Un théologien protestant prône un athéisme humaniste et humain

La foi des athées

illustration : Jennifer Grey, "Imaginez qu’il n’y ait pas de paradis"
Anahi SERI
« La foi religieuse est une croyance contre la réalité. La foi athée est une croyance fondée sur la réalité. »
Paul Schulz

Une dame, âgée de 84 ans, demande à s’entretenir en privé avec son pasteur. Elle veut lui poser une question très importante et elle veut qu’il réponde en donnant son opinion personnelle. « D’accord, je vais essayer », répond le pasteur. La dame lui demande : « Croyez-vous à la vie après la mort ? » et elle constate que le pasteur hésite. « Je ne veux pas d’explications théologiques ; je veux que vous me donniez votre opinion personnelle ». - « Non, je ne crois pas à la vie après la mort ».

Ils continuent à converser quelques heures sans que la question ne revienne sur le tapis. Deux jours plus tard, le pasteur reçoit un appel téléphonique quelque peu angoissé de la fille de cette dame. « Qu’avez-vous dit à ma mère ? »

Un frisson d’appréhension secoue le pasteur. Il regrette très fort d’avoir été aussi catégorique. Son interlocutrice lui explique ce qui s’est passé : « Hier, ma mère m’a demandé de passer la voir. Elle avait débouché une bonne bouteille de vin vieux, elle qui n’a jamais bu de sa vie et elle a voulu que nous trinquions. Elle m’a expliqué : le pasteur m’a dit qu’il n’y a pas de vie après la mort, qu’il n’y a pas de jugement dernier, qu’il n’y a pas d’enfer. Désormais je peux mourir en paix. »

C’est avec cette anecdote que débute le chapitre II de "Atheistischer Glaube" (La foi athée), le second livre de Paul Schulz qui avait déjà publié, en 2006, : Codex atheos. Die Kraft des Atheismus. Grundpositionen des abendländischen Denkens ohne Gott" [Codex athées. La force de l’athéisme. Les fondements de la pensée occidentale sans Dieu]

Paul Schulz, est né en 1937, à Francfort. Il est licencié en théologie et a soutenu une thèse de doctorat sur les manuscrits de la Mer Morte. Dans les années 70, il est pasteur de l’église Saint Jacob, à Hambourg. En 1975, l’Eglise Luthérienne Evangélique lui fait un procès pour hérésie et lui reproche, entre autres choses, d’avoir affirmé, du haut de sa chaire, que l’existence de Dieu est « une consolante invention de l’être humain » et que la prière est « une réflexion personnelle ». En 1979, l’Eglise lui retire son ordination de prêtre et il travaille désormais, des années durant, dans une entreprise privée, mais, en 1995, il change d’orientation et fonde une Académie du Troisième à‚ge au sein de laquelle, s’inspirant de l’exemple de Socrates, il veut prôner un athéisme humaniste et humain.

Le livre "Atheistischer Glaube" (La foi athée) comprend sept chapitres, chacun est sous-divisé en cinq sections et ces 35 sections correspondent aux 35 thèses de son « Manifeste athée ». Le manifeste part de l’idée que l’homme doit refuser dieu pour récupérer son autonomie en tant qu’être humain. Il utilise des termes comme « naissance rationnelle » en rapport avec ce processus qui conduit à se libérer du divin. Il définit la foi athée sur trois niveaux : le premier niveau consiste à accepter la realité en tant que telle, sans dieu. Le second niveau consiste à trouver la responsabilité et le sens de la vie de façon autonome. Le troisième niveau (meta niveau) vise une philosophie de l’existence au delà de la nature. Le cours du livre permet d’aborder plus en détail des questions en rapport avec la vie, la mort, l’esthétique, le sens de la vie. Chaque chapitre commence par une anecdote concrète comme point de départ pour ses réflexions.

Il est dommage que les éditeurs espagnols ne se soient pas intéressés à cet ouvrage qui pourrait susciter l’intérêt de nombreux lecteurs hispanophones.

Anahà­ Seri
Rebelión http://www.rebelion.org/noticia.php?id=105496

traduction M. Colinas

COMMENTAIRES  

18/05/2010 11:24 par D3gl1ng0

De même :

Il est dommage que les éditeurs français ne se soient pas intéressés à cet ouvrage (et au précédent "Codex Atheos") [dont la traduction] pourrait susciter l’intérêt de nombreux lecteurs francophones...

18/05/2010 20:33 par benedicte

je suis athée mais je ne vis pas du tout l’athéisme comme une croyance, ne pas croire en des dieux inventés, ne signifie en aucun cas croire en quoi que ce soit d’autre. Je ne dis pas que l’athéisme ne peut pas dégénérer en croyance, mais il n’est pas une croyance à la base.
Mais effectivement si dans le livre il est question "d’une philosophie de l’existence au delà de la nature", alors là on retourne à la croyance, on a chassé celle de dieu, que pour en construire une autre.
Tant que l’être humain prétendra s’affranchir de la nature ou être au-delà d’elle, niant la réalité qu’il en est à la fois issu, et un de ses éléments ... il ne comprendra rien ni à la nature/la vie, qu’il continuera à rejeter en projetant sur elle ses fantasmes, et rien à lui-même.
L’être humain n’est pas au-delà de la nature, mais parce qu’il veut le croire, en réalité c’est la vie qui est au-delà de lui, et c’est absence de vie qui est responsable du vide, du manque, des peurs qui le taraudent et qu’il cherche à conjurer par la croyance.
Quelque part il est aberrant de parler d’une croyance fondée sur la réalité, toute croyance s’érige en déni de la réalité, et pas seulement les croyances religieuses. vivre dans la réalité, c’est désamorcer ses croyances y compris inconscientes, et accepter de ne pas avoir d’explication ou de réponse à tout. Et si la réalité de l’être humain est profondément déprimante, en tout cas pour moi, la réalité en dehors de l’humanité, celle de la vie est surprenante et un fantastique territoire d’inconnu à explorer, sans avoir besoin de moyens financier ou matériel.
J’ai trouvé très amusante l’anecdote de la vieille dame et de son pasteur, que vous avez cité.Je pense que le parcours de cet ancien pasteur déclarant que la foi religieuse est une croyance contre la réalité, est sûrement intéressant et peut faire avancer sa réflexion personnelle. Et si vous n’aviez pas fait cet article, je n’en aurais pas connaissance, merci

19/05/2010 10:48 par Manuel Colinas

@benedicte
Bonjour :
Je lis votre commentaire suite à l’article : «  La foi des athées »...
Merci d’avoir pris la peine d’exprimer votre opinion que j’ai lue avec grand intérêt et qui me suggère ceci : 
«  Je ne vis pas du tout l’athéisme comme une croyance... il n’est pas une croyance à la base ». Vous avez raison en toute logique : ne pas croire à l’astrologie ne fait pas de moi un croyant... Mais dans le cas des religions, conclure ainsi, n’est-ce pas négliger l’Histoire et le contexte social ?
Si on peut imaginer que les premiers êtres dignes de s’appeler hominidés furent athées parce qu’encore incapables de s’interroger sur leur moi confronté à la nature, ne peut-on pas supposer aussi que l’explication des phénomènes naturels (pluie, tonnerre, nuit, jour, soleil, fécondité, semailles, rêves...) très vite ne purent trouver une explication cohérente, pendant des millénaires, que dans les mythologies et les cultes... sans compter que ces mythologies, cultes et croyances furent sûrement un élément déterminant pour fonder, souder et dynamiser des communautés humaines et des cités longtemps fragiles et menacées.
Si les religions sont donc, depuis la nuit des temps, au coeur des communautés humaines et leur sont comme consubstantielles, l’athéisme a bien été, dans les faits, une conquête audacieuse récente, périlleuse, au même titre que la science, le darwinisme, le marxisme, l’école laïque, l’anti-racisme, l’anti-homophobie, etc. sans compter cette alliance totale et intime des religions et de la classe sociale dominante pour perpétuer le pouvoir en place. Alors, peut-on et doit-on s’interdire de considérer comme un devoir de lutter contre l’obscurantisme religieux, allié à la réaction politique et sociale, de faire connaître notre conviction que la religion est une fable, certes, mais aussi une idéologie et une puissance économique et politique et sociale considérables, de devenir des militants - pas des fidèles - de l’athéisme, sous les formes les plus efficaces et probablement diverses et encore à inventer ?...
«  L’être humain n’est pas au-delà de la nature, mais parce qu’il veut le croire, en réalité c’est la vie qui est au-delà de lui, et c’est (cette) absence de vie qui est responsable du vide, du manque, des peurs qui le taraudent et qu’il cherche à conjurer par la croyance » J’avoue que j’ai du mal à vous suivre. Vous considérez le couple être humain-nature, mais omettez un peu vite, je crois, le troisième élément primordial, essentiel, incontournable : la «  société ». «  Je est un autre » a-t-on pu dire. Si le groupe humain n’existe pas, la personne humaine non plus. L’enfant-loup de l’Ardèche n’est pas totalement humain. Et la physique quantique n’est pas dans la nature. Pas plus que Pi. C’est la société des hommes qui s’est donnée les moyens sociaux, économiques, conceptuels, de supposer, inventer ces savoirs qui sont opérationnels et, provisoirement, utiles et suffisants pour elle pour résoudre ses tâches du moment. Et je mettrais les religions et l’athéisme dans la même lignée...
Je suis persuadé que vous lirez, sur ces questions, avec grand intérêt le livre récent de Lucien Sève : Penser avec Marx aujourd’hui. Tome II. L’«  Homme » ? - Editions La Dispute - [je suis loin de mes archives et je cite l’ouvrage de mémoire et donc, peut-être, imparfaitement]. Je me permets de vous le recommander si vous ne le connaissez pas.
C’est parce que j’ai pensé que l’oeuvre et le cheminement de ce prêtre allemand pouvait intéresser un public francophone que j’ai proposé à Le Grand Soir cet article dont je n’ai été que le modeste traducteur. Merci encore de m’avoir dit que je ne me suis pas trompé.
Avec mes civilités empressées.
Manuel Colinas

19/05/2010 20:51 par Jean-Charles

Bonjour ! Je réagis à cette phrase :
"Si on peut imaginer que les premiers êtres dignes de s’appeler hominidés furent athées parce qu’encore incapables de s’interroger sur leur moi confronté à la nature"
Ne pas s’interroger sur l’existence du divin ne signifie pas en être incapable, ils n’étaient pas idiots, sinon nous ne serions pas là . Les hominidés se sont d’abord interrogés sur la morale (probablement sans en inventer le mot)
Une telle interrogation a eu nécessairement lieu puisqu’ils n’ont pas disparu. Cela signifie qu’ils ont vécu ensemble en cohérence, pour ne pas dire harmonie, et qu’ils ont donc eu des rêgles de vie commune, et donc une morale, et ce, avant l’invention des dieux comme tentative d’explication du monde.
La morale a donc bien été établie avant les dieux.
Maintenant, cette invention dont je parle, elle a été bien utile puisqu’elle a amené l’homme à la science, et donc, à l’athéisme.
Pour un développement bien meilleur que l’humble mien, je vous renvoie à ce formidable petit précis, sans haine ni stigmatisation dont voici des extraits :
http://atheisme.free.fr/Citations/Campillo_ferreras.htm
Bien à vous toutes et tous, quelques soient vos croyances et non-croyances, en toute amitié et respect,

22/05/2010 09:58 par Anonyme

Le pasteur évoqué dans l’histoire rassure une vieille dame lui disant qu’il n’y a pas de vie après la mort : il renie l’Évangile de Jésus. L’avis qu’il donne est alors un point de vue personnel et purement athée, et ne peut servir de preuve chrétienne d’absence de vie après la mort.

03/06/2010 16:20 par ruelle

Lorsque tu es mort la vie qui reste est en dehors de toi. tu es mort ! tu es mort !. C’est la vie qui reste.

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