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La guerre des ONG

Il existe des hommes exceptionnels dans l’Histoire auxquels on aimerait s’identifier. Parmi eux, les plus en vue et les plus côtés sont ceux qui ont apporté quelque chose à l’humanité, ou qui se sont engagés dans des combats pour l’humanité. Ce qui tendrait à montrer, malgré les apparences, que l’empathie est l’une des premières qualités de l’Homme. On a vu, par exemple, dans les années 70-80, des milliers de jeunes se lancer dans des études médicales pour satisfaire une vocation suscitée, pour beaucoup d’entre eux, par Albert Schweitzer ou Soeur Theresa. Au lendemain des années hippies et de Mai 68, il régnait une atmosphère de fraternité mondiale chez les jeunes et un désir ardent d’entraide. On en a vu beaucoup partir en Afrique et en Asie dans des organisations humanitaires qui avaient commencé à se créer alors. Buts nobles et louables dans les intentions. Dans la pratique et sur le terrain les choses ne se présentaient pas tout à fait de la meilleure des façons. D’abord, ce qu’ils trouvaient n’avait rien à voir avec ce qu’on leur décrivait. Toutes les catastrophes et tous les malheurs qu’ils venaient soulager n’étaient, en grande partie, que de la communication pour obtenir des subventions ou inciter à la générosité. Ensuite ils trouvaient des pays empêtrés dans des problèmes plus globaux nécessitant d’énormes investissements et une vision politique beaucoup plus globale, dans laquelle leur action humanitaire ne représente qu’une goutte d’eau insignifiante et parfois même encombrante. Ceux qui arrivaient à faire la part des choses et à s’adapter aux réalités, étaient confrontés à des difficultés qu’ils n’avaient jamais connues auparavant à cause du manque de moyens, d’infrastructure, de logistique, et se retrouvaient dans des situations pour lesquelles ils n’ont jamais été formés.

Petit à petit, ces bénévoles au grand coeur se sont vus organisés et encadrés au sein de groupes plus performants disposant de moyens plus conséquents, pouvant discuter avec les autorités locales et participer à des programmes planifiés. Ces groupes, qu’on nomma Organisations non gouvernementales (ONG) se créèrent un peu partout en Occident, si bien que chaque pays en occident en avait un ou plusieurs, aidé en cela par le charity business. Tous les pays du Tiers-Monde virent débarquer toutes ces ONG se bousculant pour les aider. Tout le monde y gagnait. Les populations locales bénéficiaient directement de l’action humanitaire. Les gouvernements pouvaient orienter leurs budgets vers d’autres pôles plus urgents tout en bénéficiant de l’apport de spécialistes hautement qualifiés. Les ONG, quant à elles, prouvaient, par leurs actions, leur utilité à la grande satisfaction de leurs donateurs et pouvaient espérer encore plus de dons. Sans oublier les bénévoles qui auront rempli leur mission humanitaire dans les meilleures conditions.

C’était trop beau pour que ça dure. Les bénévoles eux, n’ont pas changé. Ce sont toujours ces personnes désireuses d’utiliser leurs savoirs et leurs talents au service de l’autre, surtout s’il est démuni. Mais, très tôt, les ONG ont eu à faire face au problème de la collecte de fonds. Pour avoir une structure opérationnelle et efficace, il faut beaucoup d’argent. Cet argent provient, en très grande partie, de dons de la part de personne sensibilisées aux causes humanitaires. Les techniques de sensibilisations pour attirer la compassion ou la pitié n’ont pas changé depuis la Cour de Miracles. Plus le tableau est noirci, plus les gens à aider sont miséreux, plus les recettes sont conséquentes. La rencontre entre ce besoin et la montée en puissance des médias fut la bienvenue. Tout le monde connait la désormais fameuse formule : « Le poids des mots, le choc des photos » de Paris-Match. Certains d’entre nous se souviennent des images de ces enfants du Biafra au ventre gonflé, ou des enfants (il y a beaucoup d’enfants dans ces photos) éthiopiens ou somaliens, ou encore des boat people. On ne s’étendra pas sur la fameuse scène du sac de riz porté par notre French Doctor national. Aujourd’hui, on pourrait toujours dire que la manipulation, l’exagération et la caricature étaient nécessaires, que c’était pour la bonne cause. Peut-être. Peut-être pas. Quand on se souvient du Docteur Kouchner venant, avec le plus grand sérieux, presque la larme à l’oeil, vendre ses histoires et que l’on revoit plus tard ce même Bernard Kouchner ministre des affaires étrangères, raconter d’autres histoires avec le même sérieux, on peut, au minimum se poser des questions sur la valeur de son sérieux.

Justifiée ou pas, il y a bien eu manipulation pour faire pleurer dans les chaumières afin d’obtenir des fonds auxquels l’état ne contribuait que très faiblement. Et la concurrence était rude, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Sur le terrain, les ONG se télescopaient parfois. Bien entendu, dès lors que les américains s’y mettent, les choses changent de dimension. Grâce à leurs innombrables fondations, les moyens ne sont plus les mêmes. La nature même des ONG commence aussi à changer. Si en France on avait eu recours à quelques tricheries, quelques petits arrangements avec la vérité comme au Biafra, pour récolter les fonds nécessaires aux missions humanitaires, aux Etats-Unis, les choses se présentent tout autrement. Les grosses ONG sont financées par ceux-là même qui ont des intérêts économiques ou politiques dans les pays qui bénéficient de leurs aides. Le premier intéressé est, évidemment, le gouvernement des Etats-Unis. On comprend alors que chaque ONG aura une double mission : une mission humanitaire, et une mission au service de son pays, cette dernière soigneusement camouflée par la nature NON gouvernementale de l’organisation.

Il faut se rappeler également que, dans les dernières décennies du siècle dernier, la demande était forte et les besoins immenses. Les pays pauvres ne se préoccupaient donc pas d’où venait l’aide, pourvu qu’elle arrive. Et l’aide arrivait via les ONG devenues de gigantesques multinationales dans lesquels il y avait aussi des spécialistes chargés de faire avancer la politique de leur principal bailleur de fonds : l’état américain. Le monde entier, l’Europe y compris, vit fleurir des organisations, des fondations, des associations, toutes avec des noms évocateurs, avec des « Human » quelque chose ou se terminant par « sans frontière » pour imiter le vénérable Médecins sans Frontières. Au début des années 2000, quand la politique américaine s’est résolument engagée dans le remodelage du monde à la faveur de la chute de l’URSS, tout le maillage était déjà en place. Presque du jour au lendemain, les ONG firent évoluer leurs préoccupations de l’humanitaire vers le la « libération », des peuples, « l’émancipation » des minorités, la « démocratisation » des états. Présenté ainsi, on se dit : « c’est beau, c’est noble ». Ca reste encore dans le cadre de l’aide humanitaire. Oui,à condition de ne pas trop gratter. Si on le faisait, ce qu’on verrait sous le maquillage n’est ni beau, ni noble.

Il existe pourtant une vérité simple avec laquelle tout le monde est d’accord : contraindre un peuple à vivre selon un mode qui n’est pas le sien, c’est de l’asservissement. Certains objecteront que ce peuple n’a pas le choix et qu’il faut l’aider. Soit. Mais comment sait-on qu’il n’a pas le choix ? Et s’il l’avait, qui nous dit qu’il choisirait ce que nous lui proposons ? Enfin, ceux qui nous présentent les faits de cette manière sont ceux-là même qui veulent imposer leur propre choix à ce peuple. N’y a-t-il pas là quelque chose qui cloche ? Déjà dans les années 80, on a vu différents mouvements aidés et financés par ces ONG dans les états de l’Europe de l’Est, ayant tous pour but d’éradiquer le communisme dans ces pays. Après la chute de l’URSS, ces mouvements ont continué, tous manipulés et financés par les mêmes ONG, pour faire tomber des régimes hostiles ou pas assez amis. Ces mouvements, avaient tous leurs noms de code, comme les opérations militaires, mais en plus poétique, donnant les révolutions colorées. Et des régimes sont tombés. Soit de cette façon soit par les armes, mais toujours par la volonté de Washington et selon un plan établi de longue date. Et il y en a qui y voient toujours de la beauté, de la noblesse et de l’humanitaire.

Les russes, eux, voient les choses telles qu’elles sont. Si guerre il y a, ils veulent se battre. Car il s’agit d’une guerre. Les américains eux-mêmes le reconnaissent. Ils parlent de « soft power ». Si en Afghanistan ou en Irak ils ont sorti les bombes et les missiles, ailleurs ils ont décidé de prendre le pouvoir par la manière douce, grâce à leurs ONG. Ce qui a marché avec Eltsine ou Medvedev, ne marche plus avec Poutine. Il a eu tout le temps de mesurer la puissance de ce nouveau moyen de subversion. Dès son investiture, il lance les conditions de neutralisation de cette arme. Le gouvernement russe commence d’abord par mettre en place un cadre légal permettant de gérer les ONG financées de l’étranger différemment des autres ONG. Ensuite il vote des lois spécifiques à ces associations, les calquant sur les lois américaines sur ce sujet, muselant ainsi les velléités de crier « au dictateur ! ». La deuxième phase de la contre-offensive russe vient de commencer ces jours-ci. Ils ont, en effet, décidé de financer leurs propres ONG. Ces organisations feront à l’intérieur du pays le même travail que celles de l’étranger, mais plus facilement, dans la mesure où les lois les gérant sont plus souples. Elles iront également dans les pays ayant besoin d’aide humanitaire où la Russie est de plus en plus présente. Mais on peut d’ores et déjà prédire que leur champ d’action ne s’arrêtera pas là . Toutes ces ONG vont se retrouver, tôt ou tard, représentées aux Etats-Unis et dans ses pays satellites. On peut même prédire qu’il n’y aura pas que des humanitaires dans ces organisations. A quand une révolution colorée dans le Kentucky ou au Texas ? Un autre front vient de s’ouvrir. Un parmi tant d’autres.

Avic

URL de cet article 20048
  

La Chine sans œillères
Journaliste, écrivain, professeur d’université, médecin, essayiste, économiste, énarque, chercheur en philosophie, membre du CNRS, ancien ambassadeur, collaborateur de l’ONU, ex-responsable du département international de la CGT, ancien référent littéraire d’ATTAC, directeur adjoint d’un Institut de recherche sur le développement mondial, attaché à un ministère des Affaires étrangères, animateur d’une émission de radio, animateur d’une chaîne de télévision, ils sont dix-sept intellectuels, qui nous parlent (...)
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