Dans un monde où l’accès à l’information s’est vulgarisé par la multiplicité et la diversification des organes de presse et des médias, il n’est pas toujours certain de faire le tri, voire séparer le bon grain de l’ivraie. Curieusement, c’est cette multiplication de titres (il y a trois grands groupes de médias : la presse écrite ou « presse papier », la radio et la télévision, concurrencés désormais par un nouveau venu, Internet) qui pose problème. Et d’aucuns de s’interroger sur la neutralité formelle des médias ? Est-ce si sûr eu égard à une information loin d’être objective et ne répondant pas toujours aux normes de la pratique ? De là à se demander si les médias ne seraient pas sous influence, il n’y a qu’un pas.
En fait, la question est devenue inévitable face aux dérapages répétitifs de médias qui « amalgament » sans état d’âme, information et propagande. Cela se vérifie chaque jour en Syrie, en Ukraine, notamment pour nous en tenir à l’actualité du moment. Avec en toile de fond la guerre froide entre la Russie et l’Occident, qui tend à reprendre, peu ou prou, sa réalité. Le Moyen-Orient, l’Afrique, l’Europe de l’Est sont (re)devenus des territoires stratégiques, où l’information est sous influence, sinon mise sous l’éteignoir, au profit de parties, ou d’idéologies plus ou moins typées. C’est du moins l’impression qui prévaut au regard de la manière avec laquelle l’information, souvent sortie de son contexte, est distillée à l’opinion publique internationale. Certes, la question n’est pas aussi simple, il n’en reste pas moins que les médias internationaux sont loin d’être exempts d’errements quant à la manière avec laquelle l’information est traitée avant d’être livrée aux lecteurs, auditeurs-téléspectateurs.
L’agence France presse (AFP) en donne chaque jour l’exemple par son traitement de la guerre en Syrie. Un archétype parmi des centaines du même genre. Commentant le déplacement du président syrien, Bachar Al Assad à Maâloula (dimanche dernier où il célébra Pâques avec les chrétiens syriens), l’agence française n’hésita pas à déformer les faits et à produire une lecture biaisée de cette visite. D’autre part, l’AFP contestant le terme de « terroristes », utilisé par la presse syrienne, rappelle invariablement que « le terme ’terroriste’’ est utilisé par le régime (syrien, Ndlr) pour désigner les rebelles qui cherchent depuis trois ans à le renverser ». Dans cette trajectoire, la rébellion est gratifiée du statut d’« Armée libre de Syrie » quand l’armée officielle est désignée sous le vocable de « troupes de Bachar Al Assad ». Ainsi est distillée une information tendancieuse, souvent fausse. Tout est dans la manière de présenter les choses. Or, ces « rebelles » qui sèment la terreur en Syrie sont ceux-là même qui ont enlevé une trentaine de journalistes étrangers, dont quatre français, d’ailleurs libérés vendredi par les jihadistes de l’EIIL. Il est patent que le régime syrien n’est pas indemne de dépassements ce qui ne doit pas nous faire oublier que la rébellion qui le combat est soutenue, financée et armée tant par l’Occident que par les monarchies du Golfe.
Depuis le début de la guerre en Syrie, l’information est orientée et biaisée, confinant à de la propagande, quand les agences internationales, tout en passant sous silence l’apport occidental à la rébellion syrienne, mettent en revanche, en exergue, le « soutien » qu’apporteraient la Russie et l’Iran au régime syrien. Présentés ainsi, les rebelles appuyés par des jihadistes affiliés, directement ou indirectement, à Al Qaîda, tels le Front Al Nosra et le sanguinaire Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) lutteraient, à en croire leurs thuriféraires pour la « liberté » et la « démocratie ». En fait, les « informateurs » ne trouvent pas curieux que l’Occident qui soutient la rébellion syrienne fasse cause commune avec les jihadistes d’Eiil et d’Al Nosra c’est-à-dire avec Al Qaîda. Alors l’information est-elle sous influence ? Manipulée ? Manipulatrice ? Le même procédé se retrouve dans la crise ukrainienne, quand ces agences appuient lourdement sur le terme « insurgés pro-Russes », alors qu’il s’agit en fait d’Ukrainiens russophones. En effet, être russophone n’a rien à voir avec être « pro-Russes ». On ne décrira pas aux tenants de cette confusion sémantique, la différence existant entre « francophones » et « pro-Français ». Mais les agences occidentales usent systématiquement du mot « pro-Russes » dans la crise ukrainienne. Comme de passer sous silence le fait que le gouvernement des insurgés de Maidan se proclame sans nuance pro-occidental, sans tenir compte des sentiments et inquiétudes de l’importante population d’origine russe de l’est du pays.
Le rôle du journaliste n’est-il pas d’abord d’informer le plus objectivement possible, expliquer si besoin est, tout en restant neutre, les enjeux en cause ? Ce qui est loin d’être le cas. Or, plus que jamais, l’information est devenue un vecteur de domination du monde.
Karim Mohsen