La crise actuelle est aussi une histoire de trahison. Le cas Tsipras.

Tout est à vendre en Europe. Le casino de la haute finance l’a décidé et les gouvernants l’exécutent. C’est une colonisation d’un genre nouveau qui se fait par une financiarisation systématique. L’exemple qui a choqué le net il y a quelques années était celui du patron de Nestlé qui remettait en question la gratuité de l’eau de la planète.

La finance fixe une valeur à tout. Cela va des diverses dettes aux semences des plantes en passant par la privatisation des services publics, le rachat des patrimoines nationaux, etc. Il n’a échappé à personne que la finance est en train d’asservir la planète.

Cette financiarisation va bon train même si les populations n’en veulent pas. C’est dans ce face-à-face que réside l’immense enjeu du moment. Le 20ème siècle avait apporté au citoyen Européen la protection par un Etat-Nation qui veillait entre autres sur ses libertés fondamentales, son droit à la vie privée, son droit à la propriété privée et sur les biens communs.

Il a donc fallu y aller au marteau-piqueur pour faire tomber cet Etat-Nation, ses représentants et les principes élémentaires de la démocratie. Nous avons tous compris que les outils de production, les emplois, les PME/PMI voire l’économie réelle dans son ensemble sont tributaires de la toute-puissance de ces firmes-Etats appelées transnationales. Elles détiennent les processus de production sur le plan mondial, la finance - et ses circuits mondiaux - et la technologie qui promet avec assurance, voire arrogance, l’immortalité.

EUROPE

Mais il existe aussi une stratégie toute en finesse qui s’intègre à toutes les étapes de cette mutation : la communication. Basée sur une connaissance approfondie à la fois historique, économique, géographique, psychologique, archétypale et linguistique de chaque région de la planète, elle offre un discours politique ciselé, adapté à la réalité locale du moment et crée un sentiment d’empathie. L’électeur qui se sent compris, croit alors aux remèdes proposés. Mais une fois les grands rendez-vous électoraux passés et que les solutions potentiellement valables ne sont pas appliquées, l’électeur n’a aucun moyen de se retourner contre celui qui l’a trompé.

Les Français sont par exemple gouvernés par des élus dont le discours est de gauche mais les actions posées relèvent d’un ultralibéralisme hyper-contrôlant. Ils financiarisent le pays à la vitesse V tout en mettant en place un système de contrôle des citoyens impensable dans une démocratie il y a encore quelques années.

La communication est donc un outil stratégique utilisé avec brio par les gouvernants pour à la fois rassurer les électeurs et répondre à la demande des maîtres incontestables du moment : les firmes transnationales et leurs technocrates.

La réalité se dédouble ainsi entre un discours politique rassurant et empli d’humanité, et une réalité déshumanisée qui exclut toute démocratie dans les faits.

C’est dans ce décor de prise de pouvoir politique par la haute finance qu’éclate la tragédie grecque. Le peuple grec soumis à une pression économique et financière intense va découvrir la manipulation psychologique qui devient in fine trahison.

Janvier 2015, Alexis Tsipras patron d’une gauche dite radicale est nommé premier ministre en Grèce. Allié à des nationalistes Alexis Tsipras devait défendre bec et ongles la Grèce contre l’austérité, l’accaparement par des firmes transnationales des richesses du pays tout en remettant en question une dette publique qualifiée d’injuste.

Il est le héros tant attendu y compris hors de Grèce. La communication, relayée par certains médias, va amplifier ses capacités, faisant croire à une personne fortement déterminée qui va révolutionner le monde de l’Union européenne, des banquiers, du FMI et consorts. Tout le monde voulait y croire. Et ce d’autant plus que le ras-le-bol des populations européennes face à la tyrannie des marchés financiers était généralisé et à son comble.

Une fois au pouvoir, Tsipras gesticule contre la légitimité des dettes publiques, la voracité des consortiums étrangers prêts à tout pour aller chercher les richesses naturelles dont regorge ce pays. Il y a bien eu aussi le moment où il a utilisé la remise de la dette allemande par les Grecs à l’issue de la 2ème guerre mondiale (effet psychologique garanti sur les Grecs mais aussi sur les Allemands). Les médias n’ont pas manqué d’en amplifier le phénomène Tsipras. Les peuples voisins de la Grèce, fortement échaudés par leurs propres gouvernants, observaient avec envie la très belle mise en scène.

C’est dans un contexte de grand espoir et même d’espérance que Tsipras s’est révélé. Le programme qu’il a présenté fin juin est celui qu’il met en place aujourd’hui. Une financiarisation outrancière de tout ce que le pays compte de biens et de richesses nationales. Dans son programme, Tsipras n’a pas demandé de remise des dettes publiques. Il s’est révélé digne des plus vertueux patrons de la Haute Finance internationale.

Pourtant entre le moment de la présentation à la Troïka de son projet et sa mise en place, Alexis Tsipras a posé un référendum. On a expliqué à l’envi que Tsipras demandait au peuple de le soutenir dans son refus des conditions de Bruxelles. Il avait besoin de laisser les principaux concernés se déterminer face à un engagement si lourd.

Pourtant et à sa grande surprise, le 5 juillet jour du référendum c’est un peuple Grec épuisé par un blocus financier et bombardé par toutes sortes de menaces de représailles qui a opté pour la résistance au côté de son héros. Une résistance forte soutenue et fêtée le dimanche 5 juillet au soir par des Grecs galvanisés. Leurs voisins européens n’ont rien raté du spectacle rêvant eux-aussi de libération de ce joug d’un nouveau genre.

Mais Tsipras n’était pas en réalité le héros auquel faisaient croire les beaux discours. Dès le lendemain du référendum, les observateurs, qui n’avaient pas lu son programme clairement pro-système, ont compris que les convictions affichées d’Alexis Tsipras n’étaient que de la « com’ ». Un vulgaire programme électoral jamais suivi d’effets comme on en a tellement vu. Force est de constater que quels que soient les candidats et leurs argumentaires électoraux, ils mettent invariablement en place les désidératas de la Haute finance internationale après les élections.

C’est ainsi que le référendum tout comme le programme électoral de Tsipras n’était que du bluff, portant atteinte aux fondements de la démocratie.

C’est donc sans grande surprise que Tsipras a fait passer la dette publique à 200% du PIB du pays. Les mesures qui accompagnent cet accroissement de la dette sont mortifères pour le PIB à venir. Tout y passe : TVA, retraites, impôts etc. A tout ceci s’ajoute la vente du patrimoine public dont les revenus huilaient les finances publiques.

Ainsi Alexis Tsipras parachève le programme de ses prédécesseurs.

Le consortium allemand - Fraport-Slente l- qui achète aujourd’hui 14 aéroports régionaux juteux pour la ridicule somme de 1.23 milliards n’est autre que celui-là même qui devait les acquérir en 2014. Tsipras n’a fait que retarder la procédure de quelques mois.

D’autres consortiums attendent leur tour dont les fameux exploitants d’or canadiens. Car pour ceux qui ne le sauraient pas encore, la Grèce n’est pas pauvre du tout. Elle est même excessivement riche en ressources minières et fossiles. Confiner la Grèce dans le rôle de mendiant qui vit aux crochets de ses voisins est de l’intox (un effet de « com’ » de plus).

Ainsi, Tsipras satisfait actuellement les désidératas des marchés financiers grâce au soutien de l’opposition qui quittance son programme au parlement. Alexis Tsipras représente parfaitement l’inutilité de la démocratie européenne du 21ème siècle. Quoi que l’électeur fasse, il tombe régulièrement sur des exécutants des marchés financiers qui réussissent à le séduire par de beaux discours finement ciselés pour la culture locale. En psychologie, cela s’appelle de la manipulation.

Plus grave encore est l’impact de l’effet Tsipras sur les citoyens européens en général. Ce drame grec pourrait en fait mettre un terme à tout espoir populaire de préserver ses libertés et son patrimoine. Il peut clairement décourager toute opposition au grand casino. Des messages inconscients peuvent être du style : « inutile de vous exciter, vous ne pouvez que perdre » ; « aucune opposition politique ne peut réussir », « le marché financier peut tout » etc.

Or, un système qui verrouille toute alternative et toute opposition est totalitaire.

Actuellement, les médias détournent leurs projecteurs de Tsipras pour les fixer sur l’Allemagne coupable du malheur des grecs. La réalité est que Tsipras est le grand responsable du malheur actuel et surtout futur de son pays et de son peuple. Il avait toutes les cartes en mains pour dire non à l’Allemagne. Son peuple était prêt à le soutenir jusqu’au bout. Certains parlent de haute trahison ce que les faits tendent à démontrer.

La crise grecque a montré de manière caricaturale la manipulation psychologique dont est capable une très bonne communication portée par des individus charmeurs.

Il ne faut pourtant pas baisser les bras et croire que tout est figé. La première étape pour les temps à venir consiste à apprendre à repérer et connaître son véritable ennemi ainsi que ses faiblesses. C’est un casino anonyme certes mais qui n’a aucune existence sans la fortune, le travail et les impôts des citoyens. Les citoyens ont beaucoup plus de pouvoir que ce qu’ils peuvent bien imaginer.

Dernier point cet ennemi se cache derrière une myriade de sociétés anonymes, Fonds d’investissements et autres fondations. Mais il est très sensible à la lumière qu’il craint et qu’il fuit. Fixons donc les projecteurs sur lui plutôt que sur les peuples Grecs, Américains ou Allemands tous victimes du même monstre.

 https://lilianeheldkhawam.wordpress.com/2015/08/20/la-crise-actuelle-est-aussi-une-histoire-de-trahison-le-cas-tsipras-l

COMMENTAIRES  

07/09/2015 10:04 par Altau

J’aime ce genre d’article qui ne s’embarrasse pas de circonlocutions et pointe l’essentiel sous une apparence de simplisme. J’ajouterai que ce qui manque bien souvent dans les propos tenus sur l’actualité grecques, c’est la nécessaire mobilisation des victimes de la politique de la Finance et la non moins nécessaire soumission de ses représentants à ses objectifs. Le référendum était pourtant un bon tremplin pour ce faire.

On pourra ajouter qu’il faut rester dubitatifs devant les discours les plus séduisants pour les adversaires du capitalisme et s’efforcer de ne juger que sur les actes. On devrait pourtant ici être bien vaccinés contre ces procédés dont on n’a pas été privés ces dernières décennies.

Dommage que Mauris ne soit plus des nôtres pour en discuter.

07/09/2015 11:46 par Bernard CONTE

Je suis globalement d’accord avec l’article...
En 2011, j’avais écrit un bref papier visant à démystifier les polichinelles : "Démasquer les insiders !"

Depuis le début de la crise en 2008, le capitalisme financiarisé est en danger. Des critiques fusent, des mouvements se créent (les indignés...), des populations contestent dans la rue, parfois violemment (en Grèce)… La convergence de ces démarches pourrait déboucher sur une « révolution » fatale aux financiers et à leurs serviteurs.

Menacé, le système réagit. Tout d’abord, comme à l’habitude, les medias complices occultent toute critique ou remise en cause et mettent en avant le discours d’ardents défenseurs (experts, politiciens…) du capitalisme financiarisé. Ils nous disent : il ne se passe rien, il n’y a pas d’alternative ! Circulez, y a rien à voir !

Mais, notamment, Internet, les réseaux sociaux,… diffusent l’information interdite et donnent la parole à la critique acerbe, ce qui rend caduque la stratégie « négationniste » et fragilise le système. Les medias « officiels » ne peuvent plus feindre d’ignorer.

C’est alors que ledit système réagit en instrumentalisant et en médiatisant fortement une vague de critiques émanant de personnalités ayant été, à des degrés divers, impliquées dans la promotion, la défense ou la mise en œuvre de la mondialisation néolibérale (les "insiders"). Il s’agit de critiques « internes ».

C’est ce qu’il s’est produit, après la crise asiatique de 1997-1998, lorsque des personnalités comme Joseph Stiglitz, George Soros, Paul Krugman, Jeffrey Sachs… ont vivement dénoncé le « fondamentalisme du marché ». Parmi ces critiques des insiders, c’est celle de Stiglitz qui a eu la plus grande portée médiatique. D’autant plus que cette critique est devenue une critique « externe » après sa démission de la Banque mondiale en novembre 1999. La caractéristique commune de ces critiques était un soutien à l’économie de marché (avec plus ou moins de réserves), la certitude que la mondialisation est souhaitable mais que sa mise en œuvre a été parfois problématique. En fait, derrière une rhétorique parfois virulente, se cachent quelques maigres propositions d’aménagement réel du système. Il en est pour preuve que, dix années après l’Asie, et malgré les discours des insiders et leurs propositions, nous sommes entrés dans une crise systémique.

Les réactions à la crise actuelle semblent suivre la même logique. Vont émerger ou sont déjà apparues des critiques émanant « d’experts » et du personnel politique instrumentalisés. À mesure que la crise s’accentuera, le discours sera de plus en plus radical, voire révolutionnaire… et largement médiatisé. Mais les propositions de réforme resteront limitées ou vite oubliées. Il s’agit, avant tout, en agitant les marionnettes des insiders, de séduire les populations pour sauver le capitalisme financiarisé.

Alors, démasquons les insiders !

Article disponible sur :
http://www.comite-valmy.org/spip.php?article2112
http://manifestepourundebatsurlelibreechange.eu/2011/12/18/5538/
http://www.lepost.fr/article/2011/12/18/2663119_demasquons-les-insiders.html

07/09/2015 15:55 par Cunégonde godot

Mme Held-Khawam :
Alexis Tsipras représente parfaitement l’inutilité de la démocratie européenne du 21ème siècle. Quoi que l’électeur fasse, il tombe régulièrement sur des exécutants des marchés financiers qui réussissent à le séduire par de beaux discours finement ciselés pour la culture locale. En psychologie, cela s’appelle de la manipulation.

Même si je suis d’accord sur le fond avec Mme Held-Khawam, je ne l’approuve pas quand elle considère la démocratie au XXIe comme devenue inutile. La démocratie est toujours utile, au contraire. Mais la démocratie ne peut exister peu ou prou sans souveraineté. Le référendum grec "contre l’austérité" ne fut pas un moment démocratique car la démocratie en Grèce, dont la souveraineté nationale avait été diluée dans les traités européistes, avait déjà disparue. Ce référendum fut seulement un tour de table, en quelque sorte. Comme M. Junker et d’autres l’ont rappelé en substance, il faut savoir ce que l’on veut : l’ "Europe" ou une région de l’ "Europe" (la Grèce) — le totalitarisme oligarchique (qui ne s’est jamais dissimulé en tant que tel) ou la démocratie (quand bien même celle-ci resterait-elle perfectible).
Je n’ai jamais cessé ici de m’étonner que l’on puisse prétendre à gauche combattre le capitalisme tout en s’y livrant pieds et poings liés par le truchement de l’ "Europe".
La démocratie recule et disparaît en Europe depuis une quarantaine d’années silencieusement sans heurt, sans coup de force, sans guerre, seulement par une succession de traités. Cette disparition est consentie par la classe la plus consommatrice et par-là idéologiquement dominante aujourd’hui, la classe moyenne.
M. Tsipras n’a pas trahi, il a seulement poussé une logique absurde (de gauche) à son comble. Un mal pour un bien, peut-être...

08/09/2015 08:19 par Scalpel

Souhaitons le Miss Cunégonde, souhaitons le !
Cette misérable farce aura démontré la puérile candeur des thèses "désobéissantes".
Nous disions pas autre chose dès janvier...avec une belle volée de bois vert de mon MVC.

(Commentaires désactivés)