Des docteurs et des infirmières qui passaient en justice au Bahreïn la semaine dernière ont raconté à leur famille qu’ils avaient été battus avec des tuyaux et des planches à clous et forcés de manger des selles.
Ils ont aussi été obligés de rester debout sans bouger pendant de longues heures et même des jours entiers et privés de sommeil pour qu’ils signent de fausses confessions.
Les autorités du Bahreïn ont assigné 47 docteurs et infirmières devant un tribunal sécuritaire, en les accusant d’avoir tenté de renverser le gouvernement malgré leurs affirmations selon lesquelles ils n’avaient fait que soigner des manifestants pro-démocratie.
Des membres des familles des travailleurs de la santé qui ont été autorisés à leur parler pendant 10 minutes après la lecture de leur acte d’accusation ont témoigné que les accusés leur ont dit avoir été psychologiquement et physiquement torturés pendant leur détention. Selon un témoin, les travailleurs médicaux auraient dit que les pires "formes de torture leur avaient été infligées pendant les interrogatoires du Directoire d’Investigation Criminelle (DIC) d’Adiya. A la prison ils ont eu à subir principalement des humiliations, des insultes continuelles et parfois des passages à tabac, mais rien d’aussi extrême et dangereux que ce que le DIC leur avait fait."
Le procès est la preuve que la levée de la loi martiale le premier juin n’a eu aucune incidence sur les mesures répressives que le gouvernement multiplie contre la majorité shite. La Cour qui juge les accusés dont la plupart travaillaient au complexe médical de Salmaniya, comprend des juges et des procureurs militaires et civils, ce qui semble montrer que la levée de la loi martiale a été un simple stratagème pour pouvoir accueillir le Grand Prix de formule un à Bahreïn en octobre.
Avant la lecture de l’acte d’accusation hier, les familles des docteurs et des infirmières n’ont pu leur parler qu’au téléphone et les avocats n’ont pas vu du tout leurs clients. Selon des témoins l’apparence des docteurs confirmait l’allégation qu’ils avaient été maltraités. Les journalistes étrangers ont été largement interdits au Bahreïn mais un témoin m’a donné des détails précis sur l’état dans lequel était les travailleurs médicaux.
"Ils avaient un bandeau sur les yeux et des menottes qu’on leur a enlevés seulement quand la [Cour] est entrée" selon le témoin qui veut garder l’anonymat. Le personnel de santé était divisé en deux groupes, 20 sont accusés de trahison et les autres de divers délits. Le premier groupe avait la tête rasée. La plupart d’entre eux avaient maigri. Beaucoup étaient vêtus de survêtements ou de pyjamas." Certains des docteurs sont des consultants qui ont 20 années de service au ministère de la santé du Bahreïn.
Les avocats des docteurs se sont plaints de ne pas avoir pu parler à leurs clients et le juge leur a répondu qu’ils pourraient le faire après la séance. Ils ont demandé si les docteurs seraient libérés étant donné qu’ils avaient déjà passé plus de 60 jours en prison mais il leur fût répondu que non. Le procès a été reporté au 13 juin.
Patrick Cockburn
Patrick Cockburn est l’auteur de "Muqtada : Muqtada Al-Sadr, the Shia Revival, and the Struggle for Iraq
Pour consulter l’original : http://www.counterpunch.org/patrick06102011.html
Traduction : Dominique Muselet
« Il faut prendre à César tout ce qui ne lui appartient pas. »
Paul Eluard, Notes sur la poésie, GLM, 1936