Un petit club de sociétés juridiques, d’arbitres et de spéculateurs financiers internationaux alimentent un boom de l’arbitrage d’investissement, qui coûte des milliards de dollars aux contribuables et empêche de légiférer dans l’’intérêt public, d’après un nouveau rapport du Transnational Institute et du Corporate Europe Observatory.
"Profiting from injustice" (Les profiteurs de l’injustice) met à jour une industrie juridique opaque mais florissante, qui bénéficie aux multinationales au détriment des contribuables, de l’environnement et des droits humains. Les firmes juridiques et les arbitres, qui engrangent des millions sur les différends d’investissement initiés contre des gouvernements, défendent activement l’ouverture de nouveaux cas [1] et font du lobby contre toute réforme initiée dans l’intérêt public.
D’après Cecilia Olivet, du Transnational Institute, l’une des auteurs du rapport, "l’indépendance et l’impartialité prétendues de l’arbitrage d’investissement sont complètement illusoires. Les gouvernements ont les mains liées, alors que les multinationales bénéficient de l’intrinsèque partialité du système en faveur du secteur privé. Une poignée de sociétés encouragent activement leurs entreprises clientes à poursuivre des gouvernements ; pendant ce temps les principaux experts de l’arbitrage usent de leur influence pour préserver les règles favorables aux investisseurs, et maintenir le flot des procédures générant des millions de dollars."
Le rapport de 76 pages explique comment l’arbitrage relatif à l’investissement, qui fut originellement conçu pour les cas d’expropriation directe, a explosé ces dernières années. Il y avait 450 cas connus en 2011, contre 38 en 1996 [2]. Le montant des frais et des indemnités a également grimpé en flèche, les frais de justice et d’arbitrage s’élevant en moyenne à plus de 8 millions de dollars par litige, et même plus de 30 millions de dollars (US$) dans certains cas [3].
Le secteur est dominé par un petit nombre de cabinets juridiques occidentaux [4] et d’ arbitres d’élite [5]. Trois compagnies, Freshfield (UK), White & Case (US), et King and Spalding (US) se targuent d’avoir été impliquées dans 130 dossiers relatifs à des disputes d’investissement pour la seule année 2011, alors que 15 arbitres - la ’mafia intérieure’ - ont décidé de 55% de toutes les disputes connues relatives à des traités d’investissement.
Beaucoup d’arbitres agissent aussi en tant que conseil, et travaillent dans le même temps comme chercheurs, conseillers gouvernementaux, lobbyistes et commentateurs dans les médias. Certains ont des liens personnels et commerciaux solides avec le monde des affaires. Ces liens leur donnent une grande influence sur le système, qu’ils ont un intérêt direct à préserver [6].
Le rapport décrit également un nouvel aspect du secteur de l’arbitrage relatif aux investissements : le financement par des tiers. De plus en plus, des fonds d’investissement comme Burford (US) et Juridicia (UK) spéculent sur des cas, prêtent de l’argent aux compagnies pour qu’elles puissent poursuivre des gouvernements, et prennent entre 20 et 50% de l’indemnité finale décidée lors de l’arbitrage [7].
Les différends emblématiques État-investisseur comprennent le géant du tabac Philip Morris, qui a poursuivi l’Uruguay et l’Australie pour des avertissements de santé publique sur les paquets de cigarettes ; et la compagnie suédoise Vattenfall, qui demande 3,7 milliards de dollars à l’Allemagne suite à la décision nationale de sortir du nucléaire.
Certains gouvernements engagent des actions contre l’arbitrage relatif aux investissements. L’Australie n’autorise plus de dispositions prévoyant des mécanismes d’arbitrage État-investisseur dans ses accords commerciaux. La Bolivie, l’Équateur et le Venezuela ont mis un terme à plusieurs traités d’investissement ; et l’Afrique du Sud vient juste d’annoncer qu’elle n’entrera plus dans aucun nouvel accord, et qu’elle renouvellera pas non plus les anciens.
Pour Pia Eberhardt, du Corporate Europe Observatory, l’autre auteur du rapport, "les actions égoïstes du secteur de l’arbitrage relatif aux investissements ont dévoilé les injustices inhérentes au coeur du régime international de l’investissement. Les gouvernements devraient refuser de signer des traités d’investissement, exclure les clauses qui permettent aux entreprises de poursuivre l’État, ou, à tout le moins, s’assurer que les lois d’intérêt public telles que la protection de l’environnement et des droits humains ne peuvent pas être contestées."
Le rapport complet (pour l’instant en anglais uniquement) peut être téléchargé ici : http://www.tni.org/ProfitingFromInjustice.pdf
http://www.corporateeurope.org
Corporate Europe Observatory (CEO)
CranachstraàŸe 48
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Germany