grève) Louis Dongé perd la vie. Le 11, Jules Durand est arrêté. Le conflit s’emballe, les événements s’enchaînent. Le commissaire Albert-Eugène Henry aura beau affirmer sa conviction de l’innocence de Durand, ce dernier sera inculpé pour complicité d’assassinat, guet-apens et crime avec préméditation. Petit à petit, il comprend qu’il n’est pas en charge d’une enquête de justice, mais bel et bien d’une enquête à charge conduite en sous-main par les tenants du pouvoir. La défense de René Coty, alors tout jeune avocat de 28 ans, n’y fera rien.

En nous immergeant dans l’ambiance des quais du port du Havre et en nous plaçant au cœur de l’enquête, Roger Martin et Mako nous font ressentir avec force la lutte vibrante de Jules Durand pour des conditions de travail dignes et contre un système de rémunération qui poussait les ouvriers dans les bars pour échanger au comptoir des jetons contre leur salaire… Grâce à la littérature, on prend toute la mesure de cette injustice d’hier, et l’on comprend la nécessité de l’engagement aujourd’hui ».

Le livre compte 170 pages, le style clair et assuré, le parti pris narratif à la première personne, l’ampleur de la documentation qu’on sent présente, mais en filigrane (sans être pesante, sans ralentir le rythme du récit), ajoutent à la puissance du sujet : une injustice délibérée, un acharnement, un mépris de la misère au nom de l’effroyable raison d’Etat.

Un régal de lecture, un excellent cadeau pour les fêtes.

Maxime Vivas

Pour commander, choisissez une excellente librairie toulousaine, Terra Nova, qui vous livrera en 48 h : http://www.librairie-terranova.fr/18703-histoire-des-luttes-et-des-revolutions-les-docks-assassines.html

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« A toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes : autrement dit, la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est en même temps la puissance spirituelle dominante. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose en même temps, de ce fait, des moyens de la production intellectuelle, si bien qu’en général, elle exerce son pouvoir sur les idées de ceux à qui ces moyens font défaut. Les pensées dominantes ne sont rien d’autre que l’expression en idées des conditions matérielles dominantes, ce sont ces conditions conçues comme idées, donc l’expression des rapports sociaux qui font justement d’une seule classe la classe dominante, donc les idées de sa suprématie. »

Karl Marx

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