Primes à l’embauche d’apprentis

La récente annonce du ministère du Travail concernant le maintien des subventions publiques pour l’embauche d’apprentis en 2025 relance ce sujet crucial. Si cette mesure semble, à première vue, témoigner d’un soutien à la formation professionnelle, son analyse révèle des limites importantes, des inégalités flagrantes, et un danger pour le modèle éducatif français.


Où en est-on ?

Le montant de la subvention publique sera en l’état abaissé à 5 000 euros pour les PME et à seulement 2 000 euros pour les grandes entreprises, contre 6 000 euros actuellement. Selon le ministère, cette réduction vise à éviter, du fait des aléas gouvernementaux du moment et de l’instabilité politique en général, un retour à un dispositif plus restrictif datant d’avant la crise sanitaire. Mais cette justification ne répond pas aux critiques fondamentales : ces primes favorisent-elles réellement l’apprentissage ou servent-elles simplement de subvention déguisée aux entreprises ?

En 2023, selon le ministère du Travail, 849 600 contrats d’apprentissage ont débuté dans les secteurs privé et public, soit une augmentation de 2 % par rapport à 2022. Au 31 décembre 2023, 1 014 500 contrats étaient en cours, marquant une hausse de 4 % sur un an.

Cependant, cette croissance quantitative masque des réalités préoccupantes. Les aides financières incitent certaines entreprises à multiplier les recrutements d’apprentis sans garantir un encadrement de qualité ni des perspectives d’emploi durable. En témoigne, entre autre, le taux de rupture des contrats d’apprentissage dans les neuf premiers mois qui atteint 21 % pour ceux commencés en 2022, en hausse par rapport aux années précédentes.

Une attaque contre le système éducatif public

Plus inquiétant encore, cette politique s’inscrit dans une tendance plus large qui vise à fragiliser les structures de la formation publique. En favorisant l’apprentissage au sein des entreprises, le gouvernement contribue à la déscolarisation progressive des filières professionnelles et technologiques. Ce phénomène, largement inspiré des accords successifs de Bruges, de Copenhague et Riga sur la « formation tout au long de la vie », conduit à une marginalisation des formations portées par l’Éducation Nationale.

Ces accords promeuvent un modèle où l’éducation professionnelle est externalisée vers les entreprises dès l’âge de 14 ans, transformant l’apprentissage en une forme de travail servile et précoce. Ce modèle menace la mission fondamentale de l’école : transmettre des savoirs universels et garantir l’égalité des chances. En fragmentant la formation, il abandonne les jeunes aux logiques du marché capitaliste, institué en Europe par l’Union européenne, qui jettent les travailleurs en concurrence les uns contre les autres, et aux intérêts à court terme d’un grand patronat qui en tire une véritable plus-value économique, s’économisant ainsi d’employer en bonne et due forme des salariés qualifiés.

Une alternative nécessaire

Face à ces dérives, il est urgent de préserver et de renforcer les structures de formation continue sous l’autorité de l’Éducation Nationale. Plutôt que de multiplier les primes directes aux entreprises, les fonds publics devraient être investis dans les centres de formation publics, les lycées professionnels et les structures pédagogiques innovantes. Il est également essentiel de dénoncer les accords internationaux qui prônent une déscolarisation rampante au profit d’un apprentissage dépendant des impératifs économiques immédiats. Ces accords internationaux sont ici portés et impulsés, comme toujours, par l’Union européenne qui, plus que jamais, démontre qu’elle n’a pas été inventée pour le bien des peuples et des travailleurs, mais bien pour servir les intérêts d’une oligarchie capitaliste continentale, et qu’il convient en conséquence d’en sortir au plus tôt !

En parallèle, conditionner de véritables aides aux seules plus petites entreprises par des critères exigeants, tels que la qualité certifiée des programmes, l’interdiction de remplacer un emploi par un poste d’apprentissage, notamment en multipliant les moyens et les contrôles de l’inspection du travail, ou encore l’embauche durable des apprentis en CDI.
Les grands monopoles capitalistes, eux, sur leurs propres moyens et sur contrôle permanent de l’Education nationale conjointement avec les élus du personnel, devraient être imposé d’organiser, sans remplacement d’emploi et dans de bonnes conditions d’accompagnement, le « recrutement » d’apprentis.

 En conclusion, la politique actuelle des primes à l’embauche d’apprentis s’avère dangereuse pour l’avenir de la formation professionnelle en France. Elle détourne des moyens publics pour subventionner en grande partie les plus gros employeurs qui en ont déjà tous les moyens, tout en affaiblissant les piliers du système éducatif national. Si l’apprentissage doit rester un levier important, il est impératif de le repenser dans une logique de qualité, d’équité et de préservation des missions de l’école républicaine.

 https://jrcf.fr/2025/01/08/primes-a-lembauche-dapprentis/

COMMENTAIRES  

16/01/2025 12:02 par Assimbonanga

Merci pour cet article, je l’attendais. Depuis que Macron a décidé de prendre l’argent des contribuables pour le donner aux patrons sous forme d’apprentis gracieusement offerts, ce sujet n’arrivait jamais sur le tapis.
La gauche s’y est peu intéressée, il faut dire qu’elle a tant à faire et ne sait plus où donner de la tête mais l’éducation des jeunes est en principe l’une de ses préoccupations.
Un jour à la radio, j’ai entendu un flash d’info d’un cas précis : un institut de beauté avait 6 apprentis sur 10 employés. Ce n’est pas de l’abus ? Ce n’est pas l’effet d’aubaine ? Que vont apprendre ces six apprentis qui font tourner la baraque en arrachant des poils ?

Certes, il est ingrat de s’attaquer à une mesure qui semble pavée de bonnes intentions de prime abord et pourtant, il faut y aller !
Et, bien entendu, mon dada habituel : les agriculteurs se frottent les mains d’avoir des ouvriers agricoles pleins de bonne volonté qui sont payés grâce à l’apprentissage.
Tout cela est cousu de fil blanc. Sous Macron, l’argent public est retiré aux communes, à la culture, aux associations mais bien dérivé vers les patrons pour leur plus grand profit. (Le Pen et Wauquiez même idéologie, il va sans dire).

16/01/2025 15:45 par Vincent

Pouvoir payer un jeune apprenti à partir de 480€ Bruts, sans aucune cotisation patronale jusqu’à 79% du SMIC, c’est quand même le pied !
Je vous laisse jeter un œil à la grille des salaires en contrat d’apprentissage ;
Voici la mise à jour 2025.
Alors : ça fait rêver, non ? Les salaires sont si hauts qu’on comprend la nécessité urgente d’intégrer l’Ukraine à l’UE, avec son salaire minimum à 189€ Bruts qui assurera notre mieux-vivre à tous par la Grâce de la compétition. Comprenez bien pourquoi "la Russie ne peut pas, ne doit pas gagner cette guerre ".

Si mes souvenirs sont exacts et pour donner un exemple de ce que ça donne dans la vraie vie, dans le cadre de "1 jeune 1 solution" (de la technocrate Mme Borne alors Ministre du travail dans le gouvernement du technocrate zélé J. Castex -inventeur en 2004 de la T2A qui initia la mise à mort de l’hôpital public-), Carrefour avait pu virer des milliers d’hôtesses de caisse qui avaient de l’ancienneté, pour les remplacer par des jeunes de -26 ans dont l’exonération de charges et les aides sur les salaires équivalaient à une prise en charge d’environ 80% du salaire par l’État.
J’imagine qu’à la fin de l’équation, le retour sur investissement fut excellent pour les recettes publiques.
Si ça c’est pas du communisme à l’usage exclusif des grands-bourgeois, hein ? C’est beau. (C’est ça l’UE : Un cadre idyllique qui permet de modifier ou d’éradiquer le Droit au profit du Privé.)

Bon, c’est sans mentionner que la politique du groupe Carrefour sous la direction de M. Bompart (env. 9 Millions d’€uros de rémunération en 2022, quelle ironie !) consiste à passer des centaines de magasins en location-gérance ; ce sont donc 27 000 personnes qui sont sortis des effectifs du groupe selon la CFDT.
Le rendement du dividende Carrefour est de 5,33%, en augmentation de 55% par rapport à l’exercice 2022. Toujours plus, et étonnamment plus rémunérateur qu’un Livret A (dont le taux inférieur à l’inflation permet de bien financer le logement social, CQFD.)
En 2024 en France on a distribué un total d’environ 100 Milliards de dividendes aux actionnaires : Champions du Monde ! En 2025 en France on cherche comment faire rentrer 60 Milliards dans les caisses sans jamais parler d’austérité...

Moralité : Encouragez vos gamins à devenir apprentis à pas cher dans des métiers manuels indispensables à la bonne marche de la Société, loin des "bullshit-jobs" tels consultant-expert en tableaux Excell chez McKinsey missionné par l’État, par exemple.
Envisagez plutôt l’avenir serein de nos jeunes disons dans la reprise des entreprises des très nombreux artisans boulangers qui ferment en masse depuis que leurs factures d’énergie ont quadruplé dès lors qu’on nous a gentiment prémunis du risque de pouvoir nous fournir en gaz russe abondant et peu cher, mais non-conforme à "nos valeurs" dans "NotrEurope".
Remarque, le jour où il n’y aura littéralement plus de pain, peut-être que ça portera en effet des fruits ?

17/01/2025 10:25 par françois gerard

Il est noté nulle part que Gilliat de Staerck est secrétaire national de la branche Jeune du PRCF. Voilà, c’est fait

17/01/2025 11:31 par Assimbonanga

De mémoire, c’était Mélenchon qui avait été nommé comme ministre de l’enseignement professionnel pour créer les structures des lycées professionnels.
Enseignement professionnel que Macron et ses semblables ( Sarko ou Wauquiez, Ciotti ou Le Pen) s’ingénient dorénavant à démolir pour en faire un pré carré du patronat, un bas de laine, une cache à aubaines pour les entrepreneurs, pour que le patronat ait la haute main sur l’éducation nationale.
Des formations payées par les contribuables pour des entreprises particulières, comme par exemples les sociétés de sécurité qui ont raflé l’argent du compte formation lors des jeux olympiques, ou bien une usine qui a besoin de créer une ligne de production neuve et qui fait payer la formation avec l’agent public... Magouilles et Cie.

21/01/2025 23:48 par Assimbonanga

Cet article sur l’apprentissage et son financement public va bientôt quitter la page. Amis épris de SOCIAL dépêchez-vous de contribuer par vos commentaires ! Il n’y a pas de sociétal, ni woke ni de féminisme, ni de minorités, ni d’antiracisme, ni d’écologie, ni de lutte contre l’homophobie. Rien de graveleux !
C’est la relation patrons/subordonnés, c’est le rapport de force, c’est l’émancipation par l’éducation, c’est la lutte des classes. Approchez, venez voir ! C’est ce qui vous intéresse ! Donnez votre avis.

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