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Un mot perdu de Jean Moulin

La souveraineté populaire reste un questionnement permanent pour toutes celles et tous ceux qui gardent le souci de trouver un remède certain à l’exploitation de l’être humain par l’être humain. Il s’avère qu’en ce domaine Jean Moulin nous a fourni une réponse qui ne peut manquer de nous troubler au plus haut point, puisqu’elle lui aura valu d’être immédiatement éliminé...

La page 445 du deuxième tome des Mémoires de guerre de Charles De Gaulle ("L’Unité - 1942-1944", Editions Plon 1956) est un document fondamental pour l’Histoire de la France de la seconde moitié du vingtième siècle et du début de celui que nous sommes occupé(e)s à vivre.

Elle porte le texte fondateur du Conseil de la Résistance, ce fruit essentiel de la réflexion politique de Jean Moulin, et de son action sur le sol d’une France pliée sous la double botte des nazis et de Vichy.

Mais elle le fait d’une étrange façon, puisqu’elle tord le cou à l’essentiel de sa parole. Voyons cela de plus près.

La phrase qui doit retenir toute notre attention est celle-ci :

"Afin que le Conseil de la résistance ait le prestige et l’efficacité nécessaires, ses membres devront avoir été investis de la confiance des groupements qu’ils représentent et pouvoir statuer... sur l’heure au nom de leurs mandants."

Ces trois points de suspension n’apparaissent que chez Charles De Gaulle. Tous les historiens qui se sont penchés sur les documents d’époque placent ici un adverbe.

Mieux : dans les deux brouillons, laissés par Jean Moulin, des versions qu’il avait rédigées en France à la fin de 1942 et au début de 1943, il y a ce même adverbe : "souverainement".

Après la première réunion du Conseil de la Résistance (27 mai 1943), Jean Moulin est donc le président de l’organe souverain : dès lors, que devient le général De Gaulle ?

Grave question.

Mais l’Histoire (l’Histoire ?) a répondu : vingt-cinq jours plus tard, victime d’une trahison dont les responsables sont connus depuis le premier jour, Jean Moulin était arrêté par Klaus Barbie (21 juin 1943), qui abîmerait suffisamment cet homme – dont on comprend bien désormais qu’il était impérieux de faire taire la voix – pour qu’il ne puisse que très vite en mourir (8 juillet 1943).

Michel J. Cuny

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