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La réalité clandestine des grandes manoeuvres financières

Siegmund Warburg

Lors des grandes manoeuvres financières, bien souvent, apparaissent en appui de curieux acteurs ayant des modes d’actions peu conventionnels. Ces méthodes constituent souvent de graves manquements aux règles élémentaires de l’éthique. Pis : il arrive qu’elles soient empreintes d’illégalité. Le recours systématique à ces professionnels de l’ombre pour contrer les OPA est aujourd’hui une hypocrisie sur laquelle chacun ferme les yeux, au nom de prétendus enjeux stratégiques. Zoom sur la "westernisation" silencieuse de la finance.

Technique d’acquisition d’entreprises mise au point en 1945 par Sigmund Warburg, banquier d’affaires britannique, l’offre publique d’achat se manifeste - du moins dans sa forme dite "amicale" - sous forme de gentlemen’s agreement. Elle s’opère aujourd’hui sous de moins bons auspices lorsqu’elle est non sollicitée : les OPA dites "hostiles" sont un marché juteux pour les officines en tous genres, dont les Etats légitiment implicitement les pratiques lorsqu’ils estiment le "raid" contraire à leurs intérêts stratégiques ; c’est-à -dire dans 90% des cas ! Force est de constater qu’il ne se déroule plus une seule OPA sur fond de rumeur, d’affaire d’espionnage, de déstabilisation ou d’obscures tractations. Tout est prétexte à la subversion, quand il est question de "contrôle de l’entreprise".

Il existe pourtant des moyens de bonne guerre, pour se défendre lorsqu’on est assailli : "défense Pac-Man", "chevalier blanc", "dragée toxique" ou encore "joyaux de la couronne" sont autant de stratégies dont le nom prête à sourire, mais qui n’en n’ont pas moins fait leurs preuves. Les parades juridiques de bonne et due forme sont légion, en témoigne ce mémoire consacré aux "Stratégies de défense en matière d’OPA". Mais que reste-t-il à la cible, lorsque tous ces moyens ont été épuisés ? Pas la résignation, non. Encore moins le respect des règles du jeu. Et ce qui est valable pour la société cible, l’est aussi parfois pour l’acquérant.

Pour s’en convaincre, il suffit de se référer à l’actualité qui regorge un peu plus chaque semaine de polémiques. La dernière en date s’abattit sur Jeremy Hunt, Ministre anglais de la culture, auquel on reproche une étrange connivence avec le groupe Murdoch, lequel s’est déjà tristement illustré dans l’affaire des écoutes. Ce qu’on reproche aux deux hommes en l’occurrence, c’est une collusion teintée de "gangstérisme", pour reprendre les termes du Figaro qui relatait en ces termes la tentative d’OPA du groupe Murdoch sur le groupe satellitaire anglais BSkyB : "Après les méthodes de gangsters de ses tabloïds - espionnage, intimidations, corruption de policiers - émerge le spectre d’une collusion autour d’intérêts financiers entre le géant de la presse et le Parti conservateur au pouvoir." Furieux de voir patiner la manoeuvre, Rupert Murdoch aurait copieusement invectivé Jeremy Hunt. Il faut lui reconnaître qu’après avoir soutenu les travaillistes pendant dix ans, Murdoch avait retourné sa veste au profit de la candidature de Cameron en 2010. Or, c’est bien connu, un service en vaut un autre : Hunt a donc spontanément plaidé en faveur du projet d’OPA. Au cours de l’été 2011, celui-ci est "retiré dans la débâcle du scandale des écoutes de l’été 2011. Mais l’affaire n’a pas fini de faire sentir ses ondes de choc au sommet de l’État."

La vie économique française n’est pas exempte de ces récits qui ponctuent les colonnes de nos journaux. A plus forte raison lorsque l’un de ses fleurons brigue le leadership mondial. Fin 2010 et début 2011, c’est le groupe familial Oberthur qui en a fait l’expérience. Lui qui détient l’essentiel de ses parts de marché à l’international et n’a de cesse de damer le pion à ses homologues, il contrarie l’ordre établi. Entreprise rachetée en 1984 pour un franc symbolique, Oberthur est aujourd’hui en situation d’alimenter sa croissance externe en recherchant des synergies sur le marché ; c’est-à -dire en essayant de racheter des concurrents. Source de bien des tracas, selon des observateurs, qui indiquaient les innombrables tentatives d’approches des collaborateurs par des espions visiblement mal intentionnés dont l’entreprise a été victime. Ainsi, des salariés ont reçu de curieux appels téléphoniques ou ont été approchés via les réseaux sociaux professionnels.

Anne Lauvergeon aussi, indique Le Monde, aurait fait les frais d’une campagne de déstabilisation, rappelant au passage qu’elle a décidé de porter plainte "pour une affaire d’espionnage présumé contre elle et son mari qui serait elle aussi liée à Uramin", entreprise sur laquelle Areva a finalisé son OPA en juillet 2007. "L’affaire Areva ne représente que la partie émergée de l’iceberg", conclut Stéphane Koch, patron d’une boîte de sécurité de l’information. Nos entreprises hexagonales ne sont d’ailleurs pas en reste, lorsqu’il s’agit d’être à la manoeuvre dans les mauvais coups. Dernièrement, le porte-parole des familles actionnaires du groupe Hermès dénonçait des "tentatives de déstabilisation" au moment-même où LVMH entamait son intrusion dans le capital du premier.

"Dans les affaires éminemment sensibles, les entreprises françaises font souvent appel à des officines suisses, craignant, en France, une certaine porosité des spécialistes de l’intelligence économique avec les services officiels", selon Stéphane Koch. Mais s’il est vrai que les apprentis barbouzes du privé bénéficient d’un régime particulièrement libéral en Suisse, comme le relève l’hebdomadaire Challenges dans un article consacré au landerneau helvète du renseignement économique, les anglosaxons n’ont pas à rougir de leur savoir-faire.

La multinationale de "l’investigation", Kroll, a même fait des contre-OPA son coeur de métier. C’est ce que nous enseigne un article de La Tribune publié le 21 décembre 2004, présentant l’entreprise comme le "géant redouté de l’intelligence économique". En effet, elle a de quoi faire trembler nos patrons, cette boîte de "détectives privés du monde économique", qui ne compte pas moins de 4000 agents dans le monde entier, soit... l’équivalent des effectifs de la DGSE ! "Composée d’anciens magistrats, de policiers, et bien sûr, d’hommes des services secrets, Kroll est aussi puissante qu’une centrale de renseignement, précise le quotidien qui rappelle au passage que l’agence s’est notamment spécialisée dans les contre-OPA quitte à déstabiliser fortement l’entreprise qui attaque." L’Expansion, revenant sur l’histoire de cette multinationale pas comme les autres, relevait pour sa part que "Kroll a réalisé sa fortune durant les années 80 en participant dans les coulisses à la plupart des grandes OPA. Dans 90 % des cas, pour défendre les firmes attaquées , précise Jules Kroll, qui aime conserver une image d’avocat des victimes, surtout quand il faut mettre ses mains dans les poubelles."

En France, rapporte L’Usine Nouvelle, "Bernard Arnault fut l’un des premiers à payer ses services. Kroll France est d’ailleurs dirigé par Béchir Mana, ex-fonctionnaire à l’Elysée puis au SGDN, en charge de… l’intelligence économique." On ne change pas une équipe qui gagne...

"Apprendre à lire entre les lignes", voici donc la morale de l’histoire qu’il conviendra de se remémorer chaque fois qu’un de nos quotidiens fera état d’une tentative d’OPA. Chaque fois qu’on entendra parler d’espionnage, de soupçons, ou de calomnie, également. On se rappellera aussi que les officines précitées se spécialisent désormais dans d’autres genres de tactique visant à affecter le jugement des actionnaires, parmi lesquels certaines techniques de manipulation héritées de la guerre froide. Emmanuel Lehmann, dans un article consacré à la guerre de l’information dans le cadre des grandes affaires financières, les décrit ainsi : "dénigrer, diffuser une rumeur, basher et polluer les forums boursiers, décrédibiliser les annonces de la société, utiliser les processus de modération pour annihiler tout capacité de défense et de réponse de l’entreprise"... Autant de méthodes éprouvées, et autant de preuves, s’il en est, que la performance économique pure n’est plus qu’un modeste facteur explicatif du succès ou de l’échec d’une OPA.

Stéphane Aribal

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