RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Lettre ouverte au prochain ministre des Affaires étrangères

La chose est désormais entendue. Madame Michèle Alliot-Marie va quitter le Quai d’Orsay, et celles et ceux qui ont la France et son honneur fichés au fond de leur esprit et de leur coeur ne peuvent pas s’en plaindre. Il était temps… Grand temps.

Qu’on se comprenne bien : plus que des voyages plus ou moins décents, c’est du fond qu’il est question. Car c’est un fait : son aveuglement politique a été total. En particulier concernant le Proche et Moyen-Orient.

Certes, la politique étrangère relève du « domaine réservé » du président de la République, et l’Elysée est donc à la manoeuvre. Ce rôle revient en particulier au conseiller diplomatique du président, Jean-David Levitte, et au secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant.

Tous deux accumulent des erreurs de jugements qui nuisent à la France, mais ils restent en place. Ces « néoconservateurs », qui ont plusieurs train de retard sur l’évolution du monde et un désintérêt pour la place de la France dans le monde, en particulier au Moyen-Orient, devraient, et sur le champ, être également « remerciés ». Mais les atteindre c’est atteindre le Président. Et, quand on est président, on préfère faire sauter un fusible que de mettre en danger le système.

Reste que Michèle Alliot-Marie, grâce à eux, va tomber non sur des péripéties secondaires, mais sur le fond du dossier du Moyen, et surtout, du Proche-Orient. C’est pourquoi son successeur devrait s’en souvenir. Pour lui, accessoirement, mais surtout pour la France.

Madame Alliot-Marie n’a rien vu venir des « révolutions arabes ». Certes, elles étaient imprévisibles. Mais on ne saurait en dire autant du conflit israélo-palestinien, qui est à l’origine, depuis plus de soixante ans, des humiliations du monde arabe. Or qu’a telle fait sur ce dossier ? A peine se rendit-elle sur place qu’elle commit maladresses sur maladresses. Jusqu’à ce que des Palestiniens lui brandissent des chaussures sous le nez, acte de mépris suprême. Jacques Chirac, lui dont elle se réclama quelque temps, affronta, lui, la police israélienne dans les rues de la vieille ville de Jérusalem pour défendre le droit et l’honneur de la France.

Et quelles décisions a-t-elle prise à propos de ce conflit nodal, central ? Comme ministre de la Justice et Garde des Sceaux, elle a détourné la loi du 29 juillet 1881 pour traîner devant les tribunaux des militants pacifistes en les qualifiant de « racistes » parce qu’ils disent « non » à la politique israélienne. Pour ce faire, elle n’a pas hésité à se renier : elle qui, ministre de l’Intérieur, répondait en ami 2009 au député Eric Raoult ne voir pas trace, en France, de « boycott des produits casher », affirmait le contraire, sans la moindre preuve en février 2010 devant le dîner du CRIF d’Aquitaine…

Parvenue au Quai d’Orsay, elle a poursuivi sa mission d’« amie d’Israël » en ne faisant pas la moindre déclaration, pas le moindre geste pour obtenir du gouvernement Netanyahou qu’il cesse de saboter toute négociation et en particulier gèle toute activité de colonisation. Inutile de dire qu’une initiative, même symbolique, aurait quelque peu restauré l’image de notre pays entachée dans cette région du monde par la rupture de Nicolas Sarkozy avec la politique initiée par le général De Gaulle.

A l’heure où le Quai d’Orsay se prépare à accueillir un autre locataire, il n’est pas inutile, non fixer à ce dernier une « feuille de route » - nous n’avons pas, nous, cette outrecuidance -, mais de lui suggérer avec insistance trois actes majeurs qui ne peuvent plus attendre.

Tout d’abord, il convient d’en finir une fois pour toute avec la conception selon laquelle l’amitié avec Israël passerait par un accord inconditionnel avec sa politique, quelle qu’elle soit. Faut-il, par exemple, militer pour l’impunité des dirigeants de cet Etat lorsqu’ils sont accusés de « crimes de guerre, contre l’humanité » par le rapport Goldstone, approuvé lui-même par l’Assemblée générale de l’organisation ? Faut-il, alors qu’on déclenche une crise diplomatique avec le Mexique à propos d’une compatriote en prison pour des raisons de droit commun, ne pas lever le petit doigt pour libérer Salah Hamouri, de jeune franco-palestinien qui pourrit dans une prison israélienne pour des raisons uniquement politiques ? Ce tropisme pro-israélien devient de la complaisance pour toutes les atteintes au droit et aux droits auxquels se livre cet Etat. Il faut y mettre un terme.

En second lieu, il faut en finir avec cette absurdité qui consiste à dire, comme l’a fait Michèle Alliot-Marie : « On reconnaîtra l’Etat palestinien une fois les négociations terminées entre les deux parties. » Mais nul n’ignore que laisser Israéliens et Palestiniens face à face ne peut que conduire à une impasse totale. Il faut au contraire agir, c’est notre devoir et notre responsabilité. Aux antipodes de l’attentisme, la France doit inaugurer enfin un « cercle vertueux » en reconnaissant sans délai l’Etat palestinien dans ses frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.

Car - et c’est le troisième acte qui s’impose -, si notre diplomatie est sincère dans l’espoir proclamé qu’un Etat palestinien voie le jour en en 2011, il faut qu’elle adopte une toute autre démarche au sein de l’Union européenne. La France, parce que c’est la France, peut constituer la force motrice au sein des Vingt-Sept pour les amener à reconnaître, eux aussi, l’Etat de Palestine afin que celui-ci devienne dès cette année un membre à part entière des Nation unies. Barak Obama lui-même s’y est engagé, mais le veto américain opposé par Washington à une résolution récente condamnant - comme les Etats-Unis - la colonisation le confirme : la Maison Blanche ne tiendra ses engagements que si ses alliés l’exigent haut et fort.

Dans son dernier communiqué, le Conseil des ministres européens des Affaires étrangères déclarait que l’Europe reconnaîtrait l’Etat de Palestine « le moment venu ». Si l’Europe ne bouge pas, le temps ne viendra jamais.

Monsieur ou Madame le prochain ministre des Affaires étrangères de la France : le moment est venu de reconnaître l’Etat de Palestine et de l’accueillir au sein de l’ONU.

Plus généralement, « le moment est venu » d’une toute autre politique qui tende la main aux révolutions arabes, aux Palestiniens qui bougent eux aussi et exigent l’unité entre Fatah et Hamas, aux pacifistes mobilisés pour la défense de leurs libertés - une politique qui fasse du droit un principe et de l’action un devoir, une politique qui soit de justice et de non-arrogance envers ces peuples amis.

Jean-Claude Lefort
Président de l’AFPS
Député honoraire

URL de cet article 12915
  

Même Thème
Roms de France, Roms en France - Jean-Pierre Dacheux, Bernard Delemotte
Population méconnue, la plus nombreuse des minorités culturelles, présente en Europe depuis des siècles, les Roms comptent plus de dix millions de personnes. Ils ont subi partout l’exclusion et les persécutions : l’esclavage en Roumanie du XIVe au XIXe siècle, l’extermination dans les camps nazis… Peuple à l’identité multiple, son unité se trouve dans son histoire, sa langue et son appartenance à une "nation sans territoire" . La loi Besson de juillet 2000 a reconnu les responsabilités de (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Nous sommes gouvernés, nos esprits sont moulés, nos goûts formés, nos idées suggérés, en grande partie par des gens dont nous n’avons jamais entendu parler.

Edward Bernays

Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.