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Auteur : Alain CHOUET

Boko Haram, le monstre utile

Alain CHOUET

Les preneurs d’otage de "Boko Haram" et leur chef, Aboubakar Shekau, sont présentés sur les plateaux français de télévision comme une bande de "fous furieux" et de "drogués". Hélas, ce mouvement terroriste est plus sophistiqué que cette présentation ne le laisse penser. Alain Chouet, ancien chef du "service de renseignement de sécurité" à la DGSE (services français), se penche sur les objectifs de Boko Haram, sur ses soutiens et sur ses modes de financement. François Hollande qui a invité à Paris le Nigeria et ses voisins pour préparer "une riposte régionale" à la prise d’otages du groupe terroriste devrait lire cette contribution fort instructive.

L’effervescence médiatique et « pipole » mondiale suscitée, avec d’ailleurs beaucoup de retard, par l’enlèvement et la séquestration de 250 jeunes filles dans le nord du Nigeria a présenté toutes les caractéristiques d’un feu de paille. Violente et brève. Elle a donné lieu à une profusion de plateaux télé à l’occasion desquels une kyrielle d’experts – ou soi-disant tels – de l’Afrique et du terrorisme sont venus doctement nous expliquer que les preneurs d’otages et surtout leur chef, Aboubakar Shekau, sont une bande de fous furieux bien décidés, sans doute sous l’empire de stupéfiants, à islamiser l’Afrique par le fer et le feu et à y délocaliser l’organisation de feu Ben Laden dont personne ne sait plus très bien où elle se trouve. L’explication est donc fort simple : les militants de Boko Haram sont des abrutis méchants qui veulent reconstituer Al-Qaïda en Afrique par une alliance que l’on subodore d’ouest en est avec AQMI au Sahel et les shebab somaliens. L’horreur délirante (…) Lire la suite »

Conséquences et leçons du « putsch » familial de Doha

Alain CHOUET

Traité en mode mineur dans les rubriques « pipoles » de la presse occidentale, l’abdication le 25 juin 2013 de l’émir régnant du Qatar, Hamad bin Khalifah, en faveur de son fils Tamim âgé de 33 ans constitue en fait un véritable séisme politique tant à l’intérieur de l’Émirat que dans l’ensemble du monde arabe. Rien ne semblait en effet justifier cette transition brutale et inattendue dans une société où le respect de l’âge est fondamental, où les successions s’opèrent normalement par la voie fraternelle et où l’on ne peut s’affranchir de ces contraintes qu’au prix d’un véritable « coup d’État » comme l’avait fait Hamad bin Khalifah contre son propre père en 1995. Et, de fait, « l’abdication » de l’Émir semble avoir été obtenue au terme d’un conseil de famille houleux où la fronde a été menée par la Cheikha Mozah, mère du prince Tamim, souvent présentée comme le « Père Joseph » du régime qatari. Mais cette bronca privée n’a pas pour seule motivation les appétits de pouvoir de telle ou telle branche de la famille.

Le Qatar a bâti sa récente et colossale fortune sur la « monoculture » du gaz naturel. C’est cette fortune qui a permis à l’Émirat au cours des quinze dernières années de gérer son insertion difficile entre deux voisins puissants et dangereux. Au sud, l’Arabie Séoudite avec laquelle il est en rivalité sur le plan religieux et qui avait juré sa perte, en allant même demander sans succès aux Égyptiens d’en chasser l’Émir manu militari au tournant des années 2000. Au Nord, l’Iran chiite et ses 75 millions d’habitants, foncièrement hostile aux Wahhabites et qui partage avec l’Émirat l’exploitation de la même poche de gaz au fond du Golfe persique, situation à terme lourde de contentieux. Ainsi menacé, le Qatar a repris à son compte les stratégies mises en œuvre par son rival séoudien dans les années 1980 : d’une part, se concilier par l’argent et des investissements massifs l’appui politique et la protection armée des grandes puissances militaires d’Occident ; et, d’autre part, tenter (…) Lire la suite »

Analyse de la situation en Syrie

Alain CHOUET

Invité de l’Association Régionale Nice Côte d’Azur de l’IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale) le 27 juin 2012, Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE, reconnu bien au delà de l’Hexagone pour son expertise du monde arabo-musulman, livre ici une vision intéressante et décapante.

Les pires conjectures formulées au premier semestre 2011 concernant les mouvements de révolte arabes deviennent aujourd'hui réalité. Je les avais largement exposées dans divers ouvrages et revues à contre courant d'une opinion occidentale généralement enthousiaste et surtout naïve. Car il fallait tout de même être naïf pour croire que, dans des pays soumis depuis un demi-siècle à des dictatures qui avaient éliminé toute forme d'opposition libérale et pluraliste, la démocratie et la liberté allaient jaillir comme le génie de la lampe par la seule vertu d'un Internet auquel n'a accès qu'une infime minorité de privilégiés de ces sociétés. Une fois passé le bouillonnement libertaire et l'agitation des adeptes de Facebook, il a bien fallu se rendre à l'évidence. Le pouvoir est tombé dans les mains des seules forces politiques structurées qui avaient survécu aux dictatures nationalistes parce que soutenues financièrement par les pétromonarchies théocratiques dont elles partagent les (…) Lire la suite »
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