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Pour un référendum restaurant la souveraineté française

Georges Gastaud, Bruno Guigue et Fadi Kassem

Interpellation aux candidats se réclamant de la gauche populaire

Alors que les débats biaisés de la présidentielle occultent les quatre enjeux majeurs que sont le retour de l’euro-austérité, l’"Etat fédéral européen" voulu par Olaf Scholz (1), le dévoiement du patriotisme populaire par l’ultradroite et l’expansionnisme sans limite de l’OTAN – dont nous voyons aujourd’hui les résultats mortifères à l’est de l’Europe –, les candidats respectifs du PCF et de la défunte "France insoumise" restent loin, les sondages l’attestent, de l’accès au second tour. Et plus encore de l’éventualité de battre Emmanuel Macron au second tour s’ils franchissaient miraculeusement le cap du 10 avril.

Manifestement, ni Fabien Roussel, qui multiplie les déclarations gastronomiques mais qui s’engage à rester douillettement dans l’UE et l’euro s’il est élu, ni Jean-Luc Mélenchon, qui a résilié la dialectique "plan A /plan B" de sa campagne de 2017 ("l’UE, on la change ou on la quitte !"), n’attirent le gros de la classe ouvrière, ces ouvriers et employés qui, en mai 2005, investirent en masse le scrutin référendaire et qui votèrent alors massivement Non (2) à la constitution d’un Etat européen. Faut-il s’étonner du reste que le monde du travail ait "décroché" d’un système institutionnel qui, défendu par le Parti Maastrichtien Unique (ce PMU perdant pour le peuple qui associe la droite, le PS et LREM, désormais ralliés sur ce point par Zemmour et Le Pen qui refusent désormais toute idée de Frexit, fût-il de droite !), a insolemment violé la décision du peuple souverain. Et qui, Macron en tête, tentera bientôt d’imposer la "souveraineté européenne" et tout ce qui accompagne socialement, culturellement, voire militairement, une "construction" européenne synonyme de fin du produire en France, de démontage des services publics et des acquis sociaux, de substitution du tout-globish euro-atlantique à la langue française, d’euro-dissolution de la défense nationale et de délitement de la République indivisible garante d’égalité territoriale.

Certes, Roussel et Mélenchon rivalisent de propositions louables en matière d’augmentation des salaires et de "Sixième République" sociale et démocratique. Mais le monde du travail sait d’instinct que ces promesses sont en l’état aussi irréalisables que celle de François Hollande jurant d’abattre la finance, ou que celle du Grec Tsipras pliant devant la Troïka Commission européenne-BCE-FMI. Car, dans le cadre d’une UE arrimée à l’OTAN – donc aux guerres de l’Oncle Sam –, adossée au dispositif verrouillé de l’euro et gravée dans notre Constitution via son article XV, les tenants d’une gauche insuffisamment euro-insoumise seraient dans l’incapacité de combattre l’oligarchie, et par exemple de nationaliser les secteurs-clés de notre économie pour planifier la relance industrielle : l’ "économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée" chère aux maastrichtiens est en effet conçue pour forclore toute avancée vers le socialisme.

Dans ces conditions, bien que les auteurs de cette tribune restent fermement partisans d’un Frexit progressiste clair et net, voire unilatéral (car la souveraineté nationale ne se négocie pas, elle se prend !), nous soumettons publiquement une proposition à Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon : qu’ils s’engagent solennellement, si l’un d’eux est élu en avril, à organiser dans la foulée un référendum qui permettrait au peuple français de redevenir souverain tout en le mettant d’emblée en position de force face à Bruxelles, Berlin et Washington. La question pourrait être approximativement la suivante : "Vous prononcez-vous pour que la Constitution et les lois de la République française l’emportent en toutes circonstances sur les traités et sur les directives européennes, la réponse positive impliquant l’abrogation immédiate de l’actuel article XV de la Constitution française ?" Un « Oui » fixerait alors au chef de l’Etat le mandat impératif de faire catégoriquement prévaloir la souveraineté de la nation en tous domaines : politique, diplomatico-militaire, culturel, monétaro-budgétaire et socioéconomique.

Cette proposition n’équivaut nullement à la proposition de Fabien Roussel de "sortir des traités européens sans sortir de l’UE", ce qui ne signifie juridiquement rien ; encore moins à celle, lunaire, de demander à la BCE de financer le progrès social français, ce qui revient presque à confondre Harpagon avec Mimi Mathy. Notre proposition n’équivaut pas davantage à l’« opt-out » qui, en bon franglish, remplace désormais le "plan B" dans la panoplie désormais euro-compatible de Jean-Luc Mélenchon : car qui croira que l’UE cadenassée par l’euro et par l’article XV relèverait plus du choix à la carte que du "menu" contraint fixé par les banquiers de Francfort ? Bien entendu, il reviendrait au peuple français de faire ensuite résolument respecter son choix de manière que, cette fois-ci, contrairement à ce qui s’est passé en 2005, le peuple souverain ne recule plus d’un pas devant le coup d’Etat oligarchique. Quant à l’objection selon laquelle il serait inutile que le président élu organise ce référendum puisqu’il aurait entretemps institué le RIC, comment ne pas voir qu’il s’agirait d’une diversion ? Sur une question aussi stratégique pour l’avenir de la France, du monde du travail et d’une coopération mutuellement profitable avec tous les continents, il serait simplement malhonnête de rester dans le flou.

Ce que nous proposons en somme, c’est un choix de classe que d’aucuns ont trop longtemps éludé par souci de courtiser principalement les couches moyennes eurobéates en contournant le monde ouvrier notoirement euro-critique. Car en France, jamais la gauche populaire (nous ne parlons pas de la social-eurocratie du PS) n’a pu gagner en contournant les travailleurs et elle implosera au soir du premier tour si elle ne se réoriente pas dès maintenant vers les classes populaires, non pas en surjouant des postures franchouillardes qui méprisent le patriotisme populaire, mais en ravivant de manière innovante le vote souverain violenté du 29 mai 2005. Ceux qui voudraient contourner cette exigence, non seulement mordraient cruellement la poussière, non seulement abandonneraient la bataille de France aux xénophobes fascisants, mais seraient vite rattrapés eux-mêmes par la "grande explication" qui vient entre les travailleurs de ce pays et ses destructives "élites" euro-atlantiques.

Fadi Kassem est diplômé de Sciences Po Paris, agrégé d’histoire, secrétaire national du Pôle de Renaissance Communiste en France
Georges Gastaud est agrégé de philosophie, auteur de "Patriotisme et internationalisme" (2011)
Bruno Guigue est ancien sous-préfet, chercheur en philosophie politique

(1) Le nouveau chancelier social-démocrate allemand qui piétine incidemment notre constitution, laquelle dispose que "la souveraineté réside essentiellement dans la Nation"...
(2) A 80% pour les ouvriers, à 65% pour les employé(e)s et à 65% pour les 18/25 ans !

COMMENTAIRES  

06/04/2022 20:30 par robess73

Ouh Ouh les rêveurs du rpcf. Avant de faire un référendum il faut passer 2 tours.... Et avec ses 2% roussel est mal embarqué... On attend toujours une consigne de vote. Claire.... Mais ça écorche.... Hein ?

07/04/2022 05:51 par Xiao Pignouf

J’avoue que j’ai du mal à comprendre la logique à l’oeuvre ici.

Si le but de cette lettre est d’appeler au référendum pour un Frexit, le fait de l’adresser à M. Roussel, qui n’a aucune chance de passer au second tour, mais au contraire de contribuer à ce que le seul candidat de la gauche populaire en mesure de le faire échoue à le faire.

Mieux vaudrait appeler les militants et sympathisants communistes à voter Mélenchon plutôt que Roussel.

Quant au référendum, la Constituante pourrait régler le problème.

07/04/2022 12:47 par Louis St O

J’ai l’impression de voir une vidéo sur les Ukrainiens en train de tirer dans les jambes des militaires russes.(ou de JLM)
et ça à 3 jours du premier tour.
Vous devriez juste dire de ne pas voter, ou mieux voter Macron ce serait plus simple.

07/04/2022 15:30 par robess73

Je ne comprends pas comment 3 intellectuels de ce niveau puissent avoir de telles œillères et ne pas voir l urgence qu il y’a a voter jlm.... C est ahurissant.

07/04/2022 18:42 par cunégonde godot

Excellent article auquel je souscris, sauf peut-être sur le "timing" du référendum, mais bon... avec certains on se comprend...

08/04/2022 02:55 par Pamphile

L’article 15 de la Constitution, ici répété trois fois, parle... du chef des armées !
Il s’agit du titre XV, c’est-à-dire les articles 88-1 et suivants, qui dit notamment que " La République participe à l’Union européenne ".
 
Pour pouvoir quitter l’UE, chose qui ne se produira pas quel que soit celui qui sera élu, il faudrait :
- premièrement, organiser un référendum "façon De Gaulle" — article 11 et non pas article 89 — pour supprimer le titre XV de la Constitution,
- deuxièmement, adresser une lettre à l’UE sur le fondement de l’article 50 du traité sur l’Union européenne (T.U.E.),
- enfin, prendre son mal en patience : au bas mot, 2 ans.

Pour briser la dynamique mortifère, il serait peut-être plus judicieux et en tous cas beaucoup plus simple et rapide d’envoyer une lettre à Washington pour quitter l’OTAN : 1 an entre la lettre et la sortie effective.
 
Bien sûr, ce rêve restera en l’état au moins jusqu’en 2027 puisque tous les candidats en lice sont de fieffés europhiles et atlantistes.
 

08/04/2022 07:57 par Vigie rouge et insoumise

Bien que les signataires soient estimables, bien que ce qu’ils écrivent soit juste (pour l’essentie), cet article est une erreur (faute ?) politique dans la semaine avant les élection.
LGS devait le savoir, mais ce site a pour ligne de "donner à lire" en pariant sur l’intelligence des lecteurs.
N’empêche que, publié le 11 avril, cet article collectif aurait été meilleur.

08/04/2022 10:29 par Danael

Parmi les signataires de cet article, qui se targue de représenter les demandes de la classe ouvrière, il manque un peu d’ouvriers. La question de fond est quand même clairement posée et je ne doute pas qu’elle se pose aussi dans l’Union populaire car l’économie européenne, avec toutes les sanctions qu’elle s’avale, est dans la phase accélérée de sa chute et de son incohérence. La seule chose que je reproche à cet article est qu’il annonce d’emblée la défaite de Mélenchon à deux jours des élections. Très sympa pour les rencontres futures sur la question car il faudrait d’abord gagner les élections pour pouvoir la poser aux Français.

08/04/2022 11:24 par Semaphorum

Très bonne initiative les amis. Il faut commencer le plus tôt possible les initiatives de soutien aux partis de G qui seront appelés à gouverner. La prochaine constitution est essentielle. Sortir de l’UE serait un chemin infernal, mais pourrir la situation (comme 2ème contributeur c’est facile) pour qu’elle se dissolve elle-même serait une meilleure idée et officialiser immédiatement la sortie de l’OTAN son bras armé un bon début. La dédollarisation en marche va ouvrir les voies économiques et financières pour passer outre l’UE pour tout accord de coopération entre non-alignés..
Merci pour toutes ces années de luttes, perso là j’y crois, pour la 1ère fois et ça change la vie...

08/04/2022 14:34 par Abdul

Se mettre à 3 "grandes têtes molles" pour pondre un tel ramassis d’âneries, belle performance...

On n’echappe à aucun poncif : ainsi les prévisions boule de cristal sont prises pour argent comptant et deviennent chose certaine, assurée, car... "les sondages l’attestent".

Ou bien on nous inflige un sabir type Jadot (sur rance cucul ce midi trente, allez vérifier c’est kif kif le même discours) comme quoi JLM est décrété "trop loin" du 2nd tour. Les sondages, pas vrai...

JLM au 2nd tour le 10 ? Pour nos grandes caboches gélatineuses cela serait "miracle". Nous sommes en plein défaitisme. Mais révolutionnaire, hein...

Les 3 mousquetaires en carton d’autre part savent que le gros de la classe ouvrière n’est pas attiré. Comment ils le savent ? ah ben aucune idée mais, pour pallier cette ignorance on claironne "manifestement"... (franchement que connaissent ces 3 zèbres, de la classe ouvrière ? On se marre... )

08/04/2022 16:55 par Monsieur Georges

Abdul, le gros de la classe ouvrière, en gros, ça veut dire quoi ?

Quand nos grands théoriciens et spéculateurs du présent comme de l’avenir mettrons les mots corrects sur la réalité d’une grande partie des Français et Françaises, on comprendra mieux où ils et elles veulent en venir.

Qui se reconnait encore en 2022 dans le terme "ouvrière, ouvrière" ?? Des proléraires, des vacataires, des précaires, des sous-employés, des auto-entreprenwurs, tous atomisés, surtout dans le commerce et les services, le numérique de.plus en plus.

Autrement dit le peuple des GJ, des populations, des catégories sociales laissées à elles-mêmes et qui agit, mais que goûte à demi mots la gogauche qui bouge beaucoup devant des caméras et cause dans ses micros.

Ruffin est-il populaire parmi les producteurs bio déséspéres, les chômeurs prêts au suicide pour fuir le labyrinthe kafkaïen des obligations administratives, et du droit au RSA, ou encore de la mamie qui meurt en silence et dans la dignité, dans une extrême pauvreté ?? Moi aussi je sais faire couler une larme aux lecteurs...

Tant que les micros sont allumés, ça cause toujours. Quand il n’y aura plus d’electricité pour tout le monde, on verra bien ceux et celles qui sont encore capable de faire et maintenir le feu.

08/04/2022 21:19 par le vrai juan

@ robess 73 il y a un article dans le monde diplo du mois d’avril sur le Venezuela

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