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Z’avez pas vu les riches ?

Qui l’aurait cru ? Les riches ont disparu ! Subitement, en lousdé, à la rentrée. Sans que personne ne soit prévenu, pas même les heureux intéressés par cet effacement discret. Pourtant, l’affaire couvait depuis quelques temps bien à l’abri dans les communications confidentielles des « boîtes à penser » de la « gauche caviar ». Les plus proches amis des élucubrateurs patentés avaient compris que l’affaire était trop grave pour être longtemps maintenue dans l’ombre. Le populo serait bientôt mis au parfum. Au parfum de la glorification retrouvée des patrimoines florissants. Les médias entrèrent en scène, au sortir d’un été torride, en serviteurs empressés des idées neuves.

Bon ! avouons-le tout de suite : y a un truc ! Les riches sont de fait toujours bien vivants et continuent de voler au firmament de leur grandiose réussite. Mais, prenant toujours plus d’altitude, ils sortent progressivement des écrans-radars avec, de surcroît, l’aide précieuse des aiguilleurs de la pensée céleste en gauche incertaine. C’est comme si l’on avait tendu entre les riches et ceux qui voudraient encore les voir pour ce qu’ils sont un immense rideau. Le tapissier en chef, hôte de l’Elysée, Majax incontesté de la politique moderne a soigneusement tissé en lettres d’or sur la rosâtre tenture la formule magique : « politique de l’offre ». Un vocable abscons en guise de camouflage majuscule, de foutage de gueule à gogos. Le ronflant concept de la pensée économique orthodoxe dissimule de royaux ( !) cadeaux faits aux entreprises derrière lesquelles sont embusqués – double camouflage – d’opulents actionnaires. Auparavant, l’on avait veiller à ne surtout pas envisager la réforme fiscale d’envergure promise sous d’autres cieux. Entendez bonnes gens : on ne cajole pas la richesse des riches, on favorise la compétitivité des entreprises françaises agissant dans l’intérêt de la Nation.

C’est à la rentrée, au moment où la plupart des braves gens songent encore à leurs récentes vacances, qu’ils appuyèrent un bon coup sur le champignon. Un train de mesures favorisant davantage encore les entreprises fut décidé. Et surtout l’on commença d’entendre sur les ondes ou de lire dans le journal un insidieux refrain. Un refrain louangeant l’envolée des patrimoines au cours des dix dernières années. Ainsi, sur France Culture au petit matin d’un jour de la mi-septembre nous avons pu recevoir une leçon de redressement de nos esprits trop longtemps égarés du côté de l’espoir en une société moins inégale. D’une voix calme et reposée, un brin sentencieux, l’invité de la station énonça la justification imparable de son ralliement à la cause des plus fortunés de nos congénères : ‘On ne va tout de même pas regretter les années cinquante où les patrimoines avaient été laminés par la guerre. » Personne, bien sûr, ne souhaite revenir aux années cinquante mais il est toujours bon d’agiter quelque épouvantail en guise de calmant des incrédulités éventuelles. Nul ne songe non plus à évoquer les années quarante, celles de l’Occupation, où les possédants, respectablement planqués, attendaient que passe la tourmente nazie. On ne pense pas davantage à la fin des années trente quand les mêmes possédants scandaient bravement : « Plutôt Hitler que le Front populaire ! »

Le « choc de compétitivité » passerait donc par le sauvetage obligé des grandes fortunes. Comme ce discours est vieillot. Apparemment moderne en raison du contexte actuel – la mondialisation débridée – il est aussi vieux que la Droite la plus conservatrice. Plus les fortunes grossissent, plus les pauvres en recevront quelques subsides. S’il existe des pauvres, ce n’est en rien parce qu’il existe des riches. Et plus encore : la très grande richesse n’a aucunement à voir avec la très grande pauvreté. Que des hommes et des femmes se disant de gauche – ne serait-ce que du bout des lèvres – reprennent à leur compte ces fadaises convenues est tout bonnement sidérant. Est-il possible d’être tellement éloigné de la réalité sociale quand on se fait élire pour changer cette réalité ? Les cures d’austérité enfoncent doucement sous la ligne de survie des pans entiers des peuples de l’Europe. Le chômage réel, la précarité des emplois et la souffrance au travail progressent partout. La haine raciale que stimule la désignation facile de boucs émissaires prospère en maintes contrées de notre continent. Et il faudrait qu’à côté des ruines en extension les nantis se gabent encore, que leur patrimoine, au nom de la préservation de « notre » culture, enfle sans limites ! L’indécence est-elle à son tour sans limites ? Et encore n’avons-nous pas compté l’énorme empreinte écologique suscitée par les fortunes astronomiques.

Un gouffre va s’ouvrir qui engloutira tout, y compris les âmes bien nées et leur ancestral patrimoine. On ne peut plus se contenter de n’agir que dans les marges du système capitaliste, système où le capital tourne désormais largement à vide. Mike Davis, fin analyste du mouvement « Occupy Wall Street », le confirme sans ambiguïté : « La question essentielle n’est pas une augmentation de l’imposition des riches ou celle d’une meilleure régulation du système bancaire. C’est celle de la démocratie économique : le droit des gens ordinaires de prendre de macro-décisions sur les investissements sociaux, les taux d’intérêts, les transferts de capitaux, la création d’emploi, et le réchauffement climatique. Si le débat ne porte pas sur le pouvoir économique, il est hors de propos. »

Hélas ! les bourgeoisies repues et leurs nouveaux alliés préfèrent rester sur leur mauvais chemin. Il faudrait avoir la force de leur barrer la route et les délester, comme le faisaient les bandits de grand chemin, de leur trop lourd fardeau. Jadis, ils eurent été estourbis !

Yann Fiévet

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