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La biodiversité mise sous contrôle pour ouvrir le marché aux brevets

Règlement Européen sur les semences

La Commission Européenne a adopté lundi 6 mai trois nouveaux règlements sur les semences, la santé des plantes et les contrôles, désormais soumis au Parlement et au Conseil européens. Au prétexte de simplification, de défense de la biodiversité, et de protection de la santé des plantes, cette proposition place toutes les semences sous le contrôle direct des titres de propriété de l’industrie : Certificat d’Obtention Végétale et brevets.

Le Réseau Semences Paysannes dénonce cette agression violente contre le droit des agriculteurs, des jardiniers, des consommateurs et des générations futures d’accéder librement à l’immense biodiversité végétale généreusement offerte par le travail de centaines de générations de paysans.

Ce hold-up sur les semences est soigneusement caché sous des centaines de pages de jargon réglementaire. L’office communautaire qui délivre les titres de propriété industrielle sur les variétés (Certificat d’Obtention Végétale) sera directement chargé du catalogue qui conditionne l’accès au marché des semences ; le marché sera désormais ouvert aux variétés et aux plantes brevetées ; les industriels pourront organiser eux-mêmes le contrôle de leurs semences, mais aussi de celles que les agriculteurs prélèvent dans leurs propres récoltes, pendant que des contrôles bureaucratiques insensés interdiront de fait aux agriculteurs d’utiliser et d’échanger leurs propres semences et restreindront l’accès au marché des semences traditionnelles, locales et biologiques.

Cette bureaucratie et le coût des contrôles risquent de réserver aux seules variétés et semences brevetées l’ouverture du marché à la biodiversité que constituent les nouvelles « variétés hétérogènes » et de restreindre à la portion congrue les nouvelles variétés de niche dont les semences pourront être commercialisées sans rnregistrement au catalogue.

Le Réseau Semences Paysannes appelle l’ensemble des citoyens à interpeller leur gouvernement et leurs élus européens pour qu’ils révisent en profondeur ces nouveaux règlements, pour qu’ils n’abandonnent pas à la Commission mais définissent eux-mêmes leurs modalités d’application, et pour qu’ils barrent la route au vol de toutes les semences par les brevets.

Le respect des droits des agriculteurs et des jardiniers d’utiliser, d’échanger et de protéger leurs semences, et d’avoir accès sur le marché à toute la biodiversité des semences paysannes disponibles, est la première condition du droit à l’alimentation et de la souveraineté alimentaire.

Contacts : Guy Kastler 06 03 94 57 21 ou Patrick de Kochko 06 17 06 62 60
mail : contact@semencespaysannes.org

Réseau Semences Paysannes
Biodiversité des semences et plants dans les fermes
3, avenue de la gare 47190 Aiguillon
Tel : 05 53 84 44 05 Fax : 05 53 84 69 48
Mail : contact@semencespaysannes.org
Site internet : http://www.semencespaysannes.org

Annexe « technique » : Première analyse synthétique de la proposition de règlement sur les semences de la Commission Européenne :

1) Ce paquet better regulation est d’abord un immense cadeau à l’industrie

a - Renforcement du contrôle du marché par les droits de propriété industrielle

Les semences de variétés hétérogènes brevetées pourront désormais avoir accès au marché sur la base de décisions (acte délégué) de la commission européenne. La directive 98/44 interdit le brevetage des variétés.

L’Office Européen des Brevets ne refuse un brevet que s’il s’agit d’une variété homogène et stable telle que définie par l’UPOV, mais accorde des brevets sur des variétés hétérogènes. Cette proposition de règlement autorise la commercialisation des semences de ces variétés hétérogènes jusqu’à aujourd’hui interdite. Les semences de variétés paysannes hétérogènes sélectionnées et multipliées dans leurs conditions d’utilisation (le champ de production agricole) n’auront pas accès au marché. Seules les populations synthétiques ou les variétés hétérogènes brevetées de l’industrie pourront bénéficier de cet accès au marché.

Les variétés contenant des caractères ou des gènes brevetés pourront accéder beaucoup plus vite au marché sans avoir besoin de passer par les longues multiplications indispensables à l’homogénéisation et à la stabilisation des lignées dans lesquelles ont été introduits ces caractères ou gènes brevetés ;

En quelques années, l’ensemble des semences seront contaminées par des gènes brevetés ou contiendront des gènes "natifs" brevetés, propriété d’une poignée de multinationales détentrices des plus gros portefeuilles de brevets ;

L’Office Communautaire des Variétés Végétales gérera directement le catalogue selon les mêmes procédures que celles permettant d’obtenir un Certificat d’Obtention Végétale (COV), ce qui permet d’inscrire une variété protégée au catalogue sur la base des essais DHS (distinction, homogénéité et stabilité) déjà réalisés pour le COV et d’exclure du marché toute variété non protégeable par un COV, sauf les variétés hétérogènes ci-dessus.

Les obtenteurs disposeront de la liste de tous les paysans producteurs de semences de ferme, ce qui leur permettra de les poursuivre pour contrefaçon s’ils ne leur ont pas versé de royalties ou s’ils ont utilisé des semences de ferme d’espèces non dérogatoires ;

Un suivi électronique de tous les échanges de semences en Europe, détenu par l’administration au prétexte sanitaire, pourra être mis au service des détenteurs de COV et de brevet qui pourront s’en servir pour poursuivre les agriculteurs qui utilisent des semences de ferme de variétés protégées par un COV, des semences (du domaine public ou leurs propres semences paysannes) contaminées par des gènes brevetés ou contenant des caractères "natifs" brevetés ;

Opacité maintenue sur les procédés d’obtention, les brevets et l’origine des ressources génétiques utilisées.

Les consommateurs et les paysans, bio ou conventionnels, qui ne veulent pas de plantes génétiquement manipulées par d’autres procédés que la transgenèse (mutagénèse dirigée, fusion cellulaire...) seront obligés d’en consommer sans le savoir. Les sélectionneurs et les paysans seront menacés de poursuite en contrefaçon de brevet sans pouvoir savoir s’ils utilisent ou non des semences brevetées achetées sur le marché ou contaminées dans les filières ou dans leurs champs par des gènes brevetés. Enfin, l’absence d’obligation d’information sur l’origine des ressources génétiques utilisées légalise de fait la biopiraterie ;

b - Les procédures d’accès au marché des semences sont allégées au profit des seuls gros opérateurs.

Les auto-contrôles sous contrôle officiel et la multiplication des analyses obligatoires qu’ils entraînent sont une économie pour les gros opérateurs qui commercialisent de gros volumes, mais génèrent une bureaucratie et un coût inabordable pour les petits opérateurs. De plus, ils favorisent la fraude chez les gros opérateurs qui versent des sommes importantes aux organismes certificateurs privés chargés de contrôler leurs auto-contrôles

2) Ce paquet better regulation est une agression directe contre les semences de ferme, paysannes, biologiques, traditionnelles, locales... et les semences destinées à la culture pour l’autoconsommation (jardinage amateur)

Les semences de ferme, paysannes et amateurs, aujourd’hui hors du champ d’application des directives limité aux seules semences commercialisées "en vue d’une exploitation commerciale", seront réglementées.

a - Les paysans producteurs de semences de ferme et paysannes devront s’enregistrer sur une liste que les autorités pourront transmettre aux obtenteurs en vertu du règlement 1768/95 : ils seront de ce fait livrés aux poursuites des détenteurs de COV s’ils n’amènent pas eux-mêmes la preuve qu’ils n’ont pas fait de contrefaçon.

Ils devront supporter et payer le coût des contrôles sanitaires et de biosécurité (ils ne seront exemptés que des frais connexes d’enregistrement), ce qui les incitera à abandonner leur activité pour se tourner vers les semences commerciales. Ils devront ensuite enregistrer tous leurs échanges de semences et tenir ces enregistrements à disposition de l’administration. Ils seront de ce fait livrés aux contrôles de légalité de ces échanges dont le statut n’est pas clarifié par la proposition de règlement de la Commission : ces paysans ne sont pas opérateurs au titre de l’article 1 PRM qui limite son objet à la production et à la commercialisation de semences destinées au marché. Ils devraient donc pouvoir bénéficier de l’exonération d’application du règlement au titre des "échanges en nature entre non opérateurs professionnels". Mais ils sont considérés comme des opérateurs professionnels au titre de l’article 3 qui concerne tout matériel de reproduction, qu’il soit ou non destiné au marché. Ils ne pourront donc que :

 soit échanger des semences dans le cadre "d’organisations de conservation de Ressources génétique" agrées par les autorités, sans qu’il soit précisé si la conservation à la ferme est reconnue ou non ;

 soit les commercialiser dans le cadre très restreint et très bureaucratique "des variétés de niche", sous réserve que la Commission publie les actes délégués nécessaires, ce qui risque de prendre de nombreuses années pour n’aboutir qu’à un règlement bureaucratique tout aussi inapplicable que la dernière directive "conservation". De plus, ce cadre les obligera à respecter les contraintes bureaucratiques et les autro-contrôles sous contrôle officiel, inabordables pour les petits volumes.

Ils devront aussi tenir à disposition des autorités un registre indiquant les noms de tous les agriculteurs ou autres professionnels avec lesquels ils ont échangé des semences.

b - Les artisans semenciers bénéficieront de quelques nouveautés :

 variétés de conservation. Si les limitations quantitatives et géographiques de commercialisation disparaissent (ce qui est un progrès), ces variétés devront toujours être stables, relativement homogènes et anciennes (commercialisées avant entrée en vigueur du règlement). Les variétés de conservation qui ne peuvent pas être maintenues ni reproduites dans leur région d’origine (la majorité des légumes qui viennent d’autres continents que l’Europe), ou qui n’ont pas de région d’origine déterminée, devront être enregistrées comme variété standard ou disparaître ;

 variétés hétérogènes, sous réserve que la Commission publie les actes délégués nécessaires, sans imposer des mesures bureaucratiques accessibles aux seules semences brevetées ;

 les variétés de niches peuvent constituer une réelle ouverture si la bureaucratie, les analyses et les autocontrôles sous contrôle officiel, inabordables pour les plus petits opérateurs et pour les petits volumes ne viennent pas annuler l’avantage de la non obligation d’enregistrement au catalogue. L’obligation d’enregistrer non seulement l’origine de tous leurs achats, mais aussi le nom de chaque acheteur de leurs semences parait totalement irréaliste

c- Les semences biologiques peu homogènes et peu stables seront toujours interdites, sauf évolution favorable de la fenêtre des variétés hétérogènes ?

Les citoyens européens doivent maintenant exiger de leurs élus européens et de leurs gouvernement :

 d’ouvrir largement l’enregistrement de variétés hétérogènes à toutes les espèces à condition d’y interdire l’inscription de toute variété contenant des plantes brevetées sous quelle forme que ce soit, - ou d’obtenir dans le même temps l’interdiction de tout brevet sur les plantes, les semences, les portions de plantes...-

 de rendre obligatoire lors de l’enregistrement l’information sur les procédés d’obtention et de sélection, sur tout titre de propriété industrielle et sur l’origine des ressources génétiques utilisées ;

 de garantir le droit des agriculteurs à la protection des informations à caractère privé, notamment celles concernant le choix de la semence utilisée ;

 d’ouvrir la commercialisation sans enregistrement obligatoire d’une part à toute semence non OGM commercialisée en vue d’une exploitation non commerciale (amateur...), d’autre part à toute remise directe de semences non OGM par le producteur (ou avec un intermédiaire au maximum à condition que le nom du producteur et sa région de culture soient indiqués sur chaque lot) au cultivateur final (y compris professionnel), - ou monter le plafond de chiffre d’affaire tout en fermant l’accès aux producteurs de semences brevetées ;

 de reconnaître la sélection, la conservation et la gestion dynamique in situ à la ferme et les droits des agriculteurs qui en découlent d’utiliser et d’échanger librement leurs semences de ferme et paysannes, sans obligation d’enregistrement ni contraintes autres que celles concernant les organismes de quarantaine ;

 d’adapter les contraintes sanitaires, environnementales et de biosécurité aux semences biologiques ;

 de maintenir un service public d’enregistrement et de contrôle à la portée de tous les petits opérateurs qui en ont besoin ;

 de ne pas abandonner à la commission européenne, mais de contrôler eux-mêmes les modalités d’application de ce règlement, en toute transparence vis à vis du public.

»» http://www.semencespaysannes.org
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1914-1918 La Grande Guerre des Classes
Jacques R. PAUWELS
Dans l’Europe de 1914, le droit de vote universel n’existait pas. Partout, la noblesse et les grands industriels se partageaient le pouvoir. Mais cette élite, restreinte, craignait les masses populaires et le spectre d’une révolution. L’Europe devait sortir « purifiée » de la guerre, et « grandie » par l’extension territoriale. Et si la Première Guerre mondiale était avant tout la suite meurtrière de la lutte entre ceux d’en haut et ceux d’en bas initiée dès 1789 ? C’est la thèse (…)
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"A quoi bon avoir des droits si on nous les retire au moment où on en a le plus besoin ?"

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