Qui a peur de la faillite ?

Il n’y a désormais plus aucune hésitation à avoir quant à la politique économique menée par nos dirigeants : elle nous conduit tout droit vers la récession, ou à la faillite ; et le pire est qu’ils le savent !

Mais puisque les politiques de rigueur ont toutes été un échec jusqu’à maintenant, et que cette récession pointe son nez jusqu’en France, il convient alors de se demander ’pourquoi ?’ ils continuent à faire payer le peuple, surtout contre l’avis du peuple lui-même.

A cette question trois réponses sont possibles :

- soit nos gouvernants sont trop stupides pour comprendre la situation, et ils croient réellement que les réformes engagées vont permettre de faire repartir la croissance.

- s oit ils ne le sont pas, et c’est plus grave, car cela signifie qu’ils savent pertinemment que la situation va empirer... mais ils ne peuvent pas faire autrement : les marchés sont les plus forts... et ils le regrettent

- Soit ils ont une idée derrière la tête pour reprendre le contrôle des évènements, et il s’agirait de savoir laquelle ; tout en sachant qu’elle passe par une rigueur inévitable qui pèsera d’abord sur les plus fragiles.

La première hypothèse est à mon avis exclue, car cela fait des mois que tout le monde sait que les mesures imposées sont injustes et contre-productives, et ne peuvent que conduire soit à la faillite, soit à la révolte.

La deuxième est plus plausible, et revient à admettre la position que je décrivais ailleurs, à savoir la volonté de repartir ’à l’intérieur’ du système en faisant le dos rond pour trouver une place dans la nouvelle donne géopolitique qui se construit actuellement. En tentant de trouver un équilibre entre baisse des dépenses et la croissance, ils s’acharnent à faire passer la pilule sans trop de dégâts, en espérant que cela suffise à éviter la faillite.

Et la dernière, qui peut s’accorder avec la deuxième si on envisage un alliance tacite entre les pouvoirs politique et financier, implique qu’en frôlant la faillite et en faisant tomber un à un les pays qui ne font pas ce que la nouvelle direction de ’l’Empire européen’ désire, il sera plus facile de faire accepter aux peuples l’installation d’un ’nouvel ordre économique mondial’ plus favorable aux puissances ’historiques’ tout en conservant le pouvoir aux élites en place...

Maintenant, il s’agit de comprendre le pourquoi de cette injustice, qui consiste à faire payer les pauvres, alors qu’il serait si facile de faire payer les riches ? Est-il vraiment impossible de faire payer la crise à ceux qui l’ont provoqué ? Il faut envisager là aussi plusieurs hypothèses, car faire un plan de rigueur de cette ampleur à six mois des présidentielles s’apparente à un suicide politique.

- Soit la droite s’imagine revenir au pouvoir en 2012 et il faudra m’expliquer comment.

- Soit la droite imagine que la gauche au pouvoir en 2012 ne fera ni plus ni moins que ce qu’elle fait aujourd’hui, poussée par les mêmes contraintes qu’elle.

- Soit la situation est si désespérée qu’il est impossible d’attendre : l’appétit des financiers se nourrit au quotidien.

Quoi qu’il en soit, la faillite guette aujourd’hui la France, et au delà l’Europe toute entière, et c’est bien en jouant sur la peur de cette faillite que nos dirigeants comptent faire passer leurs réformes. Mais faut-il avoir peur de cette faillite, et surtout qui doit avoir peur de celle-ci.

Regardons les choses en face, et mettons-nous à la place du peuple : que lui importe en réalité que la France fasse faillite ou non ? Les pauvres seront toujours aussi pauvres, et les riches toujours aussi riches. Les classes moyennes regretteront, sans doute au début, d’avoir trop longtemps cru se trouver du ’bon côté de la barrière’, mais ils s’habitueront eux-aussi à leur nouveau statut... Il n’y a que ceux qui ont quelque chose à perdre qui risquent quelque chose en définitive : ils n’avaient qu’à pas élire un gouvernement qui, crise ou pas crise, retire depuis cinq ans tous les acquis obtenus de longtemps pour améliorer le sort des pauvres.

Car en réalité le plan de rigueur actuel ne fait que creuser un sillon déjà dessiné par la politique économique récente, et la vie tournera bien comme elle l’a toujours fait : à force de retirer toujours plus à ceux qui n’ont déjà pas grand chose, il arrivera bien une limite infranchissable. Il faudra bien encore des médecins ou des professeurs, des agriculteurs ou des boulangers, des éboueurs ou des maçons, des policiers ou des pompiers, des chanteurs ou des prostituées, des fous ou des fainéants... et tout ce petit monde finira bien par trouver à manger, même s’il lui faut aller le chercher dans les jardins de l’Elysée...

Parce que ce sont nos dirigeants qui ont besoin des pauvres pour fonctionner, et pas l’inverse. Tout leur pouvoir, toutes leurs richesses ne sont que le résultat et de notre exploitation quotidienne, de notre consommation... et il y a un jour où si les salaires baissent de trop, si les licenciements se font massifs, le gouvernement en place ne sera plus en mesure d’assurer le rôle pour lequel nous l’avons élu : protéger le peuple et ses intérêts.

La faillite ne doit donc pas nous faire peur à nous, mais leur faire peur à eux. Les plus pauvres finiront toujours par se débrouiller, et les plus riches par apprendre à devenir moins riches. Leurs privilèges, leurs bonus, leurs obligations, leurs dividendes et leurs profits n’étant réalisés que sur le dos des salariés, en appauvrissant le peuple ils s’appauvrissent eux-mêmes.

La confusion qui règne actuellement montre bien que même si cette crise leur permet de prendre le contrôle sur l’Europe toute entière, la machine capitaliste s’est emballée sans qu’ils soient en mesure de contrôler ce système qui fonctionne tout seul : la spéculation va trop vite, et les spéculateurs jouent contre eux-mêmes sans qu’ils puissent y échapper. Cela va trop vite, et l’agitation qui règne en haut lieu est le symptôme que la situation les dépasse. C’est bien eux qui doivent donc avoir peur, parce qu’en allant trop loin ils finiront par provoquer ce qu’ils redoutent eux-mêmes pour eux-mêmes : la faillite d’un pays, c’est leur propre faillite, pas celle du peuple.

Car lorsque le peuple a faim, peu lui importe de connaître la note accordée par les agences, son instinct le conduit toujours là où il faut : il n’y a pour cela qu’à se retourner sur le printemps arabe pour savoir comment cela finit...

Faillite ou pas faillite, nous n’avons donc plus rien à craindre : comme dit le proverbe, ’Si le problème a une solution, ne t’inquiète pas. Mais si le problème n’a pas de solution, alors cela ne sert à rien de t’inquiéter’.

La morale vous l’avez : ne pas s’inquiéter. La peur paralyse, tandis que l’espoir motive. Laissons-donc l’inquiétude à nos dirigeants, on les paye bien assez cher pour ça. Le jour où ils comprendront que le peuple finit toujours par se relever, c’est eux qui auront peur.

Occupons-nous plutôt de préparer la suite, et prenons-les choses en main, car nous avons du boulot.

Caleb Irri

http://calebirri.unblog.fr

COMMENTAIRES  

14/11/2011 09:54 par yapadaxan

Comparons nos dirigeants occidentaux à l’apprenti sorcier. Les manches à balais et les seaux se multiplient à l’infini et jettent des quantités d’eau au point de noyer la place, le mécanisme s’emballe et rend la situation hors de tout contrôle possible.

Le mécanisme cesse d’être rationnel, il devient fou. Plus "on" prétend qu’on va gouverner, moins la crise est gouvernable. UMP et PS peuvent alterner, ils ne savent faire que ce qu’ils ont fait jusqu’ici, c’est-à -dire reproduire à l’identique le système. En le reproduisant, on reproduit ses contradictions : appauvrir toujours plus la majorité pour enrichir toujours la minorité. Les inégalités et les injustices reproduisent les inégalités et les injustices. Le Capital tue le Travail. Inexorablement.

Caleb IRRI a tort. Considérablement. Il propose l’attentisme, la passivité. Or c’est à l’action que les travailleurs doivent passer. Une action pratique mais aussi une action théorique. Car comprendre la crise revient à comprendre que la crise consiste justement dans cette contradiction fondamentale : plus le capital circule plus il a besoin de profit, plus le profit augmente plus les salaires diminuent. L’Etat refuse de taxer le Capital, alors l’Etat taxe toujours plus les salaires. Car si l’Etat taxait le Capital, les industries poursuivraient leur logique de délocalisation pour se mettre à l’abri.

Ce n’est pas par "choix" politico-économique que l’Etat ne taxe pas davantage le Capital, c’est parce qu’il est victime du chantage à la délocalisation. Imaginons que les entreprises restantes partent à l’étranger, la conséquence immédiate serait brutalement moins de travail et moins de salaires, moins de taxe sur les salaires et plus de charges sociales.

C’est pourquoi les travailleurs ne doivent pas attendre mais imposer une autre logique, celle qui consiste à défendre leurs intérêts de classe. Expulser le patronat et empêcher la répression de l’Etat qui ne manquera(it) pas d’intervenir.

S’approprier les moyens de production et d’échange, imposer à l’Etat qu’il défende les travailleurs contre les patrons, les banquiers et les spéculateurs. Obtenir que les richesses produites le soient pour le plus grand nombre, dans une logique de satisfaction des besoins et non plus pour leur privatisation seulement capable d’accroître un Capital boulimique qui se détruit à s’auto-alimenter de façon artificielle.

Les travailleurs doivent prendre conscience qu’il faut renverser et détruire le dés-ordre existant pour fonder une société plus égalitaire et plus juste.

14/11/2011 13:26 par Caleb Irri

@ yapadaxan

Bonjour, et merci de votre commentaire. si votre explication se tient, votre critique ne peut m’être qu’injustement adressée : attentisme et passivité ne sont pas les qualificatifs qui caractérisent le plus mes écrits :

http://calebirri.unblog.fr/2011/10/...

http://calebirri.unblog.fr/2011/09/...

http://calebirri.unblog.fr/2011/08/...

http://calebirri.unblog.fr/2011/05/...

http://calebirri.unblog.fr/2011/02/...

pour ne citer que les plus récents...

14/11/2011 15:11 par yapadaxan

Je vous lis régulièrement et je connais donc le contour général de vos idées. Aujourd’hui, je n’ai fait que réagir à votre texte.

L’essentiel étant que la discussion aboutisse à une entente commune. Sur la base de vos idées habituelles.

Yapa.

14/11/2011 16:56 par williamoff

@yapadaxan

"S’approprier les moyens de production et d’échange, imposer à l’Etat qu’il défende les travailleurs contre les patrons, les banquiers et les spéculateurs."

Si je partage le début de votre phrase, je m’étonne de la seconde.
En effet comment espérez-vous que l’Etat défende les travailleurs ?
Il n’y a qu’une solution et vous la connaissez aussi bien que moi, c’est celle de Marx, en bref il faut que les travailleurs prennent le pouvoir, et qu’ils imposent leur dictature en lieu et place de celle des "patrons, des banquiers et des spéculateurs".

Par conséquent il me semble que cette unique solution passe invariablement par la révolution, dans la rue....ou peut-être ailleurs.

Et c’est justement sur cet ailleurs que Mr Irri, n’est pas aussi "inactif" que vous le présumez, car il préconise en fait une "Révolution de velour", en l’occurence changer les règles du jeu, c’est à dire changer de constitution.

Je ne suis convaincu par aucune des deux façons de changer la donne, car les conditions ne sont pas (encore...?) réunis pour la première d’autant que le péril est grand de voir l’inverse se produire en fin de compte, c’est à dire la prise de pouvoir des éléments les plus réactionnaires soutenu par l’armée. Quand à la seconde, connaissant les travers de notre "démocratie" il est très probable que les mêmes, les partis politique et leur personnel, ne soit aux premières loges, ce qui aboutirait fatalement à une constitution différente, mais....identique !

Alors que faire ?
Oui je sais ce n’est pas très original, mais pour l’heure je crois que tout le monde en est là ,... et dans les deux camps.

14/11/2011 18:49 par yapadaxan

@ williamoff,

Il va sans dire que j’entends bien le renversement de l’Etat bourgeois pour la mise en place de l’Etat populaire, si je puis ainsi m’exprimer. Etat... prolétarien ou ouvrier me paraît dépassé.

Vous raisonnez sur 2 hypothèses. En effet, tout le monde en est là . Caleb IRRI ne met pas suffisamment, dans son texte, le rôle fondamental que doit jouer le peuple dans sa marche vers la prise du pouvoir.

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