ParcourSup met 158 000 jeunes au supplice

Olivier CHARTRAIN

62 000 étudiants sans affectation, 96 000 qui ne savent toujours pas où ils seront à la rentrée. Voilà les vrais chiffres de ParcourSup. A deux semaines de la fin de la procédure.

Quand on n’a pas envie de compter, on peut toujours compter… sur sa capacité à jouer sur les mots. C’est apparemment un exercice qu’affectionne Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur. Elle s’y est livrée avec gourmandise hier matin sur France Inter. Interrogée sur le nombre d’étudiants encore en attente sur la plateforme Parcoursup, dont la phase principale se termine le 5 septembre, elle a martelé deux chiffres. Ils seraient « plus de 591 000 à savoir où ils seront à la rentrée », tandis qu’« un peu moins de 15 000 candidats » seraient toujours en attente d’une réponse, ces derniers étant bien entendu « accompagnés par les commissions » académiques d’ accès à l’enseignement supérieur (CAAES), créées à cet effet.

Or, ces chiffres répétés comme des mantras par la ministre sont faux. Il suffit pour le vérifier de consulter le site officiel de Parcoursup. Hier, 490 705 candidats avaient définitivement accepté une proposition (soit 60,4 % des 812 000 inscrits). Frédérique Vidal leur a tout simplement additionné les 95 635 qui ont reçu une proposition, mais ne l’ont toujours pas acceptée et restent en attente pour d’ autres vœux, correspondant plus à leur projet. Or ceux-là, de fait, ne savent toujours pas « où ils seront à la rentrée ». Ce qui ne va pas sans poser de nombreux problèmes, en premier lieu pour leur logement.

Des étudiants sans réponse ... et donc sans logement

Céline Paul est dans ce cas. Avec son bac ES, elle est prise en BTS « design d’espaces » à Reims, proposition qu’elle n’a toujours pas acceptée car elle habite Quimper et préférerait étudier à Caen ou à Nantes, bien plus près de chez elle. « J’ai longtemps été troisième sur la liste d’attente à Caen, mais je viens de passer première, et deuxième à Nantes. » Elle attend donc encore, sans aucune garantie . « Je n’ai pris de logement nulle part », explique cette boursière : « Avec mes parents , nous nous sommes dit qu’on n’allait pas louer à Reims, alors que je risque d’aller ailleurs. Mais du coup, dans les trois villes , il ne reste pas grand-chose, seulement les appartements les plus chers ou alors les plus excentrés. »

D’autres ont sauté le pas et payé des cautions… qu’ils risquent de ne jamais revoir, les Crous (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires) par exemple ne remboursant plus ces sommes au-delà d’un délai d’un mois. Sans compter ceux qui, déjà locataire , ne savent pas si ni quand ils vont devoir déposer leur préavis. Céline, elle, avoue un « gros stress » : « C’est la première fois que je décohabite, J’aurais aimé pouvoir me préparer dans de meilleures conditions. » Elle n’est de toute façon pas concernée par le dispositif d’« aide à la mobilité » annoncé par la ministre. Doté de 7 millions d’euros, il doit permettre de distribuer une aide unique variant de 200 à 1 000 euros à des étudiants contraints de s’inscrire dans un établissement éloigné de leur domicile.

Quant aux candidats qui n’ont toujours reçu aucune proposition, ils sont en vérité 62 501, et non 15 000. Pour obtenir son chiffre , cette fois la ministre a tout simplement rayé de la carte 47 058 candidats considérés comme « en attente » le 22 juillet , avant la pause estivale, et devenus d’un coup des « inactifs », parce qu’ils n’ont pas fait appel à la CAAES et/ou ne se sont pas inscrits en phase complémentaire – alors que de nombreux étudiants avouent ignorer l’existence même de ces commissions. Voilà donc comment 158 136 étudiants sont toujours dans l’incertitude. Un chiffre que la ministre, visiblement, n’a guère envie de prononcer.

 https://www.humanite.fr/education-parcoursup-met-158-000-jeunes-au-supplice-659613

COMMENTAIRES  

01/09/2018 12:27 par Autrement

Encore une génération sacrifiée !
Le comble est que la CPU (Conférence des Présidents d’Université) a approuvé ParcoursSup.
Quel bon sens de tiroir-caisse ! Puisqu’il n’y a pas assez de postes d’enseignants, de personnels administratifs et techniques, de locaux et de moyens, inutile de vouloir élever le niveau culturel de la nation (ce qui devrait être le propre d’une démocratie) et de former des cadres dignes de ce nom en nombre suffisant.
Il n’y a qu’à réduire le nombre des étudiants (en les triant avec zèle, c’est-à-dire ségrégativement), au lieu de dénoncer les carences de l‘État en matière d’éducation. Cela permet d’être invités aux dîners officiels sous le "haut patronage“ de qui vous savez
Ces “Présidents d’Université“ ne sont tout simplement plus des universitaires, au sens propre du mot, mais la domesticité du Pouvoir. Qu’ils réfléchissent à leurs responsabilités envers toute notre jeunesse, ou qu’ils dégagent, eux aussi !

01/09/2018 13:15 par Ellul

Générations sacrifiées bien avant.... Pas cinq pourcent des bacheliers capables d’avoir le certificat d’étude ; Enfin, remarque inutile je le conviens...

02/09/2018 02:37 par François de Marseille

Combien de parents de ces enfants ont voté pour la seule alternative au neoliberalisme dont parcours sup n’est qu’une des facettes ?
Tout ces maltraités du système vont il comprendre enfin d’où vient leurs malheur.?
Rien n’est moins sûr.

02/09/2018 10:23 par irae

@f de marseille

Le problème avec ceux qui ont porté le neolibéralisme absolu au pouvoir et c’est souvent le cas se croyaient (les crétins) à l’abri de sa malfaisance.
Ils se réjouissaient déjà de l’ouverture de la chasse aux fénéants (demandeurs d’emploi), aux immigrés travailleurs illégaux (dont les mêmes réclament la titularisation dans l’hôtellerie-restauration et pour cause), à la chasse à l’assistanat (réduction des apl) et tanpis pour le petit neveux étudiant, un strict rétablissement de l’entre-soi scolaire avec parcours sup à l’opacité tellement pratique.
Les retraités, classe qui a permis massivement son accession au trône se pensait sanctuarisée et c’est celle qui trinque le plus comme quoi il y a une justice.
Bref oui ces cons pensaient voter pour le guignol des csp+ alors qu’il ne prend de mesures favorables qu’aux 0,01 % voire 0,001 % les mieux lotis.
Bien fait pour eux.

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