En début de mois, le site DeDefensa.org a publié ma dernière étude, intitulée « La guerre secrète multinationale de la CIA en Syrie et le chaos islamiste ». Cet article est une analyse approfondie de l’implication massive, illégale et clandestine de la CIA dans la déstabilisation de la Syrie – cette politique profonde ayant mobilisé différents services spéciaux moyen-orientaux et occidentaux. Dans cette étude, j’ai expliqué pourquoi l’engagement massif de la CIA et de services spéciaux alliés en Syrie pourrait être considéré comme une guerre secrète multinationale de grande ampleur, à l’image des politiques profondes de l’Agence au Nicaragua et en Afghanistan dans les années 1980. Essentiellement, j’ai analysé en quoi cette intervention de la CIA et de ses partenaires avait favorisé jusqu’à présent la montée en puissance de réseaux islamistes que l’Occident est censé combattre, parmi lesquels Daech et le Front al-Nosra, c’est-à-dire la branche syrienne d’al-Qaïda.
Or, quelques jours avant la publication de mon article, cette guerre secrète de la CIA a été confirmée et dénoncée sur CNN par la représentante au Congrès des États-Unis Tulsi Gabbard (Hawaï). À cette occasion, cette courageuse élue a expliqué que ces opérations clandestines visent à renverser illégalement Bachar el-Assad. Plus grave encore, Madame Gabbard a affirmé à plusieurs reprises durant cette interview sur CNN que la CIA soutient directement al-Qaïda, rappelant que cette organisation est pourtant accusée d’avoir attaqué les États-Unis le 11-Septembre. Confirmant mon analyse récente et des articles antérieurs, ses révélations sont tout simplement alarmantes :
« [L]es États-Unis et la CIA sont en train d’œuvrer pour renverser le gouvernement syrien d’Assad, tandis que la Russie – qui est un allié d’Assad depuis longtemps, depuis des décennies –, est en train d’agir pour défendre et maintenir le gouvernement syrien d’Assad et cela, cela nous met dans une position de possible conflit direct, face-à-face avec la Russie aussi longtemps que les États-Unis et la CIA continuent dans cette voie. (…) Les États-Unis et la CIA doivent stopper cette guerre illégale et contreproductive pour renverser le gouvernement syrien d’Assad et doivent rester focalisés sur le combat contre notre ennemi réel, les groupes islamistes extrémistes. Car actuellement, nous voyons pourquoi cela est contreproductif : en œuvrant (…) pour renverser le gouvernement syrien d’Assad, nous ne sommes pas seulement en train de renforcer nos ennemis, les islamistes extrémistes, qui (…) sont en train de s’emparer de l’ensemble de la Syrie – actuellement, ils ont environ la moitié de ce pays sous leur contrôle –, mais cela nous met également dans une position de potentiel conflit direct, face-à-face avec la Russie, ce qui nous amène au bord d’un potentiel conflit de plus grande ampleur, une situation de type Troisième Guerre mondiale. »
Faisant preuve d’une franchise et d’une lucidité particulièrement rares chez les dirigeants politiques occidentaux – majoritairement hostiles à Bachar el-Assad au point de lui attribuer bien souvent la responsabilité intégrale des victimes syriennes –, la représentante Tulsi a également expliqué durant cette interview en quoi cette guerre secrète de la CIA était illégale, confirmant que l’Agence soutient directement al-Qaïda :
« Tout d’abord, il n’y pas eu de vote au Congrès pour autoriser l’usage de la force, pour autoriser une guerre visant à renverser un gouvernement souverain. Depuis que j’ai siégé [à la Chambre des Représentants], il n’y a eu aucun vote, y compris avant que je sois élue. Donc le peuple américain n’a pas eu l’opportunité de s’exprimer, d’approuver ou de désapprouver une telle guerre. Par conséquent, elle est illégale. Deuxièmement, elle est contreproductive car actuellement, des armements US vont dans les mains de nos ennemis, al-Qaïda et ces autres groupes, des groupes islamistes extrémistes qui sont nos ennemis jurés. Ce sont des groupes qui nous ont attaqués le 11-Septembre, et nous étions censés chercher à les vaincre, mais pourtant nous les soutenons avec ces armes pour renverser le gouvernement syrien. (…) Je ne veux pas que le gouvernement des États-Unis fournisse des armes à al-Qaïda, à des islamistes extrémistes, à nos ennemis. Je pense que c’est un concept très simple : vous ne pouvez vaincre vos ennemis si, en même temps, vous les armez et vous les aidez ! C’est absolument insensé pour moi. (…) Nous en avons discuté [avec des responsables de la Maison Blanche,] à la fois durant des auditions [parlementaires] et à d’autres occasions, et je pense qu’il est important que les citoyens des États-Unis se lèvent et disent “Regardez, nous ne voulons pas aller [en Syrie] et faire ce qui s’est passé avec Saddam Hussein, faire ce qui s’est passé en Libye avec Kadhafi, car ce sont des pays qui ont sombré dans le chaos et qui ont été conquis par des terroristes islamistes à cause des actions des États-Unis et d’autres [pays].” »
Ainsi, la représentante Tulsi confirme ce que j’ai tenté de démontrer dans mon étude récente, soit le fait que la CIA et ses alliés soutiennent directement al-Qaïda en Syrie. En tant qu’élue siégeant à la Commission des Forces armées de la Chambre de Représentants, il s’agit bel et bien d’une confirmation officielle, et non de spéculations. Ce fait est alarmant mais, si l’on en croit Google Actualités, aucun média français n’a repris cette information :
J’avais déjà souligné ce silence médiatique assourdissant lorsque deux députés français avaient affirmé, à des occasions différentes, que la France soutient al-Qaïda en Syrie. Même chose après les révélations fracassantes du général Michael Flynn sur Al-Jazeera concernant les politiques profondes multinationales des États-Unis contre le régime el-Assad. Plus que jamais, les médias dits « alternatifs », dont MaximeChaix.info et DeDefensa.org, doivent être soutenus et diffusés par celles et ceux qui n’acceptent pas qu’al-Qaïda et les groupes qui lui sont affiliés soient présentés comme des ennemis en Occident – ce qu’il sont indiscutablement –, alors qu’ils sont clandestinement soutenus par les services spéciaux de nos États pour renverser des gouvernements étrangers jugés hostiles.
Maxime C.
6 novembre 2015