
Richard Descoings fut, à l’évidence, un être d’exception. Travailleur infatigable, esprit très innovant, il fit évoluer l’Institut d’études politiques de Paris (« Sciences-Po ») de manière considérable.
En quoi fut-il un fonctionnaire hors norme ? Fils de médecin, il choisit la haute Fonction publique. Avec acharnement. Après avoir fréquenté les meilleurs lycées parisiens, il tenta par trois fois l’École nationale d’administration, réussit brillamment le concours de sortie avant d’intégrer le Conseil d’État. En tant que directeur de Sciences-Po, il osa cumuler comme personne les avantages de la Fonction publique et ceux du privé. Il se fit voter un salaire mensuel de 27000 euros (salaire d’un président d’université : environ 5000 euros). Il put par ailleurs jouir d’un appartement de fonction.
Le 26 décembre 2011, le site Riposte laïque publiait les informations suivantes :
« Richard Descoings s’est entouré, d’un un comité de rémunération restreint, composé de cinq membres, des bons amis. Jusqu’ici, rien d’anormal. Ce qui est moins, c’est que les « copains » votent en catimini (pas de rapport d’activité, pas de comptes rendus !!) des rémunérations aberrantes pour le brave directeur (presque 150000 € annuel, soit en moyenne le triple de la rémunération d’un président d’université). On apprend que la même somme fut acceptée pour son directrice adjointe, Mme Nadia Marik [qui vient de la pub !], ce qui pourrait être un beau signe de partage. Manque de pot, on apprend que l’heureuse bénéficiaire n’est autre que la propre épouse de M. Descoing. Les bonnes affaires (sur le compte de l’argent publique) se font en famille.
La seule information qui nous manque, c’est le montant des jetons de présence perçus par MM. Pébereau, Louis Schweitzer et consorts, membres de ce très discret comité de rémunération.
Pour l’instant, aucune réaction de la part du couple Descoings-Marik qui n’ont pas l’intention de gâcher leurs bonnes vacances au Brésil avec des broutilles du genre.
Un geste appréciable, l’ensemble des membres du bureau du Comité d’Entreprise de l’IEP a donné sa démission en bloc, pour marquer leur désapprobation quant à ce que j’ose nommer détournement de fonds publics. Pour quand la démission de la honteuse bande de prévaricateurs composant le comité de rémunération ? » (http://ripostelaique.com/richard-descoings-coeur-a-gauche-mais-portefeuille-a-droite.html)
Par-delà les réformes et l’innovation, Descoings a donc fait de « Sciences-Po » sa petite entreprise familiale et amicale.
La Cour des comptes a-t-elle jamais dénoncé ces pratiques exorbitantes ?
Aucun haut fonctionnaire français n’a, à ce point, mélangé les genres entre public et privé. Personne autant que lui n’a fait appel aux financements privés (45% du budget de l’établissement), ce qui n’a pas empêché une augmentation considérable des frais de scolarité. Ainsi, les entreprises qui parrainent les conventions ZEP versent plusieurs milliers d’euros à l’Institut par élève. Depuis longtemps, certains enseignants ont dénoncé la privatisation de fait de Sciences-Po.
La « gouvernance » de l’établissement repose sur deux pratiques fort simples : d’abord un corps d’enseignants en poste (enseignants-chercheurs) très limité et l’appel à des milliers d’intervenants extérieurs vacataires ; pour les vacataires, pas de congés payés, pas d’arrêt maladie ; 50 euros de l’heure net ; les cours payés tous les six mois ; ensuite, une gestion opaque et autocrate, les enseignants de base n’ayant quasiment aucun rôle dans la définition des programmes. Jamais de vraies réunions pédagogiques. Décision autoritaire de la suppression de l’épreuve de culture (A mort La princesse de Clèves !).
Certains enseignants n’assurent que 20 heures de cours par an au lieu des 192 statutaires. Certains touchent des primes, d’autres pas (des petites enveloppes allant de 23,50 à 3000 euros). Le salaire de Descoings était, quant à lui, fixé par un « conseil de rémunération » mis en place par lui-même. Une pratique qui n’existe nulle part ailleurs dans la Fonction publique. Mais une masse salariale globale ridicule comparée à celle des autres universités.
En 2009, les personnels bénéficient d’un accord sur l’intéressement des salariés. Avec à la clé un plan d’épargne d’entreprise, de ses primes d’intéressement atteignent 25% du salaire brut. Placés pendant 5 ans, ces fonds sont défiscalisés tandis que les primes sont exonérées de cotisations sociales.
Pas de vie syndicale, pas de grèves, des étudiants menacés oralement de perdre leurs diplômes pour avoir protesté contre la LRU.
A côté de cela, un homme très abordable, mais à une condition : que l’on soit en demande.
Bref : copinage, réseaux, connivence avec certains médias et le personnel politique de droite comme de gauche (de plus en plus de droite, cela dit). De la belle ouvrage. Du sarkozysme à l’état pur.
Bernard GENSANE
PS : Les grands médias baveux nous disent que Descoings a ouvert Sciences-Po aux jeunes défavorisés. Parfaitement exact. Cela aurait pu être fait avec dans la démocratie et dans le respect de toutes les règles de la Fonction publique.