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Alerte fasciste

quand les erreurs du passé sont reconduites au présent

Amis, entends-tu ?

Août 2012

80 années nous séparent, et pourtant !

De l’expérience nazie aux votes frontistes !

Quand les erreurs du passé sont reconduites au présent.

Par Front Solidaire : association Loi 1901, pour la mémoire, la culture et la solidarité internationaliste, créée par les Unions Locales CGT de : Auchel-Béthune-Bruay-Isbergues-Lillers

Introduction :

Les paragraphes que vous allez lire n’ont pas été écrits par des historiens pour refaire un énième livre d’histoire. Il s’agit de mettre en avant un processus pour bien comprendre que l’histoire du monde est écrite par la lutte des classes, laquelle serait obsolète selon certains bien-penseurs.

La bourgeoisie est prête à tout pour conserver son accaparation des richesses par l’exploitation, prête à tout jusqu’au pire. L’histoire politique ne se répète jamais de la même manière mais le futur s’appuie toujours sur une histoire, celle qu’il faut étudier pour que les erreurs du passé ne soient pas répétées au présent.

Pourtant, vous allez découvrir des similitudes entre ces événements de ces années terribles du 20ème siècle et ce début du 21ème siècle, et peut-être comprendre, c’est le but, que nous ne pouvons, nous permettre de boiter quand l’histoire nous rattrape à chaque fois que le capitalisme subit une crise provenant de sa nature même.

Cet écrit n’est pas une leçon d’histoire, même si la chronologie des faits et des dates sont importantes pour la compréhension, mais à qualité d’avertissement dans une situation économique en contradiction avec les droits et les acquis des travailleurs obtenus par les luttes.

Aussi, et cela sera rappelé, les déclarations de José Manuel Durão Barroso, le Président de la Commission de l’Union Européenne, à John Monks, le secrétaire de la Confédération Européenne des Syndicats, relatées dans le journal « UE Observer » et le Daily Mail du 16 juin 2010, ne doivent pas être minimisées tout comme les scores montants des partis néofascistes dans les pays occidentaux.

Pourtant, ces déclarations sont restées sans réponse comme si elles étaient légitimes et fondées sur une vérité qui nous est cachée.

Tout ceci va démontrer que notre principale préoccupation est de construire l’unité pour faire face aux capitalistes, et que la reconstruction d’une Internationale Ouvrière, dirigée par des ouvriers pour se mettre aux services des travailleurs du monde, est plus que nécessaire.

Unité et Internationale Ouvrière sont indispensables dans un monde dominé par la remondialisation du commerce et des productions. Unité de classe pour combattre pied à pied des impérialismes de plus en plus menaçants pour les droits des peuples à disposer d’eux-mêmes dans des espaces libérés de l’exploitation et des classes.

Indispensables, un parti fort et un syndicat fort qui créent les rapports de force pour se débarrasser de l’antagonisme entre capital et travail et mettre l’économie et la politique au service des travailleurs.
Ne rien dire et ne pas vouloir comprendre, c’est laisser faire et nous ne pouvons pas nous permettre de laisser faire car notre présent et notre avenir sont objectivement menacés.

Certains penseurs, intellectuels bourgeois à la solde du capital entendent réviser l’histoire et nous faire croire que la prise de pouvoir d’Hitler ne serait pas l’oeuvre du capital lui-même, mais qu’elle ne serait que le résultat d’une succession de faits purement liés à la crise financière qui suivit la première guerre mondiale.

Aussi, nous devons d’un point de vue historique mais aussi matérialiste, comprendre pour apprendre, car d’une part, les dernières déclarations de José Manuel Barroso sont plus qu’un signal, c’est une alerte.
Il vient ouvertement de faire part d’une possibilité de la voie fasciste si les peuples d’Europe et notamment la classe des travailleurs, n’acceptent pas l’austérité qui engendre une baisse significative de leurs droits historiques, acquis sociaux et salaires.

Ceci sous-entend que le capital est subjectivement en possibilité de mettre à bas toute démocratie, c’est déjà ce que Marx indiquait dans Le Capital.

D’autre part, le score des fascistes en France aux présidentielles de 2012, 10 ans après ce qui fût un traumatisme national, les scores des candidats complétement inconnus (sauf MLP) dans les circonscriptions à large composante ouvrière mais aussi là où le taux de misère et de chômage est élevé, démontrent le travail à fournir dans les masses et pour les masses quand les partis traditionnellement installés se sont endormis sur des lauriers électoralistes (même si le front de gauche a su baser ses campagnes sur ces menaces fascisantes, c’est un point que personne ne peut lui contester).

Tout au long de cette lecture, il faut avoir à l’esprit cette phrase prononcée par Goebbels le 30 janvier 1933 : « Nous sommes arrivés au but. La révolution allemande commence », au moment même où Hitler se faisait nommer chancelier de la république, elle marque le triomphe de l’idéologie nazie et la liquidation de la république parlementaire allemande.

Créé officiellement en 1920, ce mouvement politique n’aura mis que 13 années pour mettre par terre tous les acquis démocratiques et sociaux d’un peuple, et dans la totalité, et autant marqué des générations, encore aujourd’hui.

Jamais dans l’histoire, aucun mouvement n’est parvenu autant que le nazisme et dans un temps exceptionnellement court, à mettre sous contrôle une société entière pour y supprimer toute forme organisée de contestation telle qu’elle soit, et à noyauter les consciences pour extraire les plus simples idées démocratiques.

Dans son ouvrage « La peste brune » l’écrivain Daniel Guérin notait : « Le nazisme fait le vide autour de lui, laisse le vide derrière lui », ce qui donne le ton pour réfléchir et donner un sens au débat collectif sur le sujet qui nous préoccupe, la montée des idées néofascistes et même carrément le retour de l’idéologie néonazie.

1) L’enjeu démocratique.

Aussi pour alimenter les débats, il faut se poser des questions et notamment celles des raisons exposées au deuxième paragraphe et celles d’aujourd’hui, pour les lier à un contexte historique, celui des années de 1920 à 1933 :

  comment la république allemande des années 30, avec des acquis sociaux importants pour l’époque, avec une classe ouvrière puissamment organisée au sein d’un syndicat et d’un parti, a-t-elle pu basculer dans la barbarie totalitaire ?
  Est-ce que la prise de pouvoir par Hitler était inévitable, aurait-elle pu être stoppée à temps ?

Il est dit et écrit par nos fameux intellectuels bourgeois, que la prise du pouvoir par les nazis était une conséquence inévitable et que la situation allemande du début des années 1930, marquée par la crise économique et la montée du chômage et de la misère, menait quasi mécaniquement à cela.

Donc il faut montrer que la succession des événements qui ont conduits à la victoire d’Hitler n’est certainement pas cette vision fataliste de l’histoire, qui distille le sentiment d’impuissance.

D’autres annoncent que la victoire idéologique des nazis était due à une spécificité du caractère nationaliste des allemands, en avançant que l’antisémitisme était largement répandu en Allemagne et que les nazis n’ont fait qu’ exploiter ce racisme anti-juifs pour arriver au pouvoir.

Cette vision est particulièrement mise en avant par les intellectuels radicaux sionistes, qui nient de fait la dialectique et le matérialisme historique afin de dévoyer cette période de l’histoire qui aboutira à la création d’un Etat hébreu, et ce conformément aux écrits de Théodore Herzl, le fondateur de la doctrine sioniste.

L’explication de la montée du parti nazi jusqu’à l’arrivée au pouvoir d’Hitler est dans l’évolution de la société allemande, et elle passe par la compréhension des rapports de force fondamentaux autour desquels s’organisent et s’articulent la lutte entre pouvoir politique lié à la lutte des classes et les rapports socio-économiques qui sont une conséquence directe de cette lutte entre classes.

Aussi, au grand damne des intellectuels bourgeois, il se démontre qu’il existait bien en Allemagne, des forces et des organisations en capacité d’arrêter l’ascension d’Hitler et de son parti, mais que les traitrises, les sectarismes, les échecs et les erreurs de ces organisations ont permis aux nazis de prendre le pouvoir.

Aussi pour se remettre dans le contexte qui servira à lier le passé et le présent, pour se dire à quel point la victoire des nazis n’était pas « inévitable » comme certains le prétendent pour maintenir le spectre du fascisme, il faut se replonger dans les quelques semaines qui ont précédé le 31 Janvier 1933.

En ce début de 1933, les nazis étaient dans une situation défavorable : certains voulaient une alliance avec la droite conservatrice, d’autres au contraire des actions violentes et une insurrection populaire…

Aussi toute ressemblance avec notre actualité n’est pas fortuite, puisque ces deux courants existent dans le néofascisme montant de ce 21ème siècle.

Le parti nazi se paralysait de plus en plus amenant de nombreux militants à rendre leur carte, faisant dire à Hitler lors d’une réunion avec Goebbels : « Si le parti devait s’effondrer, je me tirerais une balle dans la tête dans les trois minutes »

Déjà une grande partie des partis de la gauche allemande avait sous-estimé jusqu’à la fin le danger nazi. Aussi, dans l’éditorial de l’organe du parti social-démocrate de janvier 1933 un article paraissait avec le titre « L’ascension et la chute de Hitler ».

Un autre quotidien allemand écrivait le 1er janvier 1933 : « Lorsqu’on voudra parler d’Hitler à nos petits-enfants, on ne parviendra même plus à se souvenir de son nom ! ».

Ces déclarations à quelques semaines de la prise du pouvoir par Hitler, montrent que la théorie qui consiste à dire que la victoire « inévitable et fatale » des nazis due à un peuple « résigné et antisémite » est un fait mécanique, tombe en désuétude.


2) La Grande imposture

Ainsi, tout ceci nous pousse à comprendre et à analyser :

  Comment le pays le plus industrialisé qui comptait la classe ouvrière la plus importante et la mieux organisée du monde, avec des partis de gauche puissants, a-t-il pu basculer dans l’idéologie d’un groupuscule fasciste de quelques milliers de membres au milieu des années 1920, pour prendre le pouvoir en 1933 ?
  Comment le mouvement nazi a-t-il réussi à s’imposer face l’expérience de la classe ouvrière allemande et l’obliger à lui faire perdre toutes les conquêtes et les droits sociaux qu’elle avait acquise.

Avant de répondre, il faut rappeler que lorsque les nazis prennent le pouvoir, c’est avant tout les conditions de vie et de travail des classes populaires qu’Hitler va attaquer (rappelez-vous de ce qu’a dit Barroso). Quelques exemples :

  Interdiction des grèves, punies de trois ans de prison,
  Autorisation pour les employeurs de licencier sans recours tous les salariés soupçonnés d’être « hostile à l’Etat »,
  Diminution des salaires évaluée entre 25% et 40% entre janvier 1933 et l’été 1935,
  Diminution également des prestations sociales et des allocations chômage et mise en place du travail d’intérêt national obligatoire...

Quoi qu’en disent certains intellectuels : dans le rapport de classes, c’est bel et bien une défaite du mouvement ouvrier dans son intégralité.

Et si cela a pu être réalisé, c’est parce les nazis soutenus par la bourgeoisie allemande (Bayer-Krupp…) et européenne (les Maîtres des Forges) voire mondiale (Henri Ford) s’étaient au préalable débarrassés des organisations qui représentaient les intérêts des travailleurs, les syndicats et le parti communiste, puis les sociaux-démocrates.

La gauche allemande des années 30, comme la gauche et une partie de l’extrême gauche trotskyste ou semi trotskyste de ce début du 21ème siècle en France, trop attirées par l’électoralisme, a abandonné le terrain pour contrer le fascisme… et ce sont les erreurs commises, ajoutées au laxisme politique qui ont permis aux nazis d’accéder au pouvoir en Allemagne en 1933, et aux néofascistes de monter ici en France depuis 25 ans, mais ce n’est pas une spécificité française.

Certes l’histoire ne se répète jamais de la même manière, mais nous devons apprendre de l’histoire pour éviter au présent les erreurs du passé mais aussi celles du futur.
C’est dans le contexte des années de l’après-guerre première guerre mondiale que le Parti national-socialiste va se créer pour gagner une certaine audience de masse.

Au début de ces années d’après-guerre qui avaient vues disparaître le IIème Reich de Guillaume II au profit de ce qui sera appelé la République de Weimar, les conditions de vie des travailleurs allemands sont très dures.

Elles s’amélioreront progressivement mais se dégraderont rapidement et elles seront une fois de plus détériorées avec la rupture provoquée par la grande crise économique mondiale de 1929.
Jusqu’à ce crack, malgré les réparations de guerre importantes que doit payer l’Etat allemand aux Etats vainqueurs, l’économie avait retrouvé son potentiel d’avant la guerre en réalisant des résultats productifs et financiers qui faisaient que la classe dominante avait renoué avec les bénéfices. C’est en agitant les consciences sur la défaite militaire de 1918, et en rejetant la politique complaisante et molle de la République de Weimar qui s’appuie sur un régime parlementaire et de partis, que les nazis vont petit à petit sortir la tête de l’eau avec une propagande populiste et nationaliste.

De sa création groupusculaires en 1920 avec quelques dizaines de membres, il passera en 1924 à une organisation puissante qui revendiquera 40.000 membres.

Mais comme tout parti naissant et sans véritable expérience politique, le parti nazi manque de cohésion, il lui manque un véritable programme capable de créer l’unité. De plus, la direction du parti n’est pas unitaire, étant composée de plusieurs courants mouvement, mais Adolph Hitler y gagne de plus en plus d’influence.

3) La première alerte

Quand en 1923, le parti tente un putsch à Munich contre la République, l’assaut n’est pas suivi par les masses, c’est un fiasco qui se termine par une complète déroute, Hitler et plusieurs cadres sont arrêtés, jugés et emprisonnés, le NSDAP interdit.

Adolf Hitler est interné à la prison de Landsberg où il écrit ce qui sera le programme politique du parti nazi pendant 20 ans « My Kampf »

Libéré en février 1925, et à peine sorti de prison, Hitler fait organiser un meeting en Bavière afin de relancer son parti.

Devant 4.000 personnes sachant que 2000 s’étaient vues refuser faute de places, l’accès à la salle, Hitler avec un discours enflammé préparé avec Goebbels, s’impose comme le seul dirigeant capable de prendre en main les destinées du parti. C’est ainsi que de cette nébuleuse organisation de l’extrême droite bavaroise, Hitler parviendra a créé un mouvement unifié et soudé autour de sa personne.

Avec le soutien d’une partie de la bourgeoisie, il obtient du Premier ministre de Bavière, le Dr Held, la levée de l’interdiction du NSDAP, et aussitôt légalisé et redynamisé, le parti se lance dans une campagne de recrutements dans toute l’Allemagne.

En mai 1926, le nombre d’adhérents est presque revenu à son niveau quantitatif de fin 1923/début 1924 avec 35.000 membres, mais au sein d’une organisation fortement centralisée et hiérarchisée dominée par Hitler dans toutes les instances du parti et sur tous les dirigeants de l’organisation.
Cette admiration sans borne pour Hitler, cette organisation basée sur la discipline, une propagande et une pratique de masse, mais aussi l’erreur des partis de gauche qui ont minimisés cette montée du fascisme, permettent de comprendre comment Hitler a réussi à s’imposer dans le paysage politique allemand, et quel a été le rôle du NSDAP pour servir de tremplin à la montée de l’idéologie nazie dans les masses.

Ce qu’écrivait Goebbels dans son journal démontre l’admiration que suscitait Hitler : « Adolf Hitler, je t’aime parce que tu es à la fois grand et simple. Ce que l’on appelle un génie » et encore « Cet homme a tout pour devenir roi. Le tribun né. C’est le futur dictateur »

La direction du parti nazi était constituée essentiellement de membres des couches inférieures et intermédiaires de la classe moyenne, mais avec en contrebande, l’appui notamment financier d’une partie de la bourgeoisie ultralibérale et radicalement opposée au communisme.

Tout comme aujourd’hui, la base sociale des partis néofascistes est essentiellement bâtie autour des artisans, des petits commerçants, propriétaires fonciers et terriens, des professions libérales et petits patrons, mais aussi une partie de l’encadrement et des fonctionnaires, qui se sentent les plus vulnérables et les plus exposés à la crise, mais aussi les plus délaissés par les pouvoirs publics.

Les mêmes causes provoquent les mêmes effets, car comme dans les années 30, cette classe moyenne se trouve encore aujourd’hui fragilisée par la concurrence menée par les grands groupes industriels et les multinationales, par les grandes chaînes de magasins, par leurs conditions de sous-traitants des grands producteurs, par les politiques européennes en terme de productions agricoles et de pêche, par la mobilité géographique des salariés.

Aussi comme en Allemagne dans les années 30 quand la petite bourgeoisie allemande, intellectuellement dégradée par l’appétit de l’argent et par le paraître, a soutenu et livré son destin au parti nazi, en France et ailleurs, elle a confié son destin politique et la question de sa survie matérielle, au parti néofasciste qui a été dé-diabolisé dans le but de diviser l’électorat.

Comme cette petite bourgeoisie ne peut pas se tourner, comme d’ailleurs une partie des travailleurs ne le veut pas non plus, vers les syndicats pour se défendre contre la crise, et qu’elle est partisane d’une économie nationale-libérale qui la « mettrait », selon eux, à l’abri de la mondialisation des échanges, et comme elle refuse de payer « les factures » de la guerre, elle trouve dans le discours nationaliste du parti nazi un débouché politique.

Aussi, avec les prochains paragraphes, il semble important de rappeler ce parallèle qui va raviver la mémoire collective des 5 dernières années ici en France. Toute ressemblance n’étant pas fortuite, cela doit nous amener à la réflexion collective.

4) Les conséquences de la paupérisation

Quand Hitler assure que le parti nazi veut réconcilier le travail et le capital en abolissant l’idée de la lutte des classes et en créant ce qu’il appelait : « une communauté nationale transcendant les classes » cette idéologie s’appuie et donne de l’importance à l’impuissance de la petite bourgeoisie dont la situation sociale se précarise, sur fond de conflits fondamentaux qui traversent la société allemande mais aussi le monde.

Hitler met en avant la notion d’ « intérêt national » pour légitimer le fait que les ouvriers doivent se réconcilier avec leurs patrons, et la nécessité d’arrêter tout mouvement de grève et de luttes : « dans l’intérêt du peuple allemand » (aussi souvenons-nous des déclarations politiques et patronales en France en 2010 lors des grandes grèves contre la réforme des retraites)

Il est évident que dans de telles années quand chaque jour est une menace pour leurs intérêts, la frange petite bourgeoise et la classe moyenne ne se reconnaissent plus dans les partis de la droite traditionnelle, liés essentiellement aux milieux industriels et financiers, et encore moins dans les partis de gauche, ni évidemment dans les syndicats qui organisent avant tout le mouvement ouvrier pour s’opposer aux menaces sur les droits sociaux .

Toutefois, il était tout à fait possible que le mépris de la petite bourgeoise et des classes moyennes pour les mouvements de gauche et le drapeau rouge des syndicats, aurait pu les amener à se rallier aux partis du grand capital, attaché tout comme elle à la défense de la propriété privée et au libéralisme.

Mais ces catégories sociales en décomposition intellectuelle ont préféré la radicalité du parti nazi, au régime de compromis des partis de la droite traditionnelle qui avaient mis en place le régime républicain pour se débarrasser de l’aristocratie incarnée par le 2ème Reich de Guillaume II.

La situation de crise extrême des dernières années de la République de Weimar, la précarité très forte (les faillites se comptaient par milliers) qui s’ensuivait pour les artisans, les commerçants, les paysans et les professions libérales mais aussi pour les fonctionnaires, l’Etat coupant dans les budgets… ne permettaient plus cette collusion avec les représentants des grandes entreprises qui continuaient à enregistrer des bénéfices.

C’est ainsi qu’il faut comprendre le ralliement de plus en plus massif au parti nazi, des différentes catégories de la petite bourgeoisie, de la classe moyenne, mais aussi d’une partie des fonctionnaires, au cours de cette fin des années 30.
Ceci a amené à la forte représentation au sein du NSDAP, de catégories sociales telles que les artisans, les commerçants, les professions libérales, les petits fonctionnaires et les exploitants agricoles.

D’où la composition sociale des cadres du parti nazi : « l’origine des cadres du parti était plus homogène que celle des simples membres. Dans la basse hiérarchie se trouvaient des hommes issus des classes moyennes, ... alors qu’au-dessus ils venaient de la haute bourgeoisie cachée »

Le monde paysan et des campagnes avaient également et d’une manière importante, soutenu le parti nazi en lui apportant des voix lors des dernières élections avant la prise de pouvoir. Mais le groupe qui avait eu une influence capitale sur l’accession d’Hitler au pouvoir, fut celui des grands propriétaires terriens, réunis dans une forme de confédération syndicale « la Ligue Agraire » fortement contrôlée par les nazis.

Aussi, après avoir accompli le programme de ralliement des classes petites bourgeoises et moyennes, Hitler essaya de gagner une base ouvrière, ce qui ne veut pas dire que l’on ne trouvait pas d’ouvriers et de membres issus des classes populaires au sein du parti nazi.

D’ailleurs déçus par leur manque de combativité des partis de gauche mais aussi des syndicats, le nombre d’ouvriers et de prolétaires va croître assez vite à partir du début des années 1930 ; toutefois ils resteront, même jusqu’à la prise de pouvoir par Hitler en 1933, très sous-représentées au sein du parti nazi.

5) La montée en puissance

De 1926 à 1928, les nazis vont renforcer leur implantation dans les organisations professionnelles des catégories sociales qui leurs étaient les plus acquises.

Ainsi c’est dans les petites villes et les campagnes, plutôt de droite, que les nationaux-socialistes s’implantent le plus solidement, en infiltrant les artisans et les commerçants avec une idéologie essentiellement corporatiste basée sur le populisme.

C’est ainsi que le NSDAP passa de 42.000 membres en 1927, à 79.000 en 1929 pour atteindre 125.000 membres en janvier 1930.

Hitler comprend qu’il allait s’attaquer à un enjeu de taille, rallier la classe ouvrière qui à elle seule comptait pour plus de 40% de la population active allemande, de plus, c’est cette classe qui avait le plus souffert tant matériellement que physiquement lors de la 1ère guerre mondiale.

Mais, c’est dans les grandes villes, que les nazis eurent le plus de mal à s’implanter, notamment dans les agglomérations à vocation industrielle où les communistes avaient fait une percée.

Aussi, c’est dans les années 1927-1928 que les nazis se lancèrent leurs premières et plus importantes tentatives pour s’approcher du monde ouvrier, et y étendre leur influence.

Hitler avait compris que pour gagner, il lui fallait gagner le ralliement le plus massif de la classe ouvrière à ses idées, car elle lui était absolument nécessaire dans la perspective d’organiser le moment venu un soulèvement populaire pour prendre le pouvoir, les classes moyennes ne lui suffisant pas car n’ayant pas l’esprit de combat naturel des ouvriers.

Mais toutes les tentatives d’infiltration au sein du mouvement ouvrier ont été de cuisants échecs. C’est ainsi que dans la lutte pour organiser les ouvriers et gagner les voix ouvrières à leurs idées, les nazis s’en sont pris directement au SPD (le parti social-démocrate) et à son syndicat le plus proche l’ADGB (aujourd’hui équivalent d’IG Metall).

La grande difficulté des nazis pour s’implanter dans la masse ouvrière résidait dans le fait que la classe ouvrière était politiquement organisée dans les deux grands partis de la gauche allemande, le SPD (l’équivalent du PS) et le KPD (le parti communiste).

Aussi, devant cette réticence, les nazis vont mettre en place une stratégie de la tension et de la terreur, en n’hésitant pas à s’afficher et en s’attaquer physiquement aux militants de gauche pour semer le trouble et tenter de s’infiltrer dans les syndicats ouvriers.

Cette stratégie de la tension, qui d’ailleurs fût reprise par les fascistes italiens dans les années 60-70, intensifia les combats de rue entre militants nazis, organisés au sein de la SA, et les militants communistes et syndicaux. Et aujourd’hui nous revivons ces événements au travers de l’extrême-droite radicale identitaire et ultranationaliste qui arrive à semer la terreur en défilant et en s’en prenant à toutes celles et ceux qui « osent » les défier d’un simple regard.

De nombreux affrontements eurent lieu dans les agglomérations essentiellement industrielles. Les rues de la capitale Berlin, furent aussi le théâtre de scène de guérilla urbaine quand la SA lançait ses commandos fascistes contre les sections communistes de la ville, contre les piquets de grève et contre les manifestations ouvrières.

L’entrisme dans les syndicats ouvriers ne fonctionnant pas, les nazis eurent l’idée en 1929 de créer leur propre syndicat, le NSBO (l’équivalent du syndicat solidariste que tente actuellement d’implanter la mouvance identitaire française).

Mais peu d’ouvriers se rallièrent au NSBO, mais à contrario, les salariés « employés » avaient été plus réceptifs à cette création, mais lors des élections des conseils d’entreprise en 1931, le syndicat fasciste ne recueillit que 0.5% des voix, et en 1933, alors qu’Hitler était au pouvoir, il n’a recueilli que 3,8% des suffrages.

Ainsi, c’est devant les problèmes rencontrés par Hitler pour créer un parti de masse ayant une assise populaire et ouvrière forte, que les cadres du parti nazi décidèrent de revoir la stratégie d’ensemble dans l’approche du pouvoir, constatant l’impossibilité d’organiser un soulèvement.
En effet sans l’appui des masses populaires qui lui faisaient défaut, et le seul soutien des classes moyennes ne suffisant pas, pour ne pas réitérer l’échec de 1924, la décision fût prise de privilégier la voie légale qu’est le recours aux élections.

Ce choix stratégique fût confirmé lors d’un congrès à Nuremberg quand Hitler sorti de son discours social et anticapitaliste pour entamer un discours patriotique et nationaliste.

Toutefois, et c’est important de le souligner pour comprendre, ce qui se passera quelques années plus tard, avec ce changement d’orientation vers l’ultranationalisme fît des remous au sein du NSDAP, car de nombreux partisans de la manière forte, essentiellement issus de la SA, exposèrent leur désaccord sur les orientations du parti.

Ceci fût un nouveau révélateur des nombreuses tensions entre les courants qui traversaient le parti nazi, que l’on croyait gommées depuis 1926.

En effet la SA avait la volonté de privilégier le soulèvement populaire car elle représentait la tendance la plus prolétarienne du parti nazi.

Elle affichait un mépris visible des membres bourgeois du parti qui entouraient Hitler aux postes de direction. L’ambition des SA était non seulement la prise du pouvoir dans le pays, mais surtout la volonté de rompre avec le système basé sur la civilisation au moyen d’une « révolution nationale » (mis en avant aujourd’hui par la voix du mouvement identitaire et notamment par le groupe 3ème Voie).

Pour contrer l’influence de la SA lors de son arrivée au pouvoir le 30 janvier 1933, alors que l’Allemagne compte plus de 5 millions de chômeurs contre 380 000 en 1927, Hitler déclare rapidement que « la révolution nationale est en partie accomplie et que les militants du parti doivent éviter tout débordement et respecter la discipline qui désormais s’impose ».

Inconsciente de la véritable puissance d’Hitler, la direction des SA lancent le mot d’ordre de la « deuxième révolution allemande pour en finir avec la société capitaliste marchande ».

Cette opposition et cette indiscipline ne plaisent pas aux dirigeants nazis qui ont déjà en tête la suppression des libertés individuelles et la dissolution de la République constitutionnelle, ce qui sera mis en place le 28 février 1933, au lendemain de l’incendie du Reichstadt.

Le 23 mars qui suit, les pleins pouvoirs sont aux mains de nazis, le parlement s’auto dissout, et les 12 années de dictature commencent par la suppression des syndicats et la dissolution-interdiction des partis autres que le parti nazi.

Mais Heinrich Himmler, Reinhard Heydrich et Hermann Göring ont la mémoire tenace, ils inventent une tentative de coup d’Etat pour éliminer les principaux cadres des S.A. qui le paieront de leur vie, dont Röhm, le vieux camarade et compagnon de route d’Hitler.

Cette purge appliquée par les SS frappe les éléments nazis issus essentiellement de la droite catholique et conservatrice et aura lieu dans la nuit du 29 au 30 juin 1934 dans ce qui sera nommé « la nuit des longs couteaux ». Ce 30 juin 1934 marquera la fin des S.A. mais aussi la fin de toute opposition possible et tolérée à l’intérieur du parti depuis sa création, et ce jusqu’à sa fin en 1945.

6) coïncidences ?

Aussi, pour appréhender cette époque et la lier aux menaces de Barroso sur la dictature, révélées par John Monks, le secrétaire général de la confédération européenne dans le journal EU-Observer du 16 juin 2010, et comprendre la tactique contemporaine des fascistes en France et ailleurs, il faut revenir au Congrès du NSDAP à Nuremberg en 1927, qui est un tournant de l’histoire dont peu parle et pour cause.

Alors que jusqu’à présent le rapport de force était défavorable aux fascistes, les nazis commencent à monter au niveau électoral et leurs présences militantes s’accentuent dans les quartiers populaires et devant les entreprises où ils ne trouvent que très peu d’opposition.

Dès lors que le parti social-démocrate (SPD) qui se maintient au pouvoir jusqu’en 1930, commence à appliquer des politiques de rigueur de plus en plus impopulaires, les nazis cherchent à apparaître comme les véritables défenseurs des intérêts des travailleurs, pour attirer de nombreux militants déçus du pouvoir politique en place et par le manque de combativité de leurs organisations.

Puis, début 1927, les nazis mettent en place une sorte de gouvernement parallèle pour être prêts à prendre le pouvoir à tout moment, car déjà apparaissent les premiers soubresauts de la crise qui ébranlera le monde en 1929.

En mai, c’est le « vendredi noir » qui cause l’effondrement de l’économie allemande.

Le gouvernement met en place la semaine de 59h malgré l’opposition des communistes. Mais en juin, les syndicats obtiennent une augmentation des salaires de 5%.
La SS (police politique hitlérienne), restée discrète malgré sa création en 1925 avec une poignée de fidèles purs et durs dévoués corps et âme à Hitler, se renforce et compte désormais plus de 200 membres avec un nouveau chef dont le nom résonnera pendant des décennies, Heinrich Himmler.

Ainsi, au moment où les nazis commencent à militer dans et devant les usines pour critiquer les monopoles capitalistes qui affaiblissent les salariés allemands et montrer l’impuissance des syndicats, ils sont de plus en plus écoutés par une population au bord de la rupture.

De son côté, la SA commence à organiser des chômeurs, ainsi que des ouvriers déçus par les syndicats, les partis de gauche et la politique du gouvernement, pour s’attaquer aux militants communistes et socialistes mais aussi pour organiser des émeutes dans les cités ouvrières.

D’un autre côté les SA organisent des mouvements de grève dans les entreprises par l’intermédiaire des infiltrés qui agitent dans les syndicats, puis ils interviennent violemment contre les dirigeants syndicaux pour satisfaire les directions patronales qui avaient demandé du renfort au parti nazi.

Et cette situation s’aggravera lorsque la gauche social-démocrate (SPD) soutiendra le gouvernement de droite du chancelier Brüning, quand sont votées en 1931, des lois de baisse des salaires et de dégradation des conditions de vie ouvrière. Le syndicat majoritaire ADGB (équivalent de la CFDT en France) perdra alors de nombreux adhérents, suite à son compromis incompris, acceptant la baisse des salaires et la suppression de nombreux droits sociaux.

En 1928, le parti social-démocrate était le premier parti allemand. Il disposait d’un réservoir de 9 millions de votants, il comptait 900 000 adhérents et s’appuyait sur 5 millions de syndiqués à ADGB. Les communistes du KPD obtenaient trois millions de voix quand les Nazis n’obtenaient à peine 2,5 % des voix.

Aux élections de 1930, le SPD enregistrait un total de 7 millions de voix. Le parti communiste, 4.6 millions et les nazis, 6.4 millions.

7) Impuissance et sectarisme

En 1932, les nazis obtiennent 11.5 millions, soit 37.4% des suffrages quand le parti communiste en obtient 6 millions. Les nazis deviennent alors le premier parti d’Allemagne avec une majorité au parlement, une présidence du Parlement, le Reichstag, assurée par Hermann Göring.

  Aussi comment comprendre qu’en l’espace de deux ans, ce parti fasciste a inversé le rapport de force en sa faveur avec 37 % des voix alors que quatre années plus tôt la gauche est largement majoritaire face aux nazis ?
  Comment ces derniers ont-ils réussi à inverser la tendance ?
  Comment comprendre que la gauche allemande se fait laminer électoralement puis détruire par un parti fasciste qui jamais n’a eu une véritable assise ouvrière ?

Voilà les questions de fond qui nous intéressent car elles sont pour nous d’une actualité brûlante.

Aussi, il devient important et nécessaire de démontrer que l’attentisme, la sous-estimation, les erreurs d’analyse et de stratégies de la gauche allemande des années 20, ont entraîné le mouvement ouvrier dans une défaite qui encore aujourd’hui porte des traces.

Une fois de plus, toute ressemblance n’est pas fortuite et doit alimenter les débats.

Le parti social-démocrate était le principal parti de la gauche allemande et il avait le contrôle sur le principal syndicat ouvrier.
Ceci induit qu’en ayant la majorité des voix populaires, le pouvoir politique et le contrôle syndical, la responsabilité de la social-démocratie sur la montée des nazis, n’en est que plus grande.

A aucun moment dans cette période d’ascension du fascisme, le SPD, par manque d’analyse politique ou par calcul électoraliste, n’a daigné combattre les provocations et des exactions des nazis autant dans la rue que dans les propos.

Son attentisme est resté ainsi figé jusqu’à la prise de pouvoir par Hitler dans une posture de confiance aux institutions démocratiques et légalistes de la République pour écarter la menace de l’accession au pouvoir des fascistes.

La social-démocratie allemande, habituée à l’alternance démocratique depuis la mise en place de la République, a donc fait cette grave erreur, qui est toujours la même 80 années plus tard, de faire confiance aux lois, aux institutions et au peuple lui-même pour s’accrocher au pouvoir.

Aussi on retrouve d’une manière récurrente le même discours des dirigeants sociaux-démocrates, autant en 1930 qu’en 2012, sur la maturité des masses et sur le pouvoir des institutions pour ne pas tomber dans le fascisme. Ceci sous-entend que le fascisme est considéré par les sociaux-démocrates comme un fait naturel à minimiser… Ce qu’ils appellent un « épiphénomène » !

Aussi, quand les dirigeants de la social-démocratie allemande en 1930 affirmaient : « la force organisatrice et la plus haute éducation politique de la classe ouvrière allemande rendent impossible chez nous un écrasement aussi brutal de la démocratie » sont-ils des inconscients ou ne s’imaginent-ils pas que fascisme est insidieux et qu’il a l’art de manipuler l’opinion publique par des mensonges politiquement calculés sur le fil de la légalité.

De même qu’aujourd’hui, il y a une inconscience quant au silence incroyable du corps politique sur les déclarations de Barroso concernant les menaces de recours à la dictature en Europe.
C’est avec un tel comportement irresponsable que la social-démocratie a contribué à la prise du pouvoir par les nazis en freinant et même en s’opposant à la détermination d’une partie de ses militants qui voulaient répondre frontalement et avec la force, aux provocations des nazis.

Le résultat fût que cette passivité électoraliste et légaliste affaiblira les consciences notamment chez les employés, et divisera le SPD, puisque de nombreux militants, notamment ouvriers rejoindront des formations plus radicales et plus combatives dans le combat antifasciste, notamment le Parti Communiste.

La crise montante de la fin des années 20 mettra le SPD devant ses responsabilités et il se discrédita de plus en plus et en pratiquant des politiques de rigueur lorsqu’il sera au pouvoir.
Pire le SPD soutiendra sournoisement la rigueur lorsqu’il sera dans l’opposition en ne combattant pas frontalement le chancelier de droite Brüning, surnommé par le peuple « chancelier de la famine », qui faisait payer le poids de la crise essentiellement aux salariés et aux classes populaires.

Cette politique de rigueur bloque puis réduit les salaires des travailleurs, elle limite les allocations sociales, puis mène à des mesures d’austérité dramatiques pour les droits sociaux en détériorant les droits et les conditions de travail des salariés.

Le début des années 30 sera marqué par de nombreuses révoltes sociales et des grèves de plus en plus importantes en réaction à la situation criante d’inégalité et de misère que produit la crise économique.

En 1931, 30% des travailleurs sont sans emploi, c’est le terreau idéal pour la propagande des nazis qui mettent en place leur plan final.

8) Offensive bourgeoise

La bourgeoisie industrielle et le lobby financier deviennent très influents et poussent les gouvernements à plus de rigueur pour rendre compétitif l’industrie allemande, c’est ainsi que les salaires et les salariés deviennent une variable d’ajustement des coûts du travail, et que de la sécurité sociale et les droits sociaux sont remis en cause.

Avec l’argument de la « politique du moins pire », la social-démocratie laisse faire et n’engage aucun combat pour faire face au patronat et aux mesures d’austérité des gouvernements, pas plus qu’elle n’engage aucune lutte contre les offensives nazies qui se durcissent et qui attirent de plus en plus de sympathisants, victimes de la crise et de l’antagonisme entre capital et travail.
Pas plus qu’aujourd’hui il ne le fait, malgré l’histoire, les dirigeants sociaux-démocrates n’encourageront jamais les militants à rechercher l’unité d’action avec les communistes contre le danger commun incarné par le parti nazi.

Certes l’histoire ne se répète jamais de la même manière, mais les sociaux-démocrates allemands des années 1920-1930, comme les sociaux-démocrates français et européens d’aujourd’hui, se sont et se focalisent toujours sur des alliances avec les libéraux pour combattre ce qu’ils appellent avec mépris « le communisme » qu’ils considèrent comme un danger pour leurs intérêts.

Ainsi, historiquement et peut-être idéologiquement, ils rejettent donc volontairement, toutes les alliances qui permettent de lutter efficacement contre la menace fasciste, qui pourtant met en péril l’existence même de la gauche et de la démocratie… ce faisant ainsi complices.

Ce que les communistes sont capables de faire, les sociaux-démocrates l’ont toujours refusés même dans les moments critiques. Aussi, même si le SPD a été incroyablement puéril, insouciant, calculateur ou complice, le KPD, le puissant Parti Communiste allemand des années 30 n’est pas en reste quant à son analyse sur la situation et sur la stratégie à mettre en place contre la montée du nationalisme hitlérien.

En effet, son analyse sur la situation et sa stratégie furent, non pas aussi désastreuses que celles du SPD, mais trop faibles et peut-être empreintes de trop de sectarisme.

9) L’isolement

De sa création en 1920 jusqu’à son interdiction en 1933 le parti communiste enregistra un nombre de plus en plus massif d’adhésions et fût en constante progression jusqu’à l’arrivée d’Hitler au pouvoir. En conséquence, plus grande encore était sa responsabilité pour mener la lutte contre le danger du nazisme.

Même s’ils menaient des luttes frontales pour faire face à l’appareil nazi, il est indéniable que les communistes ont peut-être trop minimisé la réalité du danger que représentait Hitler pour les acquis démocratiques et les droits sociaux de tous les travailleurs.

Alors, même si des historiens mettent en avant que les dirigeants communistes auraient laissé faire et jugé que « la situation serait plus mûre pour une révolution socialiste après qu’Hitler aurait été appelé à diriger le pays », ceci est un raccourci pratique. Cela sous-entend que les communistes auraient attendu pour lancer une contre-offensive face à Hitler, c’est-à -dire que les communistes du KPD auraient « misé » sur le fait que la société capitaliste allemande creusait elle-même sa tombe en s’égarant dans le nazisme, c’est là une vision antimatérialiste d’intellectuels bourgeois qui écrivent l’histoire comme on écrit un roman.
Toutefois, il est quand même indiscutables de dire que les premiers slogans communistes n’étaient pas à la hauteur de la propagande de masse et liée aux réalités de la conscience populaire, et qu’elle montrait une forme de sentiment d’impuissance face à la montée fasciste : « Après Hitler, ce sera notre tour » ou encore « La mauvaise gestion d’Hitler le fera s’écrouler de lui-même ».

C’est cette vision que nous redécouvrons aujourd’hui avec ceux qui s’opposent à l’unité la plus large, au nom du purisme révolutionnaire sans faire la dialectique du rapport de force, ni de l’état de conscience des masses populaires désorientées.

Mais il faut être matérialiste et quand même rappeler que le basculement du pouvoir aristocratique du 2ème Reich vers une république bourgeoise au sortir de la 1ère guerre mondiale, ne s’est pas fait par la révolution socialiste telle qu’elle le fût en Russie où l’aristocratie et la primo-bourgeoisie ont été combattues et écrasées par le Peuple avec les armes à la main, pour aboutir à l’URSS.

En Allemagne, malgré le renversement (sans violence) de Guillaume II, l’aristocratie et la bourgeoisie sont restées maîtres des sites de productions, du système bancaire, et de la politique, c’est-à -dire maîtres du capital en tant que classe sociale antagonique à la classe sociale des travailleurs.

Les communistes ont certainement fait l’erreur d’analyse de nier que le capitalisme avait chargé le NSDAP, donc instrumentalisé Hitler en tant qu’a-gent du grand capital allemand, pour se débarrasser du « péril rouge et de la menace soviétique » qui n’en était pourtant qu’à sa phase de construction.

Ils se sont comportés comme si l’ascension du fascisme n’était qu’un épiphénomène et une conséquence mécanique et incontournable des contradictions du capitalisme industriel et financier qui voulait rétablir « l’ordre social en réduisant les droits et acquis » pour faire face à sa crise systémique en marche qui aboutira au crack mondial de 1929.

Aussi ce fût peut-être une erreur théorique des dirigeants du KPD, de voir que l’accession d’Hitler au pouvoir ne constituerait qu’une nouvelle centralisation des pouvoirs politique et économique dans les mains d’un Etat capitaliste pour concentrer les moyens de production et le capital financier pour exacerber les monopoles…

Mais on peut comprendre cette vue matérialiste de la situation dans une période de crise naissante qui amplifie l’antagonisme capital/travail. Des historiens, notamment les plus libéraux, insistent sur le fait que le KPD n’avait pas de crainte en s’appuyant sur la thèse que la liberté laissée au parti nazi pour se développer était sans réel soutien, ni de la grande bourgeoisie ni de l’aristocratie.

Or ceci est complétement faux car si les industriels et les financiers ont officialisé leur soutien à Hitler à partir de 1932, ils ont financé le parti nazi à partir des années 1924-1925 et surtout à partir de 1927 par l’intermédiaire de l’industriel Emil Kirdorf, le fondateur/président de la GBAGE, le puissant syndicat patronal du charbon allemand, qui en 1918, avec les industriels de la Ruhr et Gustav Krupp ont exigé la fin du 2ème Reich et l’abdication de Guillaume II, afin d’éviter une révolution bolchévique et la perte de leurs empires industriels…

L’arrivée d’Hitler au pouvoir dépendait directement de plusieurs paramètres :

  la défaite allemande de 1918 qui découle sur le remboursement d’une dette de guerre énorme et la perte de territoires (Alsace-Lorraine),

  la crise du capitalisme dont les visées, impériales et coloniales, étaient confrontées à la victoire de la révolution russe,

  l’évolution des rapports de force au sein de la société allemande entre forces progressistes et forces conservatrices.

Aussi, le parti communiste a-t-il pour autant fait oeuvre de passivité et de manque d’initiative, a-t-il eu une attitude fataliste, et porte-t-il en partie la terrible responsabilité de l’échec de la démocratie face au nazisme ?

Aussi, si on se réfère aux écrits, on pourrait se dire « en effet », pourtant il est certain que les communistes, rejoints par les antifascistes issus du SPD se sont mobilisés, pour défendre les quartiers populaires, les usines et la rue, de l’influence grandissante des nationaux-socialistes, et les combats de rue entre militants communistes et les miliciens de la SA furent violents.

Ces mobilisations antifascistes furent le théâtre de combats terribles entre les rivaux de classes dans 461 émeutes répertoriées, qui pour les seuls mois de juin et juillet 1932 firent 102 morts et plus de 400 blessés graves.

On ne peut mettre en doute l’héroïsme et la détermination des militants de base communistes, mais quand même, jamais ils n’auront jamais été en capacité d’organiser une majorité des travailleurs.

Au final, ils vont perdre définitivement la bataille de la rue quand les responsables municipaux les mettront sur le même plan que les fascistes, quand la police s’emploiera à se mettre systématiquement du côté des Nazis et quand la Justice se sont révélera être déjà infiltrée par la pensée nazie.

Pour les gauchistes qui ont combattus à la fois le nazisme et les communistes du KPD, la prise du pouvoir par Hitler n’était pas qu’une étape de plus dans la dégénérescence du système capitaliste. En effet, ils considéraient que c’était aussi la faillite des dirigeants sociaux-démocrates et communistes dans l’organisation des masses, créant une fois de plus le sentiment d’impuissance et l’unité difficile.

Pourtant, l’histoire nous a montré quelle est la capacité du mouvement ouvrier pour s’organiser et résister face à l’anarchie du marché en crise, mais aussi contre les prédispositions autoritaires de la République bourgeoise qui peut aller jusqu’à la disparition physique de la social-démocratie et du parti communiste.

10) Aussi rappelons-nous des dires de Barroso !

L’incroyable sectarisme des sociaux-démocrates vis à vis des communistes, et vice-versa dans une moindre limite, montre l’absence d’analyse du péril réel que faisait courir les nazis et Hitler pour les organisations de la gauche allemande des années 1930, qu’elles soient politiques ou syndicales.

C’est encore un parallèle inquiétant, car aujour-d’hui encore, la social-démocratie, la droite et les petits partis de l’extrême-gauche n’ont fait que « tirer à vue » et fustiger le Front de Gauche en s’en prenant à sa manière d’aborder les campagnes électorales 2012 contre le parti fasciste dé-diabolisé par une campagne médiatique menée par la bourgeoisie.
Cette inconscience politicienne a semé le trouble dans les masses fortement marquées par 10 années de néo-fascisation croissante de la société, avec des lois répressives et liberticides sur fond de racisme et de xénophobie, mais aussi sur un fort relent national-chauvin. Ils n’ont rien retenu de l’histoire.

On a pu ainsi réentendre les vieilles phrases rengaines sur « les extrêmes qui se rejoignent » ainsi que toutes les diatribes anticommunistes de la part de la droite haineuse attirée par les théories frontistes… on a même réentendu l’histoire des chars soviétiques de 1981…

Aussi cette négation par le SPD allemand des années 30, de la « fascisation croissante de la société » conduira au « social-fascisme » : le SPD, parce qu’il acceptait le cadre de la société bourgeoise, s’est donc laissé gagner par l’influence du fascisme sur sa propre structure !

Mais ici en France, durant ces dernières décennies, n’a-t-on pas entendu des phrases de dirigeants sociaux-démocrates qui conduisent à cela : de Rocard à Chevènement : de « on ne peut accueillir toute la misère du monde » aux « sauvageons des banlieues » sans oublier cet écologiste qui déclare : « les noirs et les arabes sont plus contrôlés car ils sont les principaux trafiquants de drogue »…

Et n’a-t-on pas entendu un ministre de la république, qui allait devenir le 1er durant toute l’ère sarkozyenne, déclarait que la pire année pour la France fût 1936…

L’erreur du KPD aura aussi été de refuser l’unité avec les sociaux-démocrates pour organiser la résistance et passer à l’offensive contre les nazis, avec le prétexte puriste que nazis et sociaux-démocrates étaient des ennemis commun des communistes puisqu’ils défendaient les intérêts de la classe capitaliste !

Aussi la gauche allemande auraient dû trouver un terrain d’entente pour s’unir, et faire front commun face à un danger commun dans une unité d’action.

Alors même si des voix se sont élevées pour exiger un impératif de mobilisation unitaire dans un front unique contre les nazis, une forme de sectarisme a muselé les partis de la gauche allemande.

Cette division sectaire a démobilisé les travailleurs qui n’ont pas su faire face aux attaques patronales et gouvernementales de 1931 à 1933, qui faisaient payer la crise aux plus pauvres tout en préparant la conquête du pouvoir par Hitler.

Tout ceci a été alimenté par des gouvernements incapables de résoudre les problèmes à mesure que la crise sociale se développait après la banqueroute de 1929.

De 1930 à 1933, ils seront tous impuissants devant la situation qui aggrave les inégalités pour préserver le système capitaliste en crise, cela va provoquer de nombreuses émeutes populaires et des grèves importantes dans les entreprises.

Jusqu’en 1930, chaque gouvernement était constitué par la majorité parlementaire du Parlement (le Reichstag). Le dernier gouvernement parlementaire selon cette méthode aura été celui conduit par le social-démocrate Hermann Müller.

Ensuite, et nous pourrions faire un parallèle avec l’Italie de 2012, tous les chefs de gouvernement ont été désignés directement par le Président de la République sans tenir compte de la majorité.

Cela veut bien dire que tout a été anticipé et qu’avant même l’accession au pouvoir par Hitler, la bourgeoisie allemande avait signé l’arrêt de mort de la république allemande de Weimar.

Les Industriels et les financiers ont agi par pressions successives sur les politiques pour que se mettent en place des pratiques antidémocratiques.

La bourgeoisie jouait à quitte ou double, car si elle avait réussi à éviter la révolution en 1918, elle devait trouver une solution rapide à la crise pour éviter une révolution 15 ans après la mise en place de la République, simplement pour protéger ses propres intérêts.

Ainsi elle trouva en Brüning, un dirigeant du centre droit catholique, le chancelier parfait pour appliquer une politique d’austérité économique qui eût comme conséquence rapide d’ aggraver le chômage et la précarité de masse.

Cette politique d’austérité fût soutenue par les sociaux-démocrates.
Soucieux d’un front républicain pour faire barrage à une droite conservatrice ultralibérale mais aussi d’isoler les communistes, le SPD paiera au prix fort cette stratégie du moins pire, en perdant de nombreux adhérents et il se discréditera auprès des masses.

Mais cette stratégie du moins pire du SPD s’avéra ne pas être la bonne car le vieux président Hindenburg, découvrant que Brüning n’était pas assez dur dans son programme de réformes imposées par le patronat et les financiers, le remplace en 1932 par Franz Von Papen, un monarchiste proche des nazis qui met en place un « cabinet des barons », nom donné à cause de sa composition conservatrice, ultra-catholique et aristocratique. Von Papen sera jugé à Nuremberg et accusé d’avoir conspiré avec les nazis pour persuader Hindenburg de prendre Hitler dans le gouvernement comme Chancelier.

Cette réunion secrète entre Von Papen, Hitler et Goebbels et des industriels de la Ruhr aura lieu chez le banquier Schroeder le 4 janvier 1933, avec pour but de préparer l’arrivée au pouvoir des nazis. Von Papen fût aussi la courroie de transmission avec les catholiques, et notamment avec le cardinal Eugenio Pacelli qui deviendra Pie XII en juillet 1933, et l’Opus Dei qui en 1945 mis en place la filière d’évasion des nazis, la filière Odessa.

Von Papen est un conservateur proche de la haute société aristocratique, et dès sa nomination au poste de chancelier, il met en action un programme radical contre les droits des travailleurs allemands : réduction des allocations chômage, baisse de salaires, augmentation du temps de travail, allégement des charges encore plus favorables aux entreprises.

Son but était de rétablir la situation financière du pays afin que les capitalistes puissent poursuivre les accumulations de richesses en améliorant la compétitivité pour faire face à la concurrence internationale. Il fallait donc réduire au maximum les coûts du travail.

11) Les années passent, les méthodes restent.

Mais devant la détermination des travailleurs, des syndicats et du KPD contre les réformes, affaibli par le manque de soutien de la social-démocratie qui avait compris son erreur, Von Papen se tourne vers les nazis en leurs proposant un « marché » (de dupe) : en échange de la coopération des nazis au Reichstag, il légalise la SA qui avait été interdite par Brüning, et met en place des élections anticipées.

Lors des élections de juillet 1932, le parti nazi s’impose comme la première force politique d’Allemagne, celle que les milieux industriels et financiers finirent par imposer après de nombreuses réunions avec Hitler, pour faire régner l’ordre dans le pays.

Aussi, avec les prochains paragraphes, il semble important de rappeler ce parallèle qui va raviver la mémoire collective des 5 dernières années ici en France. Toute ressemblance n’étant pas fortuite, cela doit nous amener à la réflexion collective.

Depuis 1925, avec l’aide d’Emil Kirdorf les nazis avaient déjà su tisser des liens avec les élites du pays afin de créer des relations plus étroites avec la droite conservatrice.

Suite à ces relations de plus en plus proches, Hitler s’associe dès 1930, avec Hünenberg le président du DNVP (Parti national du peuple allemand) qui est aussi un grand et puissant patron de presse, il offre à Hitler et aux nazis, une tribune médiatique d’ampleur pour développer la propagande national-socialiste.

C’est ensemble qu’ils créeront le « front de Harzburg » un bloc national pour dé-diabolisés et banalisés les nazis dans leurs approches des conservateurs et des élites traditionnelles.

C’est ainsi que le médecin Otto Steinert écrit : « Après les élections de septembre 1930, des groupes de pression de la grande industrie lourde multiplièrent les contacts avec le parti nazi et lui versèrent des fonds ; citons des industriels connus comme Fritz Thyssen, Hugo Stinnes, Paul Reusch, Albert Vögler, Fritz Springorum et leur porte-parole August Heinrichsbauer, qui toutefois ne devinrent pas membres du parti »

Puis de manière progressive, les nazis reçurent le soutien des élites traditionnelles du pays, le même Steinert écrit : « Au niveau des élites, Göring et Walther Funk établirent des relations avec l’aristocratie, le monde des affaires et les sphères gouvernementales ».

Hitler banalisé, le parti nazi dé-diabolisé, une organisation de soutien se met en place dans les milieux influents auprès de Hindenburg, et Hitler se voit proposer d’entrer dans le gouvernement de Von Papen.
Mais Hitler, fort de ses appuis, refuse d’être les sous les ordres de quelqu’un d’autre.

La tactique des nazis est de faire monter la pression sur Hindenburg et Von Papen, en se servant des S.A. pour provoquer des incidents de plus en plus violents, notamment dans les grandes villes.

L’agitation de rue et la propagande au travers de la presse nazie battent le plein, et influent autant dans les associations professionnelles que dans les églises où des unités entières de la SA se rendent en habits de parade (bottes et chemise brune) avec la bénédiction des prêtres et de pasteurs « bruns » acquis à leur idéologie.

Le manque d’unité entre SPD et KPD se ressent, malgré la résistance des communistes qui s’affrontent avec les nazis, les nazis deviennent une force incontournable.

Hitler rencontra à plusieurs reprises Von Papen mais ce dernier refuse de lui céder sa place de Chancelier. Hitler en colère (et on s’imagine) se sert d’une motion de censure déposée par les communistes au parlement pour faire tomber le gouvernement.

Hindenburg essaie en vain une dernière stratégie d’unité pour brider l’accession nazie et insiste auprès d’Hitler pour que le parti nazi participe et soit intégrer à une coalition de droite, mais Hitler, avec le soutien des industriels et des financiers, a déjà pris la décision qu’il sera Chancelier et rien d’autre.

En décembre 1932, Von Papen est remplacé par Von Schleicher qui cherche à négocier à nouveau le soutien des nazis dont « il méprise la démagogie mais admire le patriotisme ». Il reste convaincu, comme de nombreux responsables de la droite conservatrice, que les nazis peuvent encore être contrôlés et responsabilisés avec une intégration dans son gouvernement. Mais Hitler persiste et revendique le pouvoir.

Von Schleicher opte de contourner l’obstacle Hitler en s’adressant à l’un de ses principaux lieutenants, Gregor Strasser qui représente la tendance sociale du NSDAP.

Strasser, égocentrique mais aussi inconscient de sa décision, répond qu’il est prêt à prendre des responsabilités dans le gouvernement, mais aussi à engager tout l’appareil du parti nazi.

Quand Hitler et Goebbels apprennent la manoeuvre, ils font démissionner Strasser de toutes ses responsabilités au sein du parti, et considéré comme un traître, il sera exécuté lors de la « nuit des longs couteaux »

Le parti nazi est inquiet suite à son recul électoral de janvier 1933 et il traverse alors une grave crise d’identité devant le refus de la direction nazie d’intégrer le gouvernement.

Des militants rendent leur carte ou ne paient plus leurs cotisations, des chefs de la SA se rebellent, certains en sont arrivés à mendier et d’autres sombrent pas à pas dans le banditisme ou l’alcool, les dissidences se multiplient, les cotisations ne rentrent plus, les caisses sont à sec car les donations n’arrivent plus, les meetings (payants comme au FN) ne font plus recette.

Un moment d’incertitude, qui n’a jamais été exploité par la gauche à cause de ses divisions intestines, s’empare des principaux chefs nazis, dont Hitler lui-même, d’où sa phrase sur son suicide en cas d’écroulement de son parti.

Au même moment, Goebbels déclarait : « Le passé fut lourd et l’avenir est sombre et trouble. Toutes les perspectives et tous les espoirs se sont évanouis »

Toutefois, l’histoire va basculer et va profiter à Hitler, car la situation de paralysie politique est une aubaine pour les nazis.
Von Schleicher ne parvenant pas à sortir de la crise, il mécontente à la fois les travailleurs dont les mouvements de révolte et de grèves deviennent de plus en plus importants, et un patronat subissant les effets de la crise, qui considère que la politique menée par le chancelier Schleicher trop à gauche.

La politique d’austérité menée par Dühring, le « chancelier de la famine » dès juillet 1932 avait amené une importante confrontation avec les syndicats.

En arrivant au pouvoir, Von Schleicher opte pour des réformes moins dures et il annule la loi sur la réduction des salaires décidée par Von Papen, et rétablit certaines conventions collectives. 300.000 hectares de grandes propriétés agricoles en faillite sont redistribués à des petits paysans, ce qui sera nommé par le comte Kalckreuth du Landbund « le bolchévisme agraire ».

Pour faire face à cette politique de compromis avec les syndicats, les industriels et les financiers ripostent en utilisant Von Papen et les nazis.

12) Du sable dans les yeux

Mais tout ceci n’est qu’une mascarade pour cacher les intentions finales du capital allemand qui lors du 1er semestre 1932 a décidé de rallier massivement à l’idéologie nazie.

Ainsi, le 26 janvier 1932 à Düsseldorf, le banquier Von Schröder, un des financiers de longue date du parti nazi, organise une rencontre entre Hitler et des centaines de représentants du monde industriel et financier.

Ayant troqué son habituel chemise brune contre un complet bleu marine, sur le conseil de Thyssen et de Schacht, en deux heures, Hitler réussi à rallier son assistance dans un discours qui s’avère être un modèle d’habileté, pour rassurer le patronat en promettant que l’autorité sera non seulement maintenue mais renforcée par le gouvernement national-socialiste, et prédit un grand avenir à la nation allemande.

Hitler poursuit par des diatribes contre le pacifisme et les traîtres à la Patrie, puis il rend hommage à l’armée pour ne laisser aucun doute aux producteurs d’acier et d’énergies : la politique des nazis sera une politique de réarmement et de nationalisme.

Au bout de deux heures qui finiront sous l’ovation des puissants de cette Allemagne en crise, et après avoir porté des coups contre l’égalitarisme et la démocratie, Hitler conclut par la situation présente et du futur de l’Allemagne : « Aujourd’hui, nous nous trouvons au tournant du destin allemand. Si l’évolution actuelle se poursuit, l’Allemagne sombrera forcément un jour ou l’autre dans le chaos du bolchevisme, mais si une évolution est brisée, notre peuple sera pris dans une discipline de fer ».

Le dénouement est proche et le parti nazi arrive à ses fins, en plein échec de Von Schleicher qui ne voit lui rien venir, quand le 4 janvier 1933, Von Papen organise une rencontre avec Hitler chez le banquier Schröder à Cologne, ils proposent enfin à Hitler ce qu’il attendait depuis 1920, être chancelier dans un gouvernement de « concentration nationale » où Von Papen serait vice chancelier mais aussi avec l’entrée de Hugenberg, Hitler exigera aussi trois ministères clé, celui de l’Intérieur, de la Défense, et de l’Education.

Le 30 janvier 1933 à 11 heures, après avoir reçu l’adhésion de Von Blomberg, commandant en chef l’armée allemande (la Reichswehr), celui qui deviendra le Führer, prête serment en tant que chancelier.

Von Schleicher est ainsi écarté alors que le 10 janvier, il avait déclaré à un journaliste : « Hitler est au bout du désespoir car il sent que son parti est en train de se désagréger » puis le 13 janvier : « Les nazis, je m’en charge, ils viendront bientôt me manger dans la main ».

Le 31 janvier, alors que dans la nuit 15.000 militants nazis (SA et SS) défilent à Berlin de la porte de Brandebourg à la Chancellerie pour célébrer la victoire, le KPD propose aux syndicats et aux sociaux-démocrates du SPD, d’organiser une grève générale.

Refusant de sortir de la légalité tant que le gouvernement ne transgresse pas la Loi, le SPD refuse la grève générale du KPD et appelle ses militants à rester sur le terrain de la Constitution.
Petit à petit sur 10 années, Hitler et les nazis, minimisés, ont obtenu ce qu’ils voulaient en étant rarement dans l’illégalité totale et en usant d’une stratégie et d’une discipline.

Même s’il peut paraitre surprenant, que les partis de gauche se sont profondément divisés et sont restés passifs malgré les appels du KDP, les travailleurs ont montré régulièrement qu’ils attendaient un appel ferme d’une direction ferme pour se confronter avec Hitler et ses nazis.

Après le coup d’Etat semi-légal d’Hitler il y eût des démonstrations impressionnantes volonté de se battre par les travailleurs allemands dans des manifestations de masse spontanées et violentes qui éclatèrent dans plusieurs villes…

Mais il n’y eût aucun « ordre de bataille »

Le parti social-démocrate avait accepté l’idée de l’accession d’Hitler au pouvoir et mit en garde ses militants contre « toute action incontrôlée »

A partir du 1er février 1933, après les 12 années de sacrifice d’après-guerre, le peuple allemand va connaître 12 années qui les conduiront en enfer… mais lorsque de nouvelles élections anticipées sont organisées le 5 mars pour avoir une majorité, les nazis obtiennent 43.9% des suffrages quand toute la gauche totalise à peine 30%.

Et cet enfer s’entendra au monde entier avec au bilan plus de 50 millions de morts.
Aussi dès le mois de février, Hitler commence à éliminer ses ennemis jurés en faisant arrêter 4000 militants communistes, dont les principaux dirigeants pour les envoyer dans les camps de concentration et en interdisant la presse communiste

Ainsi le 23 mars 1933 les députés, par peur des représailles, ou par allégeance au führer, votent à une écrasante majorité (444 pour et 94 contre) la loi qui fait des nazis les maîtres de l’Allemagne en donnant les pleins pouvoirs à Hitler. Rappelons que les communistes ne sont plus présents, le KPD ayant été interdit.

Seuls quelques députés sociaux-démocrates pouvaient se mettre en opposition dans ce parlement dominé par les nazis et leurs complices de droite.
Toutefois, dans un dernier sursaut, Otto Wels le responsable du SPD motiva son vote contre dans un discours courageux de défense de la morale républicaine, et la conception humaniste et légaliste, et contre la violence permanente que provoquait le nouveau régime.

A peine Otto Wels terminait son discours qu’Hitler prit la parole pour lui dire : « Vous venez bien tard, mais vous venez. Les belles théories que vous venez de développer arrivent un peu trop tard devant l’histoire du monde »

Cette réponse d’Hitler est terrible, car c’est le pire des ennemis de la gauche qui lui rappelle son erreur fatale.

Les militants sociaux-démocrates comprendront trop tard la passivité légaliste et une forme de trahison de leur direction quand ils seront également persécutés et arrêtés.

La victoire d’Hitler n’a été possible qu’avec une bourgeoisie prête au pire pour conserver ses intérêts (d’où la prévision de Marx dans le Capital), et par la faillite intellectuelle d’une Gauche sectaire et désunies qui n’a jamais permis aux travailleurs de se mesurer réellement aux bandes nazies, au nom de cette légalité démocratique.

Ainsi, la classe ouvrière la plus puissante dans un pays capitaliste et la plus organisée de l’époque n’aura jamais été mobilisée dans la discipline pour cette bataille antifasciste, elle en a donc payé le prix qu’on ne pouvait être plus élevé.

Quant aux partis de la droite, ils se sont auto-dissouts lors de congrès extraordinaire, laissant ainsi les mains complétement libres à Hitler et des nazis qui désormais contrôlaient toutes la société allemande.

Ce qui fît dire à Goebbels : « Quel triomphe inimaginable ! Notre drapeau, mis au ban, ridiculisé et raillé, s’élève désormais comme symbole au-dessus du Reich entier. C’est le drapeau de la révolution nationale allemande ! »

Et Marine Le Pen le soir du 18 avril « On nous disait anéanti mais ce soir des millions de Français sont entrés en opposition, et ce n’est qu’un début »

Conclusion : après avoir lu ces 50 pages, c’est la vôtre en tant que militants-es éclairés-es.

Nous n’allons pas refaire l’histoire mais tout ceci mérite un débat sans sectarisme et des discussions sérieuses de fond avant qu’elle ne nous rattrape.

Bibliographie :

  Journal de Goebbels, Marlis Steinert.
  Daniel Guérin, Fascisme et grand capital.
  Ernest Mendel, Du fascisme.
  Pierre Milza, Les fascismes.

Sources :

EU-OBSERVER et DAILY MAIL du 16 et 17 juin 2010

« le président de la Commission européenne Jose Manuel Barroso a brandit devant les syndicats européens la menace du fascisme pour faire plier toute résistance aux plans d’austérité.

Lors d’un briefing extraordinaire aux dirigeants syndicaux la semaine dernière, Jose Manuel Barroso a dépeint une vision ’apocalyptique’ dans laquelle les pays sud-européens frappés par la crise pourraient subir des coups d’état militaires ou des soulèvements populaires face à la hausse des taux d’intérêt et à l’effondrement des services publics causés par la faillite des gouvernements. (…) John Monks, président de la Confédération européenne des syndicats (CES) s’est dit ’choqué’ par la sévérité de la mise en garde de l’ancien Premier ministre portugais. Monks a déclaré : ’j’ai eu une conversation avec Barroso vendredi dernier sur les solutions pour la Grèce, l’Espagne, le Portugal et les autres, et son message a été direct : ’S’ils n’exécutent pas ces plans d’austérité, ces pays pourraient réellement disparaître en tant que démocraties. Ils n’ont pas le choix, un point c’est tout.’ Il est très très préoccupé. Il nous a choqués avec une vision apocalyptique des démocraties européennes s’effondrant à cause de leur dette. »

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