22/12/2013 à 05:24, par AristippeO
Pilger parle de Bradley Manning en tant que gay.
Cela ne semble pas être ce qu’affirme Pilger, au contraire, je le cite :
« A ma connaissance, aucun porte-parole éminent d’un mouvement de défense des gays ne s’est élevé contre l’hypocrisie d’Obama et de Biden qui affirment leur soutien au mariage gay tout en terrorisant un homme gay dont le courage devrait être une source d’inspiration pour tous, sans considération pour sa sexualité. »
« Pilger parle en tant qu’anglo-saxon qui segmente. »
Oui bof, on n’a pas besoin d’être anglo-saxon pour segmenter, il suffit de se regarder soi ou de regarder autour de nous, il y a tout le temps un processus de segmentation et cela devient une discrimination lorsque cela se fait au détriment d’une vision panoramique...
« Que Manning soit de droite, royaliste ou qu’il baise des chèvres n’aurait rien retiré au fait que Manning a pris d’immense risque pour dénoncer des abus de pouvoir. »
Hé bien, voir ce que déclare Pilger :
« La vérité est celle-ci : pour tous ceux qui aspirent à contrôler nos vies, ce qui leur importe n’est pas couleur de notre peau, notre sexe ou notre préférence sexuelle, mais la classe sociale que nous servons. Leur objectif est de nous pousser à poser notre regard sur nous-mêmes et pas sur les autres pour nous empêcher de prendre conscience de l’ampleur du caractère antidémocratique du pouvoir, et par là même obtenir notre collaboration pour isoler ceux qui résistent. »
« Là encore, il y a confusion. Les homos ne sont pas une avant garde, ils ne sont pas révolutionnaire, Ils sont des individus de toutes les couleurs de l’offre politique de leur milieu, de leur nation. Ils ne font pas communauté politique. Est-ce pour cela qu’on doit leur dénier des droits ? »
Je suis totalement d’accord avec vous.
Personnellement, j’ai remarqué deux sortes de stratégies dans le processus de discrimination :
– la première est simple, basique.
Elle consiste à faire valoir qu’un être différent de soi est inférieur, donc qu’il ne devrait pas bénéficier des mêmes droits (égalité), des mêmes sentiments de solidarité et d’empathie (fraternité), ni des mêmes libertés (ce qui est directement en rapport avec sa différence devrait être caché, on emploie le terme « privé », ou « pas public », ça passe mieux). C’est du à une croyance irrationnelle et passéiste qui fonctionne sur un système de structure verticale car la base des répartitions ne peut être conçue autrement que de manière pyramidale et hiérarchique.
Pour faire simple, cette croyance donne l’illusion que si un être un tant soi peu différent bénéficiait des mêmes droits dont nous nous contentons en espérant en obtenir de plus égalitaires, fraternels et libertaires, ça se ferait au détriment des miettes qui nous sont accordées, et nous nous retrouverions de fait, un cran au dessous de l’échelle de valeur verticalisée.
Pour justifier cette peur irrationnelle et irraisonnée, on postule alors que les revendications de l’autre, l’étrange étranger, - celui qui a une sexualité (l’homo), une croyance (le musulman), une culture (le port du foulard), une couleur de peau (le noir), une espèce (l’animal) un genre (la femme)... etc. différents de nous- doivent passer après les nôtres parce que sinon, elles « séparent ». Et ce, même si les statistiques démontrent qu’en terme de classe, les revendications de l’autre sont justifiées à cause des discriminations dont il est victime dans tous les secteurs.
A mes yeux c’est une erreur, puisque la séparation, ou la segmentation est déjà présente, et qu’elle est à l’origine des injustices.
Il s’agit d’un « angle mort » qu’on persiste à refuser de considérer, par crainte de morfler encore plus des injustices sociales dont on souffre aussi, personnellement.
Comme si, le fait de tourner la tête pour voir ce qu’on ne peut voir dans le rétroviseur latéral à cause de l’angle mort, nous ferait détourner le regard de ce qui nous arrive en face et qu’ainsi, on perdrait le cap et se prendrait en pleine poire un véhicule qui arrive en face.
– la deuxième est plus complexe et de facto, sa manipulation est plus difficile à détecter : elle consiste à instrumentaliser les minorités victimes de discrimination pour amplifier les injustices sociales dont tous les peuples sont victimes.
C’est beaucoup plus habile, c’est faire d’une pierre deux coups.
Et cette stratégie provient du plus haut de la pyramide, de la part de ceux qui tirent les ficelles et ont la croyance de ne jamais en être délogés (donc, pas de crainte de leur part de descendre un cran en dessous de l’échelle verticale), avec aucun déni de l’angle mort : au contraire, ils en connaissent d’autant plus l’existence qu’ils vont tout faire pour le maintenir.
Pour rester dans l’illustration de « l’angle mort », ils demanderont au conducteur de tourner la tête pour voir le véhicule qui arrive à son niveau, mais profiteront de ce moment de diversion pour balancer un bulldozer en sens inverse qui écrabouillera les deux véhicules à la fois.
C’est, à mon avis, ce que dénonce Pilger lorsqu’il dit :
Qui parmi tous les flagorneurs et prétentieux de la fête à fric hollywoodien chez Clooney a crié « Souvenez-vous de Bradley Manning » ?
Ainsi, ils marginalisent définitivement les petites différences pour en faire un danger (alors qu’elles devraient être considérées comme une diversité qui fait la richesse de ce monde).
Par ailleurs -et là je me demande si Pilger et ceux qui soutiennent son article en tiennent compte- ils donnent raison à ceux qui s’estiment lésés à chaque fois qu’un de leurs droits est accordé à une minorité défavorisée, puisque ces flagorneurs agissent en ce sens : d’un côté ils accordent un petit quelque chose à une partie, de l’autre ils enlèvent un gros morceau à tous.
Et le raisonnement erroné sera : « ne donnez pas un petit quelque chose à Bidule, sinon on sera encore plus dans la mouise » au lieu de « OK pour Bidule, c’est le moins que vous puissiez faire mais laissez-nous tirer les ficelles pour qu’on répartisse nous même tous les morceaux de manière égalitaire ».
« on y voit un drapeau arc en ciel »
: ce n’était pas le rêve de Mandela, « la société arc-en-ciel » ? Il a tenté de rendre la société plus juste en modifiant, entre autre, la constitution afin d’abolir les discriminations dont étaient victimes aussi les homosexuels, et en légiférant le mariage pour tous, non ? Je pose la question car j’ai l’impression qu’on n’en parle pas trop de ça, de cette capacité de Mandela à avoir une vision panoramique.