Du 6 au 23 octobre 2011 a été testée en Grande-Bretagne la première injection dans la stratosphère de particules censées agir comme un miroir afin de refléter vers l’espace les rayons du soleil et ainsi ralentir le réchauffement climatique. Cette nouvelle technologie n’est pas le fruit de recherches menées par un savant un peu fou au fond de son laboratoire. Elle prend place dans une nouvelle démarche scientifique et économique, la géo-ingénierie, qui vise à fournir des remèdes technologiques aux désastres provoqués par le système énergétique dominant.
Parmi d’autres trouvailles en cours d’élaboration, mentionnons la possibilité de recouvrir les déserts de plastique blanc pour refléter les rayons du soleil, la fertilisation du plancton marin pour muscler sa capacité d’absorption du CO2 ou d’autres essais pour réduire l’acidité des océans. On aurait tort de considérer ces expérimentations comme de simples jeux dangereux d’illuminés. Elles participent bien au contraire d’une rationalité qui tend à orienter toutes les sphères d’activités humaines, et notamment la science, vers un même but, la reproduction du Capital et la hausse des taux de profit, ainsi que sur le mythe d’une expansion indéfinie, d’un développement continu de la production et de l’exploitation des ressources.
Le recours à de nouvelles technologies, dites vertes, a pour fonction de rassurer quant aux capacités du système à se sauver lui-même, et surtout de bien nous faire comprendre que c’est au sein de ce système, puisqu’aucun autre n’est possible, que les solutions sont à trouver. Le développement d’un secteur marchand des énergies renouvelables, la réorientation stratégique de grands groupes énergétiques, pourraient laisser à penser qu’au sein du système actuel des mutations sont possibles, qu’y compris la crise climatique peut donner une chance au capitalisme en lui montrant la voie à suivre pour rebondir, voire fonder une nouvelle onde longue d’expansion.
Une telle analyse, qui vise à promouvoir un capitalisme vert appuyé sur un volontarisme étatique dans le cadre d’un green new deal, fait cependant l’impasse sur la ruée vers les ressources à laquelle nous assistons actuellement. Il ne suffit pas d’une réorientation technologique pour modifier en profondeur les politiques des groupes énergétiques qui désormais cherchent à se déployer vers de nouvelles ressources, fossiles ou issues de la biomasse. Dernier exemple en date, l’exploitation des pétroles et gaz de schiste a pris son essor au moment où en 2007-2008 le prix du pétrole s’envolait ; En France, seules les mobilisations populaires ont permis de mettre un coup d’arrêt, momentané, à cette exploitation, mais nul doute que du côté des multinationales de l’énergie la bataille n’est pas terminée.
Le recours aux agro-carburants participe de la même logique. Outre les conséquences environnementales de leur utilisation, leur développement nécessite l’appropriation, souvent par rachat et expropriation des populations autochtones, d’immenses territoires rendus alors impropres à toute vie humaine, en particulier dans les pays tropicaux. Un phénomène semblable d’appropriation-expropriation se joue dans le cas d’énergies à priori moins suspectes de destruction de l’environnement, comme les immenses fermes solaires qui nécessitent également l’utilisation de très grandes surfaces, et renvoient à un modèle énergétique ultra-centralisé et contrôlé par quelques industriels soutenus par leurs États.
On en revient donc à une même logique qui est au coeur du régime énergétique sur lequel s’est fondé le capitalisme, à savoir l’appropriation et la monopolisation du foncier, qui tend à dessaisir les populations de leurs terres et à concentrer les richesses dans les mains de quelques-uns au détriment du maintien des équilibres des écosystèmes et d’une gestion raisonnée des relations entre les sociétés humaines et leur environnement.
D’apres un article de la revue "Contretemps"
http://2ccr.unblog.fr/2012/05/04/alternatives-ecologiques-au-capital/