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Soutenir et prolonger l’Appel pour une conférence internationale d’urgence

illustration : karley klopfenstein

«  Contre les guerres d’occupation, contre l’ingérence dans les affaires internes des pays en défense de l’intégrité et de la souveraineté des nations ».

Le premier et probablement le plus grand intérêt de l’Appel du Parti des Travailleurs et de l’UGTA pour une «  Conférence internationale contre les agressions et les ingérences dans les affaires des états nationaux » reste sans conteste d’opposer à la diplomatie souterraine qu’imposent les grandes puissances, une autre idée des relations internationales fondée sur l’initiative et sur la volonté des peuples. Nous en avions bien besoin. Car à l’Internationale du crime qu’ont toujours constituée les organisations internationales vouées à la défense du Capital de l’économie de marché que sont le FMI, la Banque Mondiale, ou encore l’OCDE et l’OTAN, il est temps d’opposer une Internationale des peuples. L’effondrement du bloc socialiste et le « triomphe » post « Mur de Berlin » ont aussi entraîné l’affaiblissement et l’affadissement de l’internationale anti coloniale que furent les « Conférence de Bandoeng » et le « Mouvement des Non Alignés ». Cette lente disparition des solidarités du Tiers-Monde sous l’effet du reclassement social d’anciens militants de la libération, des pressions du FMI et des chantages aux crédits, des actions de la subversion des mercenaires et des services secrets - dont nous découvrons, chaque jour un peu plus, l’ampleur et la globalité- ont laissé chaque Etat national seul face à cette Internationale du capital financier et du marché, et ont érodé en chacun d’eux les parts essentielles de souveraineté pour lesquels nos peuples se sont battus. Le plus grand succès de l’Empire, dans cette période des cinquante dernières années, est d’avoir découplé, avec une ruse et une patience infinies, les idées d’indépendance et de développement national. Ainsi, ils ont réussi ce coup double d’avoir renvoyé un bonne part de nos élites dans la lise d’une explication de nos « retards » par notre nature et notre essence, et de leur avoir fait haïr leurs peuples de trop leur rappeler leurs destins indigènes. Le Forum Social Mondial a achevé de ruiner toute perspective de solidarité des peuples en ramenant tous les problèmes de la planète à des questions sociales formulées dans les mêmes équations pour les paysans du Mali comme pour les travailleurs de l’Europe. Ce Forum a bien réussi aussi à entraîner les élites au renoncement à la question centrale de notre époque : celle de la souveraineté des peuples sans laquelle ils ne peuvent accéder à l’émancipation. Et pas seulement nos peuples du Tiers Monde. Mais aussi les peuples européens, qui découvrent que les vrais mandants de leurs élus sont les banques et pas les bulletins de vote.

Cette Conférence d’Alger ne renversera pas toute la tendance tout de suite. Elle ne consiste pas à recréer Bandoeng. Mais elle met au coeur de nos questionnements la vitale et urgente nécessité de promouvoir une réponse collective des peuples à une agression collective des pays impérialistes. En Yougoslavie puis en Serbie, en Afghanistan puis en Irak, en Libye et demain, ou dès aujourd’hui de façon à peine secrète, en Syrie, ces pays impérialistes se coalisent et mutualisent leurs moyens pour détruire. Alors que peine à voir le jour le front des peuples contre les guerres et les agressions dans les circonstances d’aujourd’hui, avec les gens d’aujourd’hui, et surtout les jeunes d’aujourd’hui auxquels il faut quand même transmettre ce que nous savons de l’infinie duplicité des pays impérialistes qui, à chaque fois qu’ils vous déroulent le tapis rouge ou vous donnent des satisfécits, vous arrachent des concessions mortifères qu’ils vous font prendre pour des compromis.

Ce qui est infiniment précieux dans cette Conférence c’est la ligne qu’elle définit et qu’elle revivifie : PAS D’INGERENCE ! Quelle qu’en soit la forme, quels qu’en soient les prétextes. A la question sociale, qu’il n’abandonne pas au vu de son action et de ses déclarations, le Parti des Travailleurs donne son socle national sans lequel cette question sociale ne peut s’accomplir. Pour que l’initiative soit pleinement nationale du point de vue de notre pays, il faut que s’y mettent aussi les patrons qui produisent en Algérie et que l’hégémonie des compradores, les barons de l’import//import, les concessionnaires incapables de monter une usine de mobylettes en douze ans de généreux crédits à la consommation des produits extérieurs, et les « capitaines d’industries » qui nous font croire que le fin fond de l’industrialisation est de conditionner les produits importés empêchent de se transformer en classe sociale nationale consciente de ses intérêts à l’intérieur de la Nation et pas contre elle. Mais c’est à chacun selon son point de vue et selon ses intérêts catégoriels de postuler et de défendre un Etat qui soit celui la Nation et que les compradores ont réussi en partie à retourner contre la Nation.

Cette Conférence revêt une deuxième importance capitale. De l’agression de l’Irak à celui de la Libye, l’Empire U.S. et ses vassaux a réussi à éliminer touts les contraintes que rencontraient ses agressions. Exit les millions de manifestants qui ont protesté contre l’invasion de l’Irak. La stigmatisation et la diabolisation de l’adversaire a atteint des sommets du raffinement. En Irak, les journalistes étaient « Embedded », aujourd’hui les médias ont tous la même ligne éditoriale, reprennent sans discuter les dépêches de l’AFP qui reprend l’OTAN ou les « sources autorisées ». Il n’existe plus qu’une seule vérité médiatique que contestent difficilement les sources alternatives. Il n’existe plus qu’une seule pensée correcte, celle de l’OTAN reprise par les journaux qui appartiennent aux milliardaires que défend l’OTAN. Cette conférence est aussi une occasion de réfléchir à la manière de contrer cette hégémonie. De l’Irak à la Libye nous savons aujourd’hui que dans ces guerres les médias sont devenus une arme comme une autre et pas moins importante que le génie ou l’artillerie. 

Personne parmi les Algériens opposés à l’agression qui se prépare en sous main contre notre pays ne peut ignorer ce facteur décisif. La crise qui secoue l’Europe va jeter les masses de ce continent dans les bras de la droite et du fascisme. La crise elle-même a réanimé dans la gauche européenne ses atavismes coloniaux, car elle sait qu’elle ne pourra offrir la paix sociale au Capital qu’en la finançant par le pillage colonial. Enfin, les masses européennes elles-mêmes sont incitées à se consoler de leurs déboires par le sentiment de supériorité que leur donne la suprématie de leurs armes. Les amis alors se compteront sur les doigts des mains quand arrivera l’épreuve, et les opinions européennes se placeront plus que certainement du côté de « leur impérialisme » comme vient de le montrer toute la gauche européenne qui a mis sur les bombes de l’OTAN l’habillage de son « humanisme ».  

La presse néocoloniale d’Alger va se gausser de notre anti-impérialisme. Elle va attaquer les personnes en bottant en touche les idées. L’incroyable maladresse de nos ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères acceptant de rendre des comptes à Guéant ou aux élus français - ce qui est plus grave - est pour elle du pain béni. Elle s"est saisie de ces actes incompréhensibles venant d’un Etat qui se dit contre les ingérences étrangères et qui fait tout pour apparaître sous tutelle de Sarkozy, pour nous dire ; « Voilà l’Etat que vous défendez et qui s’avilie devant les Français ! ». C’est là évidemment un joli coup pour les Français qui obtiennent de telles concessions tout en activant leurs médias indigènes pour qu’ils donnent aux choses le sens qu’ils désiraient et qu’ils mettent effectivement dans ces actes. Demain, la presse française traitera le sujet de sorte que nous n’ayons d’autre compréhension que celle d’un abaissement de l’Etat national. Et ils feront coup double en taillant des costumes de patriotes à cette presse qui ne cesse d’appeler à l’ingérence étrangère et n’a cessé d’appeler à l’alignement sur la France dans tous les sujets brûlants de l’heure, notamment la Libye et la Syrie.

Pourquoi le gouvernement algérien a-t-il cédé à la pression de cette presse et de ce courant politique pro-français qui a gangréné une partie de nos élites et de notre Etat ? Une des raisons relève de notre responsabilité de patriotes : nous avons laissé ces courants néocolonialistes occuper de façon hégémonique tout l’espace médiatique et tout l’espace politique, de peur de PASSER POUR DES PRO POUVOIR. Il faudra à cette presse néocoloniale et à ses prolongements dans le Pouvoir, à faire d’autres efforts pour nous rouler dans la farine et nous amener à ses vues en empruntant à notre langage. Et il faudra bien d’autres inconséquences du Pouvoir pour nous faire confondre Pouvoir et Etat et jeter le bébé avec l’eau du bain.

Il est temps de rappeler quelques vérités. Le Gouvernement ce n’est pas l’Etat. Nous défendons l’Etat national parce qu’il est la condition unique de réalisation de nos rêves d’hommes et de notre liberté en tant que peuple. Sans lui, c’est le retour au gourbi, aux punaises, aux poux, aux écoles indigènes et aux bidonvilles pour 90% de la population. La démocratie française ne nous a libérés d’aucun de ces maux et elle ne le fera pas demain pour son propre peuple. On nous a raconté les mêmes fadaises sur nos dirigeants pendant la guerre : «  ils se sont rendus, ils se la coulent douce à Tunis et au Caire, c’est des sanguinaires au maquis… » etc., etc. Nous avons fait la guerre pour le pays pas pour les chefs. Aujourd’hui, nous continuons à défende le pays pas les chefs. Et défendre le pays c’est empêcher qu’il retombe totalement dans les griffes du néocolonialisme. L’empêcher c’est se battre pied à pied pour faire reculer les idées du FMI, les pressions pour « mieux vendre notre gaz et notre pétrole » ; pour aider les industriels algériens à construire de vrais projets et pas la frime de la mise ne bouteille ; c’est freiner la casse du secteur public et inverser le rapport du désarmement industriel ; c’est garder le principe du 51/49 ; c’est aider les jeunes, les étudiants, les familles etc. Bref, il faut restituer l’Algérie à son peuple qui saura, lui, la défendre et faire planer sur ceux qui veulent brûler l’Algérie la dissuasion de leur propre incendie. Il faut restituer à la jeunesse d’autres ambitions et d’autres rêves que d’être les réceptionnistes des show-rooms.

Ce bouclier régional dont nous avons un besoin vital nous sera nécessaire sans être suffisant. Cette initiative doit donner à réfléchir sur son prolongement interne en vue de constituer, dans la patience qu’il faut, les rassemblements sur les bases qu’auront choisi les gens, librement, pour constituer les soubassements du front qui fera réfléchir plusieurs fois les agresseurs avant de passer à l’acte contre notre pays.

Mohamed Bouhamidi

08-12-11

La conférence d’urgence contre l’ingérence étrangère et nos démocrates.

Jetez un coup d’oeil sur l’ensemble des titres de notre presse locale parue entre le 10 et le 14 décembre. Dans certains titres, de langue arabe ou française, qui se prennent pour des leaders d’opinion pas un mot sur la Conférence d’urgence contre l’ingérence étrangère. Personne dans la profession ne peut réduire à un néant la présence de cent sept (107) délégations étrangères venant du monde entier, sauf d’Australie. Cette attitude est bien sûr un message très fort qui dit qu’aucun devoir d’informer ni aucune déontologue ne pourra les tenir à leurs obligations envers leurs lecteurs. Nous avons eu ainsi la traduction locale, claire et sans ambages, que des médias sont passés à l’ordre de bataille. D’autres titres qui appartiennent au même arc ultra-libéral ont couvert l’évènement, mais en raillant. Ils n’ont pas raillé dans des commentaires ou des chroniques - ils ne se sont pas privés de le faire -mais aussi dans le corps même de l’article. Même attitude de mobilisation idéologique contre cette Conférence. On s’aperçoit aussi que c’est une mobilisation contre le langage. Certains mots donnent de l’urticaire à ces médias. Il en est ainsi des concepts d’impérialisme et de capitalisme. On les comprend très bien. Ces mots viennent troubler l’ordre du monde en vogue depuis la chute du mur de Berlin : le classement de notre monde en démocraties et en dictatures.

L’autre attaque contre cette conférence se déploie sur un autre registre. Les chroniqueurs en charge de descendre la Conférence désinforment en finesse. Ainsi, le "Comité de Veille et d’Alerte" est transformé en "comité de vigilance local" . Le comité né de cette conférence est un comité international. Il se compose de toutes les délégations et organisations présentes à cette conférence. Il a pour mission d’alerter dès maintenant les opinions publiques qui comptent encore un peu, des menaces qui pèsent sur l’Algérie. Dans le texte, il s’agit des menaces qui pèsent sur tous les Etats nationaux. Même les pays européens en auraient besoin aujourd’hui qu’on viole ouvertement la souveraineté de leurs peuples en les mettant sous tutelle de Goldman Sachs. Ils mentent délibérément ceux qui accusent Louisa Hanoun de parler de "comité de vigilance" dans le style des milices ventrues et essoufflées qui parasitent le rôle de l’Etat et la vie des simples gens. Et ils veulent railler, détruire la proposition politique visant à mobiliser les opinions contre les guerres. Et rabaisser l’exploit d’avoir réussi, en ces temps de crise et de matraquage médiatique impérialiste, de rassembler cent sept délégations ouvrières et syndicales. C’est un résultat extraordinairement positif que des militants du monde entier montent la garde autour de l’Algérie. Même le plus imbécile des services et le plus attardé des espions aura compris que ce comité international s’est surtout donné pour but de se mobiliser contre une ingérence ou une agression contre l’Algérie. Chaque participant a pu mesurer combien notre guerre de libération continue de peser, et de susciter respect, admiration et adhésion.

A côté de cette réduction de la portée de cette Conférence, la presse de l’arc ultra-libéral a ressorti ce qu’elle considère comme l’argument massue : seule la démocratie peut nous prémunir de l’ingérence étrangère. Voici un des meilleurs exemples que vous pouvez trouver dans cette presse : « En temps de paix comme en temps troubles, le seul comité de veille effectif, efficace et dissuasif est celui de la démocratie. Des choix de politiques économiques et de politique étrangère soutenus par une adhésion populaire librement exprimée, c’est cela qui donne naissance au seul comité de veille et de vigilance qui vaille. »

Il faudra en convaincre le peuple grec, en particulier, et demain les peuples européens en général. En toute démocratie et au vu et au su de tous, Sarkozy et Merkel ont pu l’empêcher de se prononcer sur son propre sort. Les dirigeants européens qui ont décidé de modifier le Traité Européen, en dépit des votes contraires de leurs peuples, c’est encore le bouclier démocratique contre l’ingérence…

Il reste à voir cette histoire de "bouclier démocratique" et d’"Etat démocratique" pour nos propres peuples. Cinquante ans ont donc suffi pour faire oublier que nous avons acquis notre indépendance dans une "guerre hallucinante" , selon le propos de Frantz Fanon dans l’introduction à « L’An V de la révolution algérienne », et que, contre la France très démocratique, il nous a fallu développer la discipline de fer des peuples en lutte pour leur libération. La même discipline que celle des bataillons militaires aux ordres des élus de France. Sans cette discipline de fer et sans cette "dictature" du peuple en armes contre les supplétifs d’après l’indépendance qui ressuscitent aujourd’hui, notre indépendance serait partie en quenouille : un drapeau sur les mâts et Borgeaud maître sur "ses terres" . Faut-il rappeler que c’est l’obstination du colonialisme et sa guerre totale, sa sale guerre avec tueries de masse et tortures, qui nous ont poussés à une telle discipline et à un tel besoin d’opposer à sa dictature la dictature des groupes dirigeants de l’ALN. Et notre peuple avait accepté cette autorité -avec erreurs et sans erreurs- des dirigeants de l’ALN même après l’indépendance, pour que celle-ci ne soit pas vidée de son contenu. Et son contenu c’était la TERRE. L’alliance peuple-ALN s’est prolongée et approfondie avec l’occupation des terres en 1962. Nous n’avions aucun choix démocratique dans notre lutte pour l’indépendance. Mais à l’époque, les militants indépendantistes du monde entier savaient que la démocratie formelle, abstraite, était un leurre impérialiste et une coquetterie de la dictature coloniale. A juste titre, les militants savaient que les indépendances resteraient vides de contenu sans une transformation par la violence des rapports coloniaux. Et ils savaient que le rapport colonial est un rapport de domination. Ne pas traiter cette domination économique et sociale consistait à la perpétuer. La Françafrique a fait perdurer cette situation de soumission. Elle n’a pas permis seulement de continuer le pillage colonial, la perpétuation du sous-développement, le maintien caché mais pesant de forces armées et de grades rapprochées des présidents indigènes, mais elle permet aussi de décider, aujourd’hui, qui doit être ou pas le président de tel ou tel pays africain, selon les intérêts de l’ancienne puissance coloniale.

Peut-on imaginer un seul instant que l’Algérie aurait pu réussir la nationalisation des hydrocarbures avec une conception de la démocratie représentative. Il faut rappeler avec force que ce sont les puissances dominantes, avec leurs politiques agressives permanentes, leurs subversions, par Total interposé ou non, leurs ingérences permanentes, qui ont obligé toutes les luttes d’émancipation à prendre ce tour autoritaire et à répondre par l’autorité révolutionnaire à leur dictature impérialiste.

Il relève de notre seule histoire interne de stopper les tentations dictatoriales et les dérives corruptrices qui accompagnent, chez nous aujourd’hui comme hier en Europe, toute formation des bourgeoises nationales. C’est encore nous déposséder de notre histoire, des cycles normaux de développement de nos sociétés et de nos Etats, que d’en appeler encore et toujours à l’intervention étrangère, ou en nous invitant à la naïveté soporifique de croire qu’il suffit de se mettre aux normes de la démocratie représentative pour se prémunir des visées de spoliation de nos richesses. Et de nous endormir sur des contes de fées.

En fait cette presse ne pardonne pas à cette Conférence d’avoir lancé un avertissement ferme aux candidats agresseurs. Cela rendra leur tâche plus difficile. Pour leurs supplétifs du futur Conseil National de Transition, en Algérie aussi.

Mohamed Bouhamidi

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