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La répression et la précarité tuent.

Droits devant !!
44, rue Montcalm
75018 PARIS

LA REPRESSION ET LA PRECARITE TUENT

Georges Mucha, militant syndical, s’est suicidé vendredi 4 octobre.

C’est au nom du comité de soutien à Georges Mucha & aux militants de Clermont Ferrand qui l’ont soutenu durant son licenciement que la lettre ouverte ci-dessous vous est transmise. Nous vous demandons de la faire circuler au maximum.

Jean-Claude AMARA, Président du comité de soutien à Georges Mucha.

Premiers membres du comité de soutien :
Jean-Claude AMARA (porte parole de Droits devant !!), anielle AUROI (Députéé européenne), Alain BHIR (sociologue), José BOVE (syndicaliste),Yves CAREIL (IUFM Bretagne), Annick COUPE (Groupe des 10 Solidaires), Roland GOIGOUX (IUFM Clermont-Ferrand), Albert JACQUARD (Généticien), Frédéric LEBARON (Pdt de "Raison d’Agir), Noelle LEDEUR (Sec.Gale Sud Education), Hervé MANTELET (Cons.Région.Auvergne), Jean-François PELE(Dir.de l’"Ecole Emancipée"), Marie Luce POUCHARD (LDH), Annie POURRE (Dal , Droits devant !!), Emmanuel TERRAY (Dr d’études à l’EHESS), Daniel THEVENET (Avocat)...

Lettre ouverte au Ministre de l’Education Nationale
au Recteur de l’Académie de Clermont

Georges Mucha, maître-auxiliaire en Génie mécanique-Productique, s’est donné la mort le 4 octobre 2002, un mois après que la mesure de licenciement de l’Education Nationale prise à son encontre est devenue effective.

Certes, Monsieur le Ministre, puisque vous ne savez pas à 1000 ou 2000 près -c’est votre ministre délégué qui l’a affirmé-, combien vous employez de personnels, nous imaginons bien que l’obscur maître auxiliaire qui disparaît ne bouleversera pas vos statistiques. Mais pour nous, Georges demeurera le symbole de tous ceux et celles qui sont broyés par la société libérale que vous représentez au plus haut niveau. Georges avait eu une vie souvent difficile, et il avait réussi à surmonter tous les drames personnels et affectifs qui ont émaillé son existence. Depuis deux ans, date de la première demande de licenciement, il avait voulu garder l’espoir. Celui-ci s’est amenuisé avec chaque aide que Georges n’a pas reçue, avec chaque rapport ignorant ses efforts et niant son goût de l’enseignement.

Depuis son licenciement, Georges n’avait plus aucun revenu : les allocations de perte d’emploi n’arrivent que plusieurs mois plus tard. Comme il est bien difficile, avec un salaire de maître-auxiliaire, d’avoir des économies, Georges connaissait l’humiliation quotidienne de survivre avec l’argent de ses amis. Sans doute ne le saviez-vous pas : cela n’entre pas dans vos hautes attributions.

Georges était fragile. Sans doute allez-vous tirer argument de cette fragilité même pour justifier a posteriori son licenciement, puisque dans la société que vous représentez, il n’y a pas de place pour les hommes fragiles.

Le monde que nous défendons est un monde où on est solidaire des hommes fragiles. Le vôtre est un monde où on les licencie.

Mais venons-en à ce licenciement, précisément.

Georges avait des "lacunes pédagogiques", dites vous. C’est du moins ce qu’affirme un de vos Inspecteurs, qui l’a visité deux fois une heure, dans le même mois, en mai 2000. Souffrez que nous doutions de la gravité de ces lacunes, quand nous voyons que les services rectoraux lui proposent en septembre 2001 d’effectuer un remplacement dans des classes post-bac.

Admettons même que Georges ait eu des lacunes. Vous avez la responsabilité, dites-vous, du bon fonctionnement du service public. Pourquoi lui avoir refusé au cours de l’année 2000-2001 l’aide pédagogique qu’il a réclamée avec insistance ? Aucun tuteur n’a été désigné, aucun inspecteur n’est venu lui prodiguer ses conseils.

Vous avez la responsabilité, dites-vous encore, de la qualité des enseignements qui sont dispensés. Est-ce la même responsabilité que vous exercez quand vous recrutez par petites annonces ces centaines de contractuels et de vacataires qui se retrouvent du jour au lendemain devant une classe sans aucune formation, sans parfois avoir la moindre idée du programme qu’ils vont devoir enseigner ?

Vous n’êtes pas comptables, dites vous, de la politique de la nation. Vous n’êtes que ministre, et vous Monsieur le Recteur vous n’êtes que fonctionnaire d’exécution. Certes, le bourreau n’est pas comptable de la mort de celui qu’il exécute.

Monsieur Mucha n’était pas fait pour l’enseignement, affirmerez-vous doctement. Si c’était exact, outre qu’on comprendrait mal que vous l’ayez réemployé depuis onze ans, on comprendrait mal ces rapports qui écrivent qu’il "a encadré les classes technologiques avec efficacité" (rapport de 1995), "Il est très soucieux de faire réussir ses élèves". (rapport de 1995), il "s’implique beaucoup dans la vie du lycée et est très proche de ses élèves" (1994), « Enseignant investi. C’est très bien. » (février 2000).

Vous avez employé Georges pendant onze ans. Les "classes difficiles", que mentionne le rapport de 1994, il les a eues. Les changements d’établissement, l’attente du lendemain incertain, les salaires suffisant à peine à vivre, il a connu tout cela. Et vous estimiez alors ses compétences suffisantes pour enseigner.

Pourquoi est-il devenu soudain inapte au point d’être radié définitivement de l’Education Nationale ?

Il est arrivé dans l’académie de Clermont. En février de cette année-là , il était encore gratifié d’un "enseignant investi. C’est très bien" par son chef d’établissement. Il a pris part à des grèves. Il a déplu à son chef d’établissement. En mai, celui-ci a écrit que Georges "ne semble pas en accord avec la politique générale de l’établissement". Qu’en termes délicats ces choses-là sont dites. Georges était devenu gênant. Deux inspections ce même mois de mai, deux rapports défavorables ont scellé son sort. Définitivement.

Il lui a fallu affronter, outre des problèmes personnels, la menace permanente de voir mettre fin à ses fonctions, la pression exercée par les inspections répétées, le changement d’établissement imposé chaque année, la surveillance dont il faisait l’objet de la part de sa hiérarchie, la rumeur qui le précédait désormais dans chaque lycée où il arrivait. Au lieu de céder à la dépression, Georges a choisi là aussi de faire face, et a été hospitalisé à sa demande au printemps 2002. A sa sortie, en bonne voie de guérison, il a souhaité retrouver ses élèves, reprendre ses fonctions. Il a alors appris qu’il allait être licencié.

Si Georges avait été titulaire, il n’aurait pas été licencié. Mais Georges était un auxiliaire, il représentait ce dont le pouvoir libéral a précisément besoin, et qu’il développe sans cesse et délibérément : des individus qu’on prend, qu’on utilise quand on en a besoin, et qu’un rapport suffit à jeter ensuite. C’est cela la politique libérale. C’est pour cela qu’à travers Georges, c’est tous les précaires que nous défendons, et que nous continuerons à défendre. Oh bien sûr vous n’avez jamais voulu la mort de Georges. Vous ne le connaissiez même pas. Vous avez simplement "pris vos responsabilités". Soyez assurés que nous continuerons à prendre les nôtres en défendant tous ceux qui sont victimes de la précarité, de la répression, des
licenciements, en luttant avec eux. Pour nous, Georges sera le visage que nous porterons lorsque nous continuerons à nous battre aux côtés de tous ceux que chefs d’établissements et inspecteurs jugent, que le système trie, que le libéralisme broie.

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Amnesty International - "United States of America - Rights for All" Oct. 1998

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