« Moi aussi je trouve que Barcelone est plus jolie, mais bon, ça reste mon avis ! » s’amuse à me confier Albert quand je lui annonce que la capitale catalane me semble plus belle que sa consoeur, Madrid. Ce dimanche 21 janvier 2012, sous l’Arc de Triumf (l’arc de triomphe) j’ai rendez-vous avec le jeune militant des CJC (Collectifs des Jeunes Communistes), protagoniste malgré lui d’une saga judiciaire dont j’ai déjà relaté les détails [1]. Arrêté avec deux autres camarades à lui en novembre 2007 lors d’une manifestation antifasciste suite à la mort du jeune Carlos Palomino, il est accusé d’actes de violences à l’égard des agents de la police catalane, los Mossos d’Esquadra. Durant plus de quatre ans les trois communistes sont contraints de subir un marathon judiciaire qui encore aujourd’hui n’a pas cessé. Albert et ses deux autres camarades sont en attentes de leurs sentences, « sans doute une simple amende, mais probablement que l’accusation fera appel » dit-il.
Rejoints par Ferrán, un jeune membre du PCPE (Parti Communiste des Peuples d’Espagne), nous nous installons à la table d’un bar en terrasse, l’hiver est doux ce mois-ci à Barcelone. Le jeune militant m’explique alors que l’une des batailles menées lors du procès a été d’obliger les policiers à témoigner à visage découvert. « Ces derniers voulaient se prononcer derrière un rideau sous prétexte d’un risque de représailles à l’encontre de leur famille. Il a fallut démontrer que le parti (le PCPE) n’était pas un parti violent mais une organisation totalement légale. De la même façon ils ont voulu que cette affaire soit jugé par la "audiencia nacional" , le tribunal qui possède les compétences pour juger les cas de terrorisme. Celui-ci a refusé considérant ce cas comme relevant du pénal. Une fois cela démonté, nous avons pu obliger que les agents en question témoigne à visage découvert, devant nous. Les yeux dans les yeux c’est plus difficile de mentir. De plus, il s’est avéré que dans leurs témoignages surgissaient des incohérences ». Les Mossos d’Esquadra, force de frappe du gouvernement catalan, sont réputés pour leur violence lors des manifestations ; « quand il s’agit de disperser trois, quatre groupuscules antifascistes, les types n’hésitent pas à frapper dans le tas car ils savent que le tissu social de ces organisations n’est pas suffisamment étendu pour qu’il y ait une réponse civile par la suite. Mais lors du mouvement des indignés, cela à été différent. La médiatisation du mouvement a fait que les caméras ont rapporté les exactions des agents » souligne Ferrán. Suite à la bataille rangée qu’a provoqué le délogement de la Plaça de Catalunya le 27 mai 2011 [2], une série de mise en examen à été lancée résultant sur la mise en examen de toute une batterie de responsables dont le commissaire en chef des Mossos de Barcelone, Joan Carles Molinero [3]. Les affrontements s’étaient conclut à l’époque avec près d’une centaine de blessés.
Tout au long de cette affaire le PCPE, qui a dénoncé une croisade anticommuniste à l’égard de son organisation, a déployé tous ses modestes moyens pour sensibiliser un maximum de monde sur le cas de trois accusés. « La majorité des organisations politiques de gauche nous ont soutenus, enfin, disons qu’elles ont signé un communiqué de soutien. C’était symbolique mais important. Parmi elles le PCE et l’UJCE (Union des jeunes communistes d’Espagne) mais pas le Parti Communiste de Catalogne (PCC) ! » racontent les deux catalans. Cela s’explique par le fait qu’à l’époque le conseiller de l’intérieur et des relations institutionnelles de la région de Catalogne, qui supervise la politique de maintien de l’ordre, est Joan Saura, membre de Inicitativa pers Catalunya Verds, coalition de gauche à laquelle participe le PCC !
Au niveau internationale le principal soutien est venu du grand frère grec : le KKE (Parti communiste de Grèce). Organisation marxiste-léniniste la plus forte du continent européen, le KKE s’est prononcé, via ses députés au parlement européen, sur l’affaire des trois catalans, exigeant des réponses de la part de l’Espagne [4]. « Les camarades grecs se sont même déplacés à l’ambassade espagnole à Athènes. Ils y ont rencontré l’ambassadeur qui étais déjà au courant de l’histoire et qui s’est défendu argumentant qu’il s’agissait là d’un conflit entre factions de gauche, à savoir le PCPE et l’ICV (l’Initiativa pers Catalunya Verds). Mais ce qui réellement est important là -dedans c’est que l’ambassadeur était au courant de l’ensemble des détails de l’affaire, ça les militants du KKE nous l’ont confirmé. Tu connais combien de fonctionnaires d’états qui sont mis au courant d’affaires pénales ? Quasiment aucun ! Cela démontre que notre mobilisation a eu des échos et que les pressions des camarades grecs ont obligé l’ambassade espagnole à être informée » affirme Albert, voulant ainsi me démontrer le poids qu’à eu la prise de position en leur faveur de divers organisations soeurs de par le monde.
La libération immédiate sans condition est ce que réclame le PCPE pour ses militants. Au final « ils risquent de nous mettre une amende. C’est une victoire dans le sens où cela ne relève pas des actes desquels on nous accuse de manière mensongère. Jamais le parti et nous aurions accepté de payer, même une amende, pour des choses que nous n’avions pas commises. Or, de ce quoi on nous accusait, à savoir de troubles à l’ordre public, jet de pierres et mise en place de barricades à l’encontre des forces de l’ordre, se paye par une sanction bien précise, c’est inscrit dans la loi. Et ce n’est pas une amende. Non, dans ce cas là , on nous jugerait coupable pour je ne sais quelle imbroglio judiciaire qui, grosso modo, repose sur l’accusation d’avoir participé à une manifestation violente sans avoir chercher à empêcher les débordements... un truc dans ce genre là , je ne saurais pas te dire exactement ! » conclut Albert, le sourire en coin.
Loïc Ramirez