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Auteur : Louis ALTHUSSER

"Idéologie et appareils idéologiques d’État. (Notes pour une recherche)". (V)

Louis ALTHUSSER

... Ou de la subtilité du gavage : art selon lequel l'oie n'existe que par et pour le gavage, et le gavage que par sa fonction de constituer l'oie. Après avoir avoir exposé à l'issue de sa thèse I que "dans l'idéologie est donc représenté non pas le système des rapports réels qui gouvernent l'existence des individus, mais le rapport imaginaire de ces individus aux rapports réels sous lesquels ils vivent", ce qui paraît effectivement en parfait accord avec la pensée de Marx (non pas exposée de façon abstraite, mais constamment mise à l'épreuve dans ses œuvres aussi bien politiques qu'économiques) L. Althusser aborde la question de l'existence matérielle des "idées". Les fameuses "idées" qu'à la fin, et pour notre soulagement, il élimine de son champ conceptuel pour avancer qu'il n'existe de pratique que dans une idéologie, et qu'il n'y a d'idéologie que par et pour des sujets. Il en arrive alors au caractère qu'il appelle, - en empruntant à la psychanalyse, spéculaire de l'idéologie, et qu'à la lecture, en mon fors intérieur, j'avais d'abord repéré comme circulaire, car il s'agit du cercle véritablement infernal dans lequel "la catégorie de sujet n'est constitutive de toute idéologie, qu'en tant que toute idéologie a pour fonction (qui la définit) de « constituer » des individus concrets en sujets." En bref, au fait que chacun vit l'évidence de l'idéologie et son caractère indispensable comme le poisson dans l'eau. M. D.

Thèse II : L'idéologie a une existence matérielle. Nous avons déjà effleuré cette thèse en disant que les « idées » ou « représentations », etc., dont semble composée l'idéologie, n'avaient pas d'existence idéale, idéelle, spirituelle, mais matérielle. Nous avons même suggéré que l'existence idéale, idéelle, spirituelle des « idées » relevait exclusivement d'une idéologie de l'« idée » et de l'idéologie, et, ajoutons-le, d'une idéologie de ce qui paraît « fonder » cette conception depuis l'apparition des sciences, a savoir ce que les praticiens, des sciences se représentent, dans leur idéologie spontanée, comme des « idées », vraies ou fausses. Bien entendu, présentée sous la forme d'une affirmation, cette thèse n'est pas démontrée. Nous demandons simplement qu'on lui accorde, disons au nom du matérialisme, un préjugé simplement favorable. De longs développements seraient nécessaires à sa démonstration. Cette thèse présomptive de l'existence non spirituelle mais matérielle des (…) Lire la suite »

"Idéologie et appareils idéologiques d’État. (Notes pour une recherche)". (IV)

Louis ALTHUSSER

Quand nous disions dans l'introduction à la précédente parution que "l'idéologie" que l'on rencontre si souvent dans les propos pouvait être un sujet à approfondir... Nous vivions sur le souvenir de la lecture "à chaud" de cet article de Louis Althusser, lors de sa parution dans la revue marxiste "La Pensée" (en 1970 ! il y aura bientôt un demi-siècle), et qu'à vrai dire nous avions alors "avalé" pour n'en retenir que les éléments essentiels, mais sans nous rendre compte de son épaisseur, entendue au propre comme au figuré. Si bien qu'il ne nous sera pas possible d'en arriver dès aujourd'hui à sa conclusion : le philosophe opère un si long détours (celui que nous avons déjà annoncé) sur la question de l'idéologie ! Il y aura donc encore une suite, si Le Grand Soir, - et ses lecteurs, ne se trouve déjà repus. Il faudra se faire dans cette partie à la pensée du philosophe qui aimait à la présenter de façon apparemment paradoxale. Il nous semble, pour compléter un peu ce que dit L. Althusser, ou insister sur ce point, que tout "Le Capital" est parcouru par le principe qui est ici énoncé : l'idéologie n'est pas directement le reflet (fantasmagorique) des conditions d'existence des individus, mais celui de leur rapport à ces conditions d'existence. Ce qui se trouve de façon lapidaire chez K. Marx dans la "Préface à la Contribution..." sous la forme : "Pas plus qu'on ne juge un individu sur l'idée qu'il se fait de lui-même, on ne juge une telle époque de bouleversements etc."

À PROPOS DE L'IDÉOLOGIE Lorsque nous avons avancé le concept d'Appareil idéologique d'État, lorsque nous avons dit que les AIE « fonctionnaient à l'idéologie », nous avons invoque une réalité, dont il faut dire quelques mots : l'idéologie. On sait que l'expression : l'idéologie, a été forgée par Cabanis, Destutt de Tracy et leurs amis, qui lui assignaient pour objet la théorie (génétique) des idées. Lorsque, 50 ans plus tard, Marx reprend le terme, il lui donne, dès ses œuvres de jeunesse, un tout autre sens. L'idéologie est alors le système des idées, des représentations qui domine l'esprit d'un homme ou d'un groupe social. La lutte idéologico-politique menée par Marx dès ses articles de la Gazette rhénane devait rapidement le confronter à cette réalité, et l'obliger à approfondir ses premières intuitions. Pourtant, nous nous heurtons ici à un paradoxe assez étonnant. Tout semblait porter Marx à formuler une théorie de l'idéologie. De fait L'Idéologie allemande nous offre (…) Lire la suite »

"Idéologie et appareils idéologiques d’État. (Notes pour une recherche)". (III)

Louis ALTHUSSER

Une première partie amenait à la question de la reproduction de la force de travail et, à travers celle-ci, de façon très générale à cette autre question : qu'est-ce qu'une société ? La seconde partie reprenait la thèse marxiste de l'organisation de toute formation sociale selon l'image spatiale "infrastructure-superstructure", qui conduisait à distinguer l'appareil d'État de l'exercice du pouvoir d'État, et à distinguer leur fonction répressive de leur fonction idéologique. Le philosophe dégageait à la suite le concept d'Appareil Idéologique d'État (AIE). Il commence, dans cette troisième partie (découpage de notre fait, que la densité du propos appelle), par faire le point ; puis il avance la thèse selon laquelle, dans la société bourgeoise, l'École (couplée avec la Famille) est l'Appareil idéologique largement dominant, celui qui permet la reproduction de la force de travail. Ensuite, dans une quatrième partie à venir, il étudiera à fond (par un de ces longs détours si riches et qui lui sont familiers) la question qui passionne parce qu'elle est souvent rencontrée dans les propos mais non moins souvent laissée dans le vague : qu'est-ce donc que l'Idéologie ? M.D.

SUR LA REPRODUCTION DES RAPPORTS DE PRODUCTION Nous pouvons alors répondre à notre question centrale, restée pendant de longues pages en suspens : comment est assurée la reproduction des rapports de production ? Dans le langage de la topique (Infrastructure - Superstructure) nous dirons : elle est, pour une grande part [12], assurée par la superstructure, juridique, politique et idéologique. Mais puisque nous avons considéré comme indispensable de dépasser ce langage encore descriptif, nous dirons : elle est, pour une grande part [13], assurée par l'exercice du pouvoir d'État dans les Appareils d'État, l'Appareil (répressif) d'État d'une part, et les Appareils idéologiques d'État d'autre part. On voudra bien tenir compte de ce qui a été dit précédemment, et que nous rassemblons maintenant sous les trois traits suivants : 1. Tous les Appareils d'État fonctionnent à la fois à la répression et à l'idéologie, avec cette différence que l'Appareil (répressif) d'État fonctionne (…) Lire la suite »

"Idéologie et appareils idéologiques d’État. (Notes pour une recherche)". (II)

Louis ALTHUSSER

Nous nous sommes permis dans cette suite d'essayer d'aller à l'essentiel de la pensée du philosophe en faisant l'impasse sur quelques-uns de ses développements. En souhaitant ne pas avoir nui à l'intelligibilité ni à a cohérence de son propos. M. D.

INFRASTRUCTURE ET SUPERSTRUCTURE Nous avons eu l'occasion [4] d'insister sur le caractère révolutionnaire de la conception marxiste du « tout social » en ce qui le distingue de la « totalité » hégélienne. Nous avons dit (et cette thèse ne faisait que reprendre des propositions célèbres du matérialisme historique) que Marx conçoit la structure de toute société comme constituée par les « niveaux » ou « instances », articulés par une détermination spécifique : l'infrastructure ou base économique, (« unité » des forces productives et des rapports de production), et la superstructure, qui comporte elle-même deux « niveaux » ou « instances » : le juridico-politique (le droit et l'État) et l'idéologie (les différentes idéologies, religieuses, morale, juridiques, politique, etc.). Outre son intérêt théorico-pédagogique (qui fait voir la différence qui sépare Marx de Hegel), cette représentation offre l'avantage théorique capital suivant : elle permet d'inscrire dans le dispositif (…) Lire la suite »

"Idéologie et appareils idéologiques d’État. (Notes pour une recherche)". (I)

Louis ALTHUSSER

(Article originalement publié dans la revue La Pensée, no 151, juin 1970.)

Dans les premières luttes théoriques de Lénine figurent ses études sur la question de la reproduction des moyens de la production. Elles reprennent et prolongent celles de Marx dans le livre II du Capital, en les plaçant comme elles du point de vue économique, c'est-à-dire en s'intéressant à ce qui se passe du côté du "Secteur I" du capital.
L'intérêt de la contribution de L. Althusser sur ce point essentiel de la reproduction, sans lequel on ne peut d'ailleurs rien comprendre à l'économie, est qu'elle quitte le terrain de la critique de l'économie politique pour s'attacher cette fois à ce qui se passe du côté des hommes.

M.D.

En voici l'introduction, intitulée :

SUR LA REPRODUCTION DES CONDITIONS DE LA PRODUCTION Il nous faut maintenant faire apparaître quelque chose que nous avons, le temps d'un éclair, entrevu dans notre analyse lorsque nous avons parle de la nécessité de renouveler les moyens de production pour que la production soit possible. C'était une indication en passant. Nous allons maintenant la considérer pour elle-même. Comme le disait Marx, un enfant lui-même sait que, si une formation sociale ne reproduit pas les conditions de la production en même temps qu'elle produit, elle ne survivra pas une année. La condition dernière de la production, c'est donc la reproduction des conditions de la production. Elle peut être « simple » (reproduisant tout juste les conditions, de la production antérieure) ou « élargie » (les étendant). Laissons de côté pour le moment cette dernière distinction. Qu'est-ce donc que la reproduction des conditions de la production ? Nous nous engageons ici dans un domaine à la fois très familier (…) Lire la suite »