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Auteur : Nolwenn WEILER

Risques toxiques : comment les cancers des ouvriers sont occultés par les industriels

Nolwenn WEILER

Souvent convoquée pour énoncer des vérités indiscutables, la science n’est pas neutre. Depuis 50 ans, elle participe même activement au développement incontrôlé des risques industriels : amiante, nucléaire, pesticides ou perturbateurs endocriniens. C’est ce que révèle le livre La science asservie. Santé publique : les collusions mortifères entre industriels et chercheurs, écrit par Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche à l’Inserm et spécialiste des questions de santé au travail. Elle y défend aussi une autre conception du travail scientifique, ancré dans la réalité des ouvriers, premières victimes des risques industriels. « En 1984, un ouvrier avait quatre fois plus de risques de mourir d’un cancer qu’un cadre supérieur. En 2008, ce risque est dix fois plus élevé », explique-t-elle. Entretien.

Basta ! : Quand, lors de votre carrière scientifique, avez-vous été confrontée pour la première fois aux collusions entre industriels et chercheurs ? Ce livre est issu de deux parcours de chercheurs, le mien bien sûr, mais aussi celui d’Henri Pézerat, décédé en 2009, qui fut directeur de recherche au CNRS dans le domaine de la toxico-chimie des minéraux. Il fut le premier chercheur à identifier les mécanismes de toxicité des fibres d’amiante et de bien d’autres poussières minérales. Dès les années 1980, nous étions convaincus l’un et l’autre, de la nécessité d’être à l’écoute d’une demande – implicite ou explicite – émanant de collectifs ouvriers aux prises avec les risques du travail, pour élaborer des recherches utiles à l’amélioration des conditions de travail. Nous ne savions pas alors à quel point la recherche en santé publique était dominée par les intérêts – lucratifs – des industriels et du patronat. Ce poids des industriels a permis la définition d’une dose seuil pour (…) Lire la suite »